Les habitants invités à se prononcer sur la giga-usine de photovoltaïque à Fos

L’entreprise Carbon lance la concertation préalable pour l’implantation de sa giga-usine de panneaux photovoltaïques à Fos-sur-Mer.

La start-up lyonnaise Carbon va construire ce qui pourrait devenir la plus grande usine européenne de panneaux photovoltaïques à Fos-sur-Mer, sur le Grand Port maritime de Marseille. Un investissement d’un milliard et demi d’euros.

Sur 60 hectares seront produits 5 gigawatts de cellules photovoltaïques et 3,5 gigawatts de modules. Le site sera doté d’installations industrielles ultra-modernes (trois bâtiments de 18 à 27 mètres de hauteur), optimisées, 100% électriques, pour intégrer le cœur de la chaîne de valeur du photovoltaïque, de la croissance des lingots de silicium à l’assemblage des modules, en passant par la découpe des wafers (plaquettes) et la fabrication des cellules. Ce projet pharaonique débouchera sur la création de 3 000 emplois directs.

Objectif : décarbonation

Initialement annoncée pour 2026, l’usine pourrait être opérationnelle dès 2025. Le projet s’est vu accélérer grâce au soutien financier de la Région Sud. Sur un budget total de 1,5 milliard d’euros, l’institution participe à hauteur de 15 millions, dont 2 millions ont été votés à l’occasion de la séance plénière du 23 juin.

Le projet s’inscrit dans la stratégie nationale « bas carbone », et la décarbonation souhaitée par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le président de la République, dont la visite à Marseille, en juin, a également été marquée par plusieurs références à Carbon.

L’État investit d’ailleurs quatre millions d’euros à travers l’Agence de transition écologique qui finance l’association Piicto. Cette dernière porte le programme Syrius (Synergies régénératives industrielles sud), qui couvre la zone industrialo-portuaire de Fos et vise à accompagner des industriels vers la décarbonation.

L’Europe est aussi partie prenante avec un investissement à hauteur de 40 millions, via le Fonds pour une transition juste. Fin 2022, la Commission européenne a débloqué 148 millions d’euros pour décarboner l’industrie dans les Bouches-du-Rhône et entend soutenir « la transition juste vers une économie climatiquement neutre du département ». Le territoire représente, en effet, à lui seul, 17,18 % des émissions de CO2 de la France, selon l’institution [lire ici].

Du côté des partenaires privés, le groupe CMA CGM a débloqué plusieurs millions d’euros, via son Fonds Énergies, doté d’un budget de 1,5 milliard d’euros sur 5 ans, pour accélérer la transition énergétique en vue d’atteindre le Net Zéro Carbone d’ici 2050.

Les enjeux des réunions publiques

La nouvelle étape est la concertation préalable au projet qui s’ouvre du 11 septembre au 30 octobre 2023, pilotée par la CNDP (Commission nationale du débat public). Malgré l’unanimité – notamment institutionnelle – autour de la création de cette immense infrastructure, quelques interrogations persistent, car ce sont près de 500 milles tonnes de marchandises qui entreront et sortiront du site chaque année, soit 200 camions par jour de plus sur les routes de Fos, déjà saturées.

Pierre-Emmanuel Martin, co-fondateur et président de Carbon, assure que 90% des marchandises seront acheminées par voie fluviale. En l’absence de rail et de réseau interne, elles seront ensuite transportées par camion à l’usine, située à 5 kilomètres des quais de déchargement. Les camions resteront dans l’enceinte du port. Même processus pour la sortie. L’ambition de l’entreprise est de faire en sorte que 50% des marchandises quittent le port de Fos par voie ferroviaire, le reste (seuls 10 à 15%) sortiront du port en camion. 

Autre question : le stockage d’une grande quantité de produits chimiques, notamment dédiés à la filière électronique. De par sa dimension, la giga-usine entre dans une réglementation environnementale (Seveso) et sera à ce titre sous la surveillance accrue de l’Etat. 

Utilisation de l’eau douce, recyclage des déchets industriels, consommation électrique… autant de questions qui pourront être ainsi soulevées à l’occasion des six réunions publiques prévues sur différentes thématiques et organisées sur le territoire, afin de débattre de l’opportunité, des objectifs et des caractéristiques principales du projet [voir encadré].

Les lieux précis des réunions sont communiqués sur le site internet de la concertation www.concertation-carbon-solar.com sur lequel il sera également possible de poser des questions ou formuler un avis sur le projet.

Réindustrialiser la France et l’Europe

À l’issue de cette concertation, les garants en établiront le bilan, qui sera publié. Puis le maître d’ouvrage précisera les enseignements qu’il en tire. « Depuis l’origine, la zone de Fos s’inscrit dans la volonté de l’État d’établir ici un des grands leviers français de l’industrie et de l’énergie, a déclaré Régis Passerieux, sous-préfet de l’arrondissement d’Istres, à l’occasion de la présentation du lancement de la concertation publique, jeudi 31 août à Fos. Aujourd’hui, nous devons co-construire, co-adapter tous les projets pour qu’ils soient aussi portés par des citoyens plus impliqués et c’est tout le sens de cette concertation », a-t-il ajouté.

C’est aussi l’objectif du Laboratoire Territorial Industrie Fos/Berre créé il y a quelques mois pour répondre aux questions relatives aux enjeux de l’industrie d’aujourd’hui : « De quelle industrie, pourquoi l’industrie et sous quelle forme, dans quel respect du territoire en termes environnemental, de qualité et de cadre de vie, de transports, de retombées et bénéfices…», a rappelé le sous-préfet. Le Laboratoire Territorial interviendra pleinement dans cette démarche de concertation publique.

Pour Pierre-Emmanuel Martin, cette nouvelle usine doit permettre de contribuer à la réindustrialisation de la France et de l’Europe. 3 % des panneaux solaires sont fabriqués sur le continent européen, alors que l’Europe est le deuxième marché mondial.

D’ici à 2030, Carbon ambitionne de produire et commercialiser 30 GW de wafers, 20 GW de cellules et 15 GW modules photovoltaïques grâce à la construction, en Europe, de plusieurs giga-usines. Cela implique des investissements massifs qui entraîneront la création de plus de 10 000 emplois directs.