J1, habitant insalubre à Noailles, la Plaine, élections municipales de 2020… Laure-Agnès Caradec, adjointe (LR) au maire en charge de l’urbanisme et présidente d’Euroméditerranée, s’est prêtée au jeu des questions-réponses avec made in marseille. Entretien.
A l’occasion de ce long échange, nous avons également abordé les projets sur le périmètre d’Euroméditerranée : la création d’une nouvelle skyline dans le prolongement vers le nord de la tour CMA CGM, la piscine d’Arenc, l’avenir du Dock des Suds ou encore le futur parc Bougainville…
Retrouvez sur cette carte, en rouge les projets marseillais abordés avec Laure-Agnès Caradec, faisant partie du périmètre Euroméditerranée, et en vert, hors périmètre.
made in marseille : Le projet « La Passerelle » du J1 a été présenté la semaine dernière. Qu’en pensez-vous ?
Laure-Agnès Caradec : Je trouve indispensable qu’il y ait un devenir au J1. Mon discours a toujours été celui-là : le port doit agir avec la ville. Nous sommes le seul port qui fonctionne en vase clos sans réelle porosité. Nous avons le J4, bien sûr, qui a été obtenu de haute lutte et il faut continuer l’esprit J4 ailleurs.
Le projet retenu correspond-il à cette attente ?
Le J1 est en effet dans cet esprit-là. Il s’agit d’avoir un équipement ouvert sur la ville avec un usage. Est-ce qu’il fallait un hôtel ? Là-dessus je resterais plus réservée mais en tout cas, c’est bien que le J1 ait une vraie fonctionnalité avec la ville. À ce titre-là je suis très enthousiaste et j’espère que ça ira vite au bout.
Bruno Gilles était favorable à un projet de casino à cet endroit, vous aussi ?
Nous avons un veto total du port sur ce sujet. Pour nous, la volonté d’installer un casino à Marseille est actée mais c’est compliqué. Sur le J1 ça aurait été super, sur une extension des terrasses du port également. Il faudra trouver un autre lieu…
Pour quelles raisons le port met-il son veto ?
Ils pensent qu’avoir un espace de jeu sur le port c’est compliqué en termes d’image et de gestion. Mais on peut avoir des espaces sécurisés avec entrée et sortie sur l’espace public et qui soit étanche avec le reste du port.
Le drame de la Rue d’Aubagne au coeur du quartier Noailles
Les tragiques événements ont fait éclater au grand jour le problème du mal-logement à Marseille. Depuis deux mois et demi, ce sont quelque 1900 personnes qui ont dû quitter leurs logements. Certains ont pu réintégrer leur domicile, quand d’autres attendent encore une solution.
Depuis le drame de la rue d’Aubagne, vous avez été en retrait sur la scène médiatique…
Je me suis exprimée au conseil de territoire et au conseil municipal. Et puis il faut dire que je n’ai pas non plus été particulièrement sollicitée.
Quel est votre sentiment aujourd’hui ?
Au-delà du drame, du choc et de l’émotion, je pense qu’il y a eu une prise de conscience nationale du problème du mal-logement qui était déjà dénoncé par plusieurs associations comme la fondation Abbé Pierre et d’autres. Cette prise de conscience nécessite une réaction collective en adaptant les outils parce qu’on s’aperçoit que les responsabilités sont diluées entre propriétaires privés, syndics, les collectivités qui interviennent, l’Etat, la justice… Du coup, il n’y a pas d’action forte sur ce sujet. Depuis 25 ans, nous avons mené des opérations importantes de rénovation.
Alors comment faire aujourd’hui pour aborder le problème ?
L’idée de la présidente de la métropole Martine Vassal, puisque la compétence est métropolitaine, d’utiliser les nouveaux outils de la loi ELAN que sont la SPLA-IN (Société publique locale d’aménagement d’intérêt national, NDLR) permettra d’agir finement avec comme interlocuteur l’Etat. La SPLA-IN sera créée prochainement et devrait être opérationnelle en octobre. Lorsqu’on a un consensus sur les opérations, on avance plus vite.
Vous évoquez des regrets sur cette situation ? On sait que le rapport Nicol de 2015 avait déjà pointé le mal-logement à Marseille.
Oui évidemment ! Mais je rappelle que c’est nous qui avions demandé le rapport Nicol et nous avons tiré des enseignements et nous avons mis en œuvre des politiques publiques. Mais, le fait qu’il y ait cette transversalité avec beaucoup de choses diluées entre propriétaires privés, syndics, les collectivités qui interviennent, l’Etat, la justice a beaucoup compliqué la tâche. Simplifier les choses permettra d’agir de façon beaucoup plus efficace. Il y a une prise de conscience des occupants qu’ils soient propriétaires ou locataires. Ils font des signalements qu’ils ne faisaient pas avant. La municipalité intervient lorsqu’il y a signalement et jusqu’à présent, tous les signalements ont été traités. La prise de conscience à tous les niveaux est salutaire pour traiter de façon massive la problématique du mal-logement.
La question de la réquisition de logements vides est souvent évoquée. Quelle est votre position là-dessus ?
Il faut regarder les choses de façon très objective et réfléchie. Aujourd’hui on n’a pas de problème d’offre de logement à Marseille. On a juste la nécessité de faire le lien entre la demande et l’offre. La SOLIHA (Solidaires pour l’habitat), qui a été créée en début d’année, fait ce travail.
Alors comment faire communiquer les deux vases : les offres et les demandes ?
C’est la SOLIHA qui va être en charge de ce travail fin avec l’appui de la métropole, la ville, les bailleurs sociaux. On n’a pas de problème d’offre, il faut juste arriver à faire la jonction entre les besoins des uns et des autres.
C’est compliqué de demander à des gens de partir vivre à l’autre bout de la ville…
Il y a un travail fin à faire en fonction du lieu de scolarisation des enfants par exemple. Cela prend du temps. Avec l’émotion, on voudrait que tout se fasse instantanément sauf que c’est impossible. Personne n’a été laissé à la rue. Il y a eu 1900 évacués depuis le 5 novembre mais certains ont pu réintégrer leurs logements depuis, il y a eu un roulement.
Comment la situation des évacués va-t-elle évoluer ?
Il faut faire la part des choses entre la procédure de droit commun et le périmètre dérogatoire qui est celui de Noailles. Il y a toujours eu des immeubles qui ont été évacués, en arrêté de péril. Dans ce cas, la mairie prend le logement dans des hôtels les 3, 4 premiers jours et ensuite ce ont les propriétaires qui prennent le relais. C’est la loi. Pour Noailles, il y a une prise en charge des personnes évacuées par la ville. La ville prend aujourd’hui en charge la totalité des frais à Noailles comme pour le reste de la ville ce qui n’est pas vraiment ce qui se fait en temps normal à Marseille et dans les autres villes de France. Nous allons nous retourner contre les propriétaires, mais aujourd’hui la priorité c’est de traiter l’urgence. Le reste sera fait dans un second temps.
La Plaine : carrefour des tensions au coeur du centre-ville
Depuis bientôt 4 mois, le chantier de la place Jean Jaurès a débuté. Ce projet de requalification de la plus grande place de Marseille est loin de faire l’unanimité auprès des habitants. Contestée la rénovation se fait désormais derrière un mur de 2,5 mètres de haut. Lire notre article
Autre grand projet structurant de la ville : la Plaine. Vous avez récemment réagi sur l’agression d’un agent de sécurité du chantier. Quelle est votre sentiment ?
J’ai commencé mon post de la manière suivante : « de quoi parle-t-on ? ». On est sur le réaménagement d’une place publique ! La violence se trouve à tous les niveaux, dans la rue, sur les réseaux sociaux. Je pense que cela commence avec de la violence verbale qui dégénère sur de la violence physique. Ce qui a été fait sur les agents de sécurité est innommable. À la Plaine, nous sommes sur un point de cristallisation avec des activistes qui sont là depuis le début. Ils ont décidé de faire de ce réaménagement-là le point d’orgue de leur bataille.
😡De quoi parle-t-on? Du réaménagement d’une place publique pour plus de fonctionnalité et plus de qualité d’usage. Cette violence qui atteint l’intégrité physique des agents de sécurité est intolérable et révoltante. https://t.co/6Sv166X8i0
— Laure-Agnès Caradec (@lacaradec) 15 janvier 2019
Certains opposants mettent en avant la crainte d’une gentrification du quartier, qu’en pensez-vous ?
Ils parlent de « déportation », de « gentrification ». Aujourd’hui à Marseille il n’y a pas d’indicateur qui montre une gentrification. On a une volonté de réaménager des secteurs de la ville, mais la population est là et elle demeure. Il ne faut pas lâcher parce qu’il y a une attente de la part des riverains. Un groupe d’habitants s’est même créé pour marquer son soutien au projet.
Certains Marseillais évoquent une défiance vis-à-vis des projets de réaménagement. Faut-il y voir un désaveu de la majorité en place depuis près de 25 ans ?
Je ne crois pas parce qu’en janvier on rencontre énormément de personnes à l’occasion des vœux et de différentes cérémonies et ce n’est pas du tout le ressenti que j’ai. Au contraire la violence inquiète plus qu’autre chose.
Vous avez l’habitude des grands projets structurant. Est-ce que pour vous le mur érigé autour de la Plaine était la bonne solution ?
C’est désolant d’en arriver là. Mais revenons au point de départ : de quoi parle-t-on ? On parle du réaménagement d’une place où l’on va mettre des jeux pour enfants, requalifier l’espace, enlever des voitures. Les opposants sont incapables de formaliser ce qu’ils voulaient. Etre opposé pour être opposé et en plus y associer de la violence c’est incompréhensible. Et, en plus leur action terrorise la population qui est sur place. C’est violence n’a pas lieu d’être. Ce qui m’inquiète, c’est que nous avons cet été une livraison partielle prévue en fonction de l’avancement des travaux, j’espère que cette partie de la place ne sera pas endommagée !
Les municipales de 2020 : la course est lancée à droite
La fin du mandat de Jean-Claude Gaudin à la tête de Marseille approche et sa succession est déjà dans toutes les têtes. Si pour l’instant Bruno Gilles est le seul candidat déclaré au sein des Républicains, l’ombre de Martine Vassal ou Renaud Muselier plane sur l’élection de 2020. À 15 mois de l’échéance, certains commencent à avancer leurs pions.
Dominique Tian et Sabine Bernasconi ont pris position en faveur de Martine Vassal récemment. Et vous, comment vous positionnez-vous par rapport à cela ?
Je pense qu’il faut qu’on reste une équipe unie. On a aujourd’hui un seul candidat déclaré qui est Bruno Gilles et on le soutient. Martine Vassal œuvre beaucoup au service du territoire et elle attend les dispositions législatives de fusion entre métropole et département et les calendriers électoraux qu’on ne connait pas. Moi je ne suis qu’en attente d’une entente entre eux deux. Nous sommes une équipe hyper complémentaire donc restons unis. Moi mon but c’est de me mettre derrière celui ou celle qui a le plus de chance de gagner.
Vous ne craignez pas un déchirement de la droite si quelqu’un se présente en face de Bruno Gilles ?
L’objectif justement, c’est que ça ne se déchire pas, et nous sommes plusieurs à faire le grand écart pour que ça ne se déchire pas.
Qui par exemple ?
Il y a Yves Moraine qui prône le rassemblement et l’union, Didier Réault aussi. Après, il y a beaucoup d’interprétations dans la presse. Restons concentrés sur la tâche. 2019 est une année stratégique face à de nombreuses problématiques. On sait qu’on a la fin du mandat de Jean-Claude Gaudin mais derrière il y a une équipe en place qui a envie de continuer à travailler ensemble et unie.
Les medias ont toujours tendence à considérer que les ‘manifestants’même en minorité constitue le p,us grand nombre.Les opposants à la requalificatjonde La Plaine ne représentent pas les marseilais.