Conforté par une année 2022 à forte croissance marquée par des records historiques, 2023 sonne le coup d’envoi de projets de développement majeurs pour le port Marseille-Fos, avec toujours comme fil conducteur la décarbonation.
Malgré les multiples crises, le port Marseille-Fos garde le cap. « Globalement les chiffres sont bons. Sur la plupart des filières, on retrouve et on dépasse même les volumes d’avant-crise dans tous les secteurs [2019 étant une année de référence, ndlr] », se félicite Hervé Martel, président du directoire du Grand port maritime de Marseille (GPMM). Hormis la sidérurgie, qui a temporairement décidé de ralentir sa production, « tous les feux sont au vert ».
En 2022, le port de Marseille-Fos a réalisé 190 millions d’euros de chiffre d’affaires, une croissance de 16 %, grâce à la hausse de 3 % de son trafic maritime. Le trafic global s’est élevé à 77 millions de tonnes, avec des records historiques sur le gaz naturel liquéfié en croissance de 50 % (8,5 millions de tonnes, soit 2,5 millions de plus qu’en 2021), liée à la guerre en Ukraine, sur les conteneurs (1,53 million d’EVP) et une « croissance très forte » sur les remorques (240 000 contre moins de 200 000 en 2019).
« Le port traverse les crises avec à la fois de la croissance sur ses trafics et un positionnement sur les nouveaux marchés qui s’ouvrent dans le cadre des transitions, notamment énergétiques, avec de multiples projets industriels » poursuit Hervé Martel.
Il estime que cette « période de transition assez incroyable avec les énergies nouvelles » rappelle ce qui s’est construit avec les anciennes, il y a un peu plus d’un demi-siècle. « On réalise que ce qui était perçu comme un risque, à savoir la fin du pétrole, confère de formidables opportunités et nous avons des atouts incroyables, sur la zone de Fos, pour déployer de nouvelles industries ».
« Le port est une vitrine du verdissement maritime »
Le port de Marseille Fos est propriétaire et aménageur d’espaces industriels, logistiques et urbains. Son objectif premier est de valoriser les espaces du domaine portuaire pour permettre le développement durable des activités économiques.
En 2022, 60 millions d’euros ont été investis permettant la poursuite ou la réalisation de nombreux projets d’aménagement en faveur de la décarbonation. 25 millions consacrés au maintien et à l’amélioration des infrastructures existantes et 35 millions de développement qui ont porté essentiellement sur les bassins Est.
Des projets qui concourent à la croissance durable du port Marseille-Fos dans « une période charnière de transformation » abonde Christophe Castaner, nouveau président du conseil de surveillance. « Je suis intimement convaincu que les productions des énergies d’aujourd’hui et de demain sont en train de se jouer ici, au sein même du territoire du port, et les projets actés en 2022 sont significatifs de ce passage et de ce changement « d’air » ».
Logistique, hydrogène vert, biocarburants, éolien, solaire, implantation d’industries favorisant l’économie circulaire… « Le port est une vitrine du verdissement maritime ». Cette année, porté par un chiffre d’affaires et un trafic en hausse, le port de Marseille-Fos entend accélérer sa croissance en planifiant 80 millions d’euros d’investissement, doublant l’enveloppe consacrée aux projets de transition écologique. « Ce port est souvent à l’avant-garde des transitions, comme il le démontre dans l’électrification des navires à quai ou en faisant face à la rupture des relations avec la Russie par ses approvisionnements en GNL. C’est une force dans la compétition mondiale », ajoute Christophe Castaner.
Pionnier en matière de connexions électriques des navires à quai, le GPMM a déployé un programme d’investissement de 50 millions d’euros (2017-2025) et équipé le secteur des ferries desservant la Corse entre 2017 et 2019 sur une puissance d’1 MW-1,5 MW (1200 escales chaque année). Cet été verra le branchement des ferries internationaux. « Là on passe à 4-5 mégas sur les gros ferries desservant le Maghreb », souligne Hervé Martel.
Fin du chantier du Cap Janet et défi énergétique
L’un des objectifs de cette année concerne justement le déménagement de l’activité Maghreb, actuellement au sud des bassins Est vers le terminal du Cap Janet. Pour rappel, sur une surface de 20 hectares, le port aménage une gare pour les piétons pouvant accueillir 600 voyageurs simultanément, équipée de passerelles dénivelées donnant des accès directs aux navires sur 3 postes à quai, de zones d’attentes et de jeux d’enfants, de sûreté portuaire, de douanes et la police aux frontières…
Les travaux doivent s’achever au printemps 2023. Parallèlement, le port a augmenté la puissance de son réseau électrique interne de 30,5 MW à 68 MW fin 2022, afin d’alimenter le Cap Janet et créer les boucles électriques qui permettront d’alimenter le terminal de croisière. « Le port ne se contentera plus d’acheminer l’énergie, mais d’en être un acteur où l’énergie se produit de façon durable et autonome », commente Christophe Castaner. L’énergie photovoltaïque qui sera produite par les panneaux installés sur les toits de 6 hangars dans les bassins marseillais permettra d’atteindre, en 2025, une puissance de 77 MW.
D’autre part, « le défi technologique le plus important sera la connexion des navires de croisière en escale en 2025 avec 12 à 18 MW », explique Hervé Martel. Les études techniques pour permettre l’équipement de trois postes à quai pour les paquebots ont débuté. Elles consistent à définir avec précision l’équipement nécessaire pour transformer la fréquence du réseau électrique terrestre de 50 Hz en 60 Hz, celle utilisée dans les navires de croisière, et de développer un nouveau système de connexion des bornes de quai aux navires.
Les filières de l’éolien flottant et de l’hydrogène vert se structurent
Deux filières se développent sur le secteur de Fos : l’éolien flottant et l’hydrogène, portées par plusieurs projets d’envergure. La mise en service en 2023 du parc-pilote d’éoliennes en mer de nouvelle génération dans le golfe de Fos, Provence Grand Large, marque une étape majeure dans la structuration d’une nouvelle filière industrielle internationale sur laquelle se positionne le port de Marseille-Fos.
Un secteur qui s’organise également à travers le projet H2V, premier site d’hydrogène vert d’Europe, mais aussi GravitHy. Le consortium GravitHy, qui réunit cinq industriels autour de l’EIT InnoEnergy, veut produire en France de l’acier très bas carbone par réduction directe du fer à l’hydrogène, avec une première usine à Fos-sur-Mer. Le coup d’envoi des travaux est prévu en 2024 pour une mise en service en 2028.
À noter également, l’arrivée du premier pipeline sous-marin entre Barcelone et Marseille d’ici sept ans. Il doit transporter du gaz dans un premier temps, puis de l’hydrogène vert, pour permettre à Marseille-Fos d’être le premier hub européen en matière d’arrivée de ce nouveau carburant.
L’enjeu du numérique
Un autre secteur se développe en marge de l’activité portuaire : le numérique. Dans le contexte où Marseille doit devenir dans quelques années le 5e hub mondial en matière de connectivité, le GPMM a décidé d’investir dans un système d’atterrage de câbles sous-marins. Sur les 6 fourreaux creusés sous la digue du Large, trois sont en cours de commercialisation. Une évolution du secteur qui s’accompagne d’une question récurrente : jusqu’où aller avec les data centers sur le port ?
Outre les quatre déjà présents appartenant à Digital Realty (ex-Interxion), deux projets sont en cours : l’un au travers de l’appel à projets sur le silo à sucre sur lequel, aujourd’hui, le GPMM doit départager plusieurs candidats. Le second est un concept innovant de data center flottant sur le site de Saumaty. « Ce qui nous permet d’avoir des solutions assez exemplaires en termes environnementales ».
L’entreprise américaine Nautilus Data Technologies va installer deux data centers flottants : l’un à Los Angeles et l’autre à Marseille. La société a choisi la cité phocéenne pour son positionnement stratégique. La technologie de refroidissement Nautilus ne consomme pas d’eau et fonctionne en utilisant 30 % d’énergie en moins, « ce qui en fait les centres de données les plus efficaces et les plus durables disponibles sur le marché », explique l’entreprise. Ce nouveau centre de données devrait être opérationnel d’ici à un an.
Les projets Ville-Port
Dans le cadre des projets ville-port, Hervé Martel cite le Phare qui vise à reloger le siège du port, faire un projet immobilier de valorisation du site dans le cadre d’un contrat de partenariat et permettre d’ouvrir la place de la Joliette sur la mer. « Un très beau projet d’aménagement qui doit se marier avec le J1 parce qu’on est juste à côté et qui, avec la fin d’exploitation des navires du Maghreb sur la zone sud du port, permet d’avoir une assez grande ambition sur l’aménagement de cet espace, avec bien sûr le maintien tout de même d’une quarantaine ou une cinquantaine d’escales par an, qui continuent à être opérées sur ce site ».
En effet, le projet de transformation du J1 en temple de loisirs et d’innovation « devrait démarrer assez vite, le permis de construire étant purgé de tout recours ». Les travaux devaient être lancés à l’automne 2022. Le chantier a fait l’objet d’un retard en raison d’un surcoût important du projet. Aucun calendrier n’a été avancé à ce stade, mais la perspective d’une mise en service pour les Jeux olympiques 2024 est compromise.
Alors que le hangar du J1 doit se muer en pôle de loisirs, le Grand Port maritime de Marseille a également un projet pour son espace portuaire sur le J4. Une gare maritime destinée à la « petite croisière » devrait prendre forme à l’horizon de 2026. « Des concertations seront nécessaires avec les collectivités territoriales sur la façon de développer cette activité, mais on a un candidat, c’est une très bonne nouvelle pour le port et pour le territoire, car nous sommes sur une clientèle avec un fort pouvoir d’achat qui reste ensuite une semaine dans la ville d’embarquement », ajoute le président du directoire du GPMM.
Le Ponant et ses partenaires se sont, en effet, regroupés pour répondre à l’appel d’offres « avec un projet très ambitieux (branchements des navires à quai, gare maritime intégrée au mieux dans le site sur les espaces du J4… poursuit-il. C’est une bonne surprise de voir que le marché répond à notre sollicitation ».
Plus de 30 projets d’aménagements structurants sont actuellement menés dans l’enceinte portuaire ou en lien avec les activités portuaires. Ils représentent un investissement total de plus de 6 milliards d’euros, dont 5 milliards portés par le secteur privé. Selon le port, ces projets pourraient créer près de 6 500 emplois d’ici 10 ans.