Le nouveau maire de Marseille, Benoît Payan, nous a reçu dans son bureau de l’Hôtel de Ville pour son premier entretien vidéo. L’occasion de faire le tour des grands chantiers qui l’attendent à la tête de la deuxième ville de France.

Le temps est court. Trop court pour les toutes les questions que nous avions préparées. L’agenda du maire de la deuxième ville de France est surchargé, rythmé d’urgences à gérer. Elu à la tête de la Ville de Marseille le 21 décembre dernier par la majorité municipale du Printemps marseillais et du groupe politique de Samia Ghali,  Marseille avant tout, suite à la démission de Michèle Rubirola, Benoît Payan prend ses marques dans son nouveau fauteuil de maire.

Jeudi 28 janvier, l’édile nous a accordé un entretien dans son bureau de l’Hôtel de Ville, décoré par ses soins. Sur les murs, des tableaux sortis des réserves municipales. L’un deux, « le Reynaud », dépeint des Napolitains miséreux. « Ces gens-là, qui passaient par Marseille pour joindre l’Amérique, fuir la misère, et souvent s’établissaient ici pour se réinventer. C’est l’histoire de mes arrières grands-parents ». L’œuvre contraste avec celle plus contemporaine de l’artiste suisse Gottfried Honegger et le portrait de « La femme à la cigarette » de Chabaud, symbole de l’auto-détermination des femmes.

Et, il y a une femme pour qui il nourrit un respect et un attachement profond : Michèle Rubirola, qui en démissionnant de sa fonction de maire, lui a donné les clés de la ville. Un épisode sur lequel il n’entend plus s’étendre, souhaitant que la volonté de l’ancienne maire – aujourd’hui première adjointe – « soit respectée ». Et parce qu’il a « tant à faire pour reconstruire Marseille ».

D’immenses chantiers l’attendent pour redresser les finances d’une collectivité dans une situation financière qu’il qualifie de « calamiteuse ». À la suite de notre émission l’Aparté politique, diffusée hier sur notre site internet et nos réseaux sociaux, retrouvez l’intégralité du grand entretien de Benoît Payan.

, Pour Marseille, Benoît Payan souhaite « un service public ouvert tous les jours jusqu’à 20h », Made in Marseille


Made in Marseille : Qu’est-ce que ça fait d’être enfin dans le bureau qu’a occupé Jean-Claude Gaudin pendant 25 ans ?

Benoît Payan : D’abord, il n’est pas le seul à avoir occupé ce bureau, mais en fait, c’est beaucoup de responsabilités. Il faut le faire avec beaucoup d’humilité. C’est un bureau dans lequel on travaille beaucoup, et tous les jours. Je n’ai pas trop le temps de penser à ce que ça fait d’occuper ce bureau. On est ici pour travailler en fait.

Dans l’audit réalisé par le cabinet Deloitte, que vous avez présenté à la majorité municipale la semaine dernière, qu’est-ce que vous avez découvert qui n’avait pas déjà été pointé par le rapport de la Chambre régionale des comptes ?

On a découvert une situation financière calamiteuse, qui reflète 25 années d’abandon des comptes publics, où l’on se demande si cette ville a été gérée. On découvre des comptes dans le rouge, une capacité financière exécrable, une situation très inquiétante, parce qu’elle entame très violemment la capacité de la ville à se projeter dans l’avenir. Pour essayer de vous expliquer cela avec pédagogie, c’est comme un foyer qui se serait surendetté, et qui n’a plus les revenus nécessaires pour rembourser ses prêts. Alors qu’aujourd’hui, il faut faire des travaux dans les écoles et lourdement investir sur le logement.

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De quels montants parlons-nous ?

La capacité financière de la Ville en 2021 sera de 15 millions d’euros. C’est l’équivalent d’une ville comme Allauch. Ce qui veut dire qu’il va falloir faire un recours à l’emprunt de 185 millions d’euros pour l’année prochaine. Marseille est déjà la ville qui rembourse le plus d’intérêts de la dette dans le pays. On va en rembourser 46 millions d’euros l’année prochaine. C’est l’équivalent des six plus grandes villes françaises, Paris compris. On rembourse ça, seul ! Quand on est arrivé, la majorité précédente nous a légué le remboursement d’un prêt cash de 150 millions d’euros, qui avait été contracté au moment des « Subprimes ».

On est arrivé dans un moment et dans une situation incontrôlable. Il nous appartient aujourd’hui de sortir de cette situation, de fabriquer de nouvelles priorités, d’arrêter la gabegie financière qu’on a vue et qu’on a vécue. On a dépensé de l’argent à tort et à travers. Tous les contrats ont été mal négociés, du PPP du stade [Vélodrome], en passant par 50 millions d’euros pour une patinoire dont on se demande à quoi elle sert. Egalement les Jeux Olympiques, où toutes les grandes villes de France ont négocié intelligemment avec l’État.

Négocier intelligemment avec l’Etat, c’est donc continuer à faire baisser la facture ?

Bien sûr, il faut faire venir les Jeux Olympiques, mais les grandes villes de France, elles, s’en sont sorties en ne dépensant que 20% de l’enveloppe générale, le reste était payé par les sponsors et par l’État. Nous, c’est l’inverse, et on est la seule ville à avoir fait ça. Quand on accueille la Coupe du monde de rugby, on est la seule ville en France à faire cadeau du stade. On ne peut plus continuer à dépenser de manière inconsidérée l’argent des Marseillaises et des Marseillais.

Alors, posons-nous les questions : pourquoi sommes-nous la ville la plus endettée de France ? Pourquoi sommes-nous la ville où les comptes sont dans cette situation ? Maintenant, j’ai deux choix. Soit je fabrique de l’austérité partout, j’arrête tout, je serre tout, je rembourse la dette et on verra bien ce qui se passe. Soit je fais en sorte que cette ville vive et survive et que l’on puisse se projeter. Je choisis la deuxième solution, ce n’est pas la plus simple, mais c’est pour ça qu’on a été élus. Ça nous fait travailler 100 heures par semaine. Ça nous fait être inventifs. Il nous faut de la force. Il nous faut de l’enthousiasme. On va trouver des solutions pour ne pas baisser la tête.

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Quelles solutions ?

On va renégocier la dette, notamment les 150 millions d’euros. On a déjà obtenu de ne pas les payer d’un coup cette année, parce que ça nous tuerait.

Vous dites « on veut être inventif », quels autres leviers d’actions avez-vous ?

Aujourd’hui, j’ai un patrimoine immobilier océanique. Mais au moment où je vous parle, alors que ça fait 7 mois qu’on est ici, c’est tellement le foutoir dans cette ville que je suis incapable de savoir exactement où on en est, alors qu’on est le plus grand propriétaire immobilier de Marseille. Il va falloir avoir recours à un cabinet extérieur pour savoir dans quel état est ce patrimoine. Est-ce qu’il est loué ? Vendu ? Prêté…

Le Printemps marseillais avait en effet annoncé trois audits en juillet, dont celui sur le patrimoine municipal. Avez-vous commencé cet inventaire ?

J’ai un carnet d’adresses. Je sais qu’on a un bien à tel numéro de telle rue, mais ça m’avance à quoi ? Je ne sais pas si c’est grand, petit, vendu, loué, vide, insalubre… Je ne sais rien. Il faut une stratégie, pour pouvoir se séparer d’un certain nombre de biens, ce qui va nous permettre finalement de gagner de l’argent, parce qu’on a besoin d’argent.

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Comment peut-on transformer ce patrimoine en opportunité financière ?

Avec du travail ! Il faut avoir une stratégie complexe. On ne peut pas dire « tiens, ici j’ai un terrain, je vais en faire une école, ou je vais le louer, et ça je vais le vendre… ». Il va falloir du temps et de la compréhension. Il faut valoriser ce patrimoine et il y a du patrimoine dont on va devoir se séparer. Les Marseillais ne pourront pas continuer longtemps à être propriétaires d’un patrimoine qui pourrit sur pied. Donc, il faut une stratégie pour pouvoir se séparer d’un certain nombre de biens. Ce qui va nous permettre finalement de gagner de l’argent, parce qu’on a besoin d’argent. Parce que les écoles, elles, continuent d’être dans une situation calamiteuse. Et je vais investir un milliard d’euros sur les écoles parce que je ne lâcherai jamais sur cette question.

Comment allez-vous budgétiser ce milliard d’euros pour les écoles ?

C’est la priorité des priorités. On a des écoles qui sont dans un état déplorable. Je n’ai pas la possibilité, en quelques semaines, d’effacer des décennies d’abandon. On va lisser ce milliard d’euros. Il faut qu’on affine tout ça, parce qu’encore une fois, nous n’avons toujours pas d’image précise de la situation dans laquelle on se trouve… Il faut reconstruire cette ville.

, Pour Marseille, Benoît Payan souhaite « un service public ouvert tous les jours jusqu’à 20h », Made in Marseille Les écoles ne sont pas le seul service public qui pose question à Marseille.

Vous imaginez quand même que l’on a 17 500 agents dans cette ville, je veux en faire une chance. Je ne veux plus que l’on se retrouve dans une situation où les musées sont fermés, où les services publics ne fonctionnent pas, il faut repenser les choses… Vous avez déjà essayé de faire des papiers à Marseille ? Une carte d’identité, un passeport, c’est le parcours du combattant !

Pas parce que nos agents ne travaillent pas bien, mais parce qu’ils font ce qu’on a inventé dans les années 50. Ils font leur journée de travail classique, et à 16h, le bureau de proximité ferme. Je vais proposer de travailler différemment.

Vous préconisez donc une nouvelle organisation ?

Aujourd’hui, les services sont ouverts globalement entre 8h et 17h. Je ne veux plus de ça. Je vais proposer de travailler différemment. Certains agents feront le matin de 7h à 13h et d’autres travailleront de 13h à 20h, enfin, certains viendront travailler le samedi. Ils travailleront autant d’heures, mais sur une plage plus concentrée. Ça veut dire aussi que les Marseillaises et les Marseillais vont se retrouver avec un service public ouvert tous les jours jusqu’à 20h. Ce n’est pas grand-chose, mais ça change la vie. Il faut entrer dans le siècle qui est le nôtre.

En parlant de réorganisation, vous avez annoncé lors de vos vœux une profonde réforme des services de la Ville, avec, entre autres, la diminution du nombre de Directions générales adjointes (DGA). Où en êtes-vous ?

On est en train de finaliser tout ça. Ce n’est évidemment pas terminé. J’ai demandé au directeur général des services de ramasser cette direction générale. Aujourd’hui, il y en a 14. Les services sont enfermés dans une organisation « en silos ». Elles sont en réalité la géographie exacte de ce qui s’est passé pendant 25 ans, sans imaginer une efficacité du service public, sans imaginer que les agents seraient malheureux. Aujourd’hui, je veux qu’on soit percutant, efficace, bienveillant, qu’on soit capable de repenser la manière dont on fabrique du service public. Il faut des gens prêts à relever le défi et il faut oxygéner tout ça.

Pouvez-vous nous donner une idée plus précise de la future organisation ? Des noms de ces futures DGA, leurs thématiques ?

Cela se fera autour d’une ville plus verte, plus juste, et plus démocratique.

Il y en aura bien 7 au lieu de 14 actuellement ?

Je vous confirme que l’on se rapproche de ce chiffre-là, oui.

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Certains DGA ont-ils déjà quitté leur fonction ?

Il y a des règles à respecter, on n’est pas dans une start-up. On est dans le cadre de la fonction publique territoriale, c’est un statut protecteur. On va proposer une réorganisation des services. Les agents de la ville, quelle que soit leur situation, pourront postuler au nouveau cadre d’emploi que l’on va proposer. Des gens de l’extérieur aussi pourront postuler, et puis on choisira les meilleurs. Pour les cadres, je choisirai les meilleurs, en interne ou en externe, et je ne ferai aucun sentiment.

Dans le contexte que vous décrivez, comment préparez-vous votre premier budget municipal, sans entrer dans une politique d’austérité ?

Quand on fabrique un budget, on fait des choix. Au lieu de dépenser de l’argent en projets somptuaires qui ne servent à rien, en mauvaises négociations, je veux que l’argent des Marseillais serve directement les Marseillais. C’est un budget qui va être un budget de combat. Un budget qui va s’occuper de choses importantes pour les Marseillais.

La question du logement, parce qu’elle est terrible dans cette ville, et on a vécu des drames… Fabriquer le retour de la nature en ville en faisant des choix qui ne coûtent des fois pas très cher. C’est-à-dire, qu’on va sanctuariser toutes les terres qu’il nous reste. Tout ce qu’il nous reste de nature et il n’y en a pas beaucoup. Et puis, la question de la culture aussi, dont certains imaginent qu’elle n’est pas essentielle. En réalité, elle est essentielle. Et donc, sur ces quatre piliers, on va fabriquer une ville pour les gens et une ville pour les Marseillais.

D’autres investissements sont-ils programmés ?

Oui, il y aura d’autres investissements. Vous verrez qu’on va être une majorité qui va investir beaucoup plus que la majorité précédente dans des priorités. Il n’y aura pas d’investissements farfelus. Il n’y aura pas de perte d’argent inconsidérée. Il y aura des investissements qui vont servir les Marseillais : les équipements publics, par exemple, des bibliothèques, des gymnases, des écoles, des stades à dimension humaine, citoyenne. Il y aura des projets partagés. On va demander aux Marseillais de venir fabriquer avec nous des morceaux de ville.

Vous parlez de projets partagés avec les Marseillais, vous avez annoncé que des budgets participatifs seraient lancés en 2021. Où en êtes-vous de leur mise en œuvre ?

On est en train d’y travailler. Encore une fois, ce n’est pas un gadget. On est habitué aux gadgets dans la ville de Marseille, où on dit « je lance 500 000, un million d’euros, 2 millions d’euros ». On décide de tout dans ce bureau ou dans une boîte de communication. Ça, c’est fini. C’est une question suffisamment sérieuse pour qu’on prenne le temps. C’est un engagement qu’on a pris. C’est un engagement qu’on va tenir. Donc, en 2021, on va lancer des budgets participatifs qui vont permettre aux Marseillais de s’emparer des questions qui les concernent, de faire des choix et de construire des projets eux-mêmes, avec nous.

Vous avez souvent pointé du doigt l’incapacité de la précédente municipalité à aller chercher des fonds européens. Quelle sera votre méthode ?

La Ville de Marseille est la seule ville qui n’a jamais compris qu’elle pouvait aller chercher de l’argent ailleurs, elle n’a jamais compris que d’autres villes arrivent à faire des écoles, avec du temps, de la patience et de l’énergie, pour quatre fois moins cher. Parce qu’on va chercher des fonds européens, parce qu’on est capable de créer des synergies, parce qu’on va chercher l’argent de l’État. C’est une ville qui a toujours eu le bonnet d’âne. Et je veux aller chercher la médaille d’or.

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Est-ce que vous allez mettre en place une cellule spécifique ?

Oui, on va créer une « task force », qui ne fera que ça. Elle sera chargée d’aller chercher de l’argent dans le Plan de relance, à la Métropole, au Département, à la Région, à l’État, à l’Europe. Je veux une « task force » de gens qui sont des chasseurs d’argent. Ils seront une dizaine d’agents basés à Marseille. Il me faut une dizaine de très très bons. Encore une fois, je choisirai les meilleurs. Qu’ils soient à Bruxelles, à Londres, à Paris, ou à Marseille.

Vous vous êtes fixé un calendrier pour constituer cette « task force » ?

Comme je veux recruter les meilleurs, je dois me donner le temps de le faire. Je ne veux pas faire d’erreur. Là, il n’y a plus de copinage.

Vous envisagez de mutualiser un bureau à Bruxelles, avec celui de la Région, qui a déjà constitué sa « task force » depuis plusieurs années ?

Ce n’est pas moi qui le décide. On le verra au moment venu, mais pourquoi pas. Moi, je ne suis fermé à rien.

Les relations avec Renaud Muselier semblent plus saines qu’à l’époque, avec Jean-Claude Gaudin. Vous l’avez vu au lendemain de votre élection, comment cela se passe ? Va-t-il aider Marseille ?

Il le doit, c’est sa responsabilité. Marseille est la capitale régionale. C’est une ville qui a besoin de la solidarité régionale. Les Marseillais paient des impôts, et le président Renaud Muselier a conscience que c’est une ville qui a été délaissée. Politiquement, on n’est pas d’accord. Il y a peu de chance qu’on le soit. Néanmoins, il le sait, et on en a parlé, l’intérêt des Marseillaises et des Marseillais dépasse nos différences politiques.

S’il y a des dispositifs sur lesquels on se met d’accord, qui vont dans le sens de l’intérêt général, notamment sur la question environnementale et de la transition énergétique, je lui proposerai un certain nombre de choses et je suis sûr qu’il acceptera. Par exemple, quand moi je veux reconstruire et rénover les écoles, je veux en faire des bâtiments à énergie positive, je suis persuadé qu’il viendra nous aider. Pour aller chercher des matériaux de qualité, pour trouver des dispositifs d’énergie positive. Il faut que cette ville prenne sa part dans l’histoire.

Et avec Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille Provence et du Département des Bouches-du-Rhône ?

Cela doit se passer de la même manière. La situation est plus facile au Département, parce qu’il y a des projets avec lesquels on peut matcher. Avec la Métropole… Ce n’est pas tant avec Martine Vassal – qui a compris et qui est passée à autre chose – mais son exécutif doit comprendre qu’il a perdu les élections et que les Marseillais nous ont demandé de changer leur destin. Je sais que Martine Vassal est en train d’expliquer à sa majorité qu’elle doit composer avec nous. Elle a raison, et je l’aiderai.

Elle a dit lors de ses vœux à la presse qu’elle attendait vos projets. Elle était à Paris en fin de semaine pour défendre les projets du territoire, il n’y a donc pas les projets marseillais ?

Elle a dit ça ? Il suffit qu’elle lise le programme du Printemps marseillais, ce n’est pas compliqué. Je lui renverrai le projet.

L’un des piliers que vous avez évoqués tout à l’heure, c’est la culture. Mercredi 27 janvier, vous avez déclaré « l’état d’urgence culturelle », qu’est-ce que cela implique pour la Ville de Marseille ?

On voit bien qu’on est en train de vivre un moment de sidération collective. On souffre de ne pas partager d’émotions. On souffre de ne pas aller voir des expositions et de ne pas pouvoir aller au cinéma, aux concerts… La culture fait partie de nos vies. C’est ce qui nous a arrachés à notre état sauvage. C’est ce qui nous a permis de fabriquer notre humanité. On est une ville particulière qui a aussi été faite par la culture. Elle est essentielle, notamment dans une situation de doute. On vit une époque que beaucoup n’ont pas connu. On vit un grand bouleversement de l’humanité et je crois que l’absence de culture, le fait que l’on ait écarté cette question-là et qu’en réalité, nos vies aujourd’hui sont devenues monotones, n’est plus tenable, n’est plus supportable.

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Pourquoi est-ce qu’on pourrait prendre le métro le matin, aller travailler l’après-midi et ne pas pouvoir aller regarder une exposition un peu plus tard ? Pourquoi est-ce que c’est plus dangereux d’aller dans une salle de cinéma que d’aller au supermarché ?

Cela veut dire que les Marseillais doivent désobéir ?

Il ne s’agit absolument pas de ça. Je veux qu’on fasse, collectivement, nous, les Marseillais, un acte commun : on va écrire un manifeste au président de la République. On sera des milliers de Marseillais à le faire pour dire qu’il n’y a pas de raison que la culture soit sacrifiée dans cette situation.

Bien sûr, il y a de très graves urgences et on s’y attelle tous les jours. Sur la question de la vaccination, sur la question des tests, sur la question de faire survivre le tissu économique… Tout est en train de s’écrouler dans ce monde, il faut prendre ses responsabilités maintenant. C’est ce qu’on fait.

Allez-vous soutenir l’expérimentation sur des concerts-tests menée par l’Inserm, en mettant à disposition le Dôme ?

Si elle sert à quelque chose, oui. Mais encore une fois, si le gouvernement fait comme si ça n’existait pas, je ne participerai pas à une expérience qui n’a pas d’intérêt et qui n’a pas de but. Je veux que le gouvernement comprenne justement que c’est très sérieux cette affaire-là.

Nous, on est prêt à prêter le Dôme. On est prêt à envoyer les marins-pompiers pour faire les tests sur les personnes et les tests surfaciques, pour regarder exactement ce qui s’est passé. Et de cette expérience, je crois, naîtra la possibilité de faire comprendre à tout le monde qu’on ne se contamine pas plus dans une salle de spectacle quand on respecte les distances, quand on met le masque, quand on met du gel hydro-alcoolique que quand on va acheter un paquet de pâtes…

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Pour les élections régionales, qui devraient se tenir en juin, croyez-vous en un grand rassemblement des forces de gauche, à l’image du Printemps marseillais. Chez Europe-Ecologie les Verts, ça coince pour le moment ?

On est justement dans une situation où l’on a besoin d’aligner les planètes, où on a besoin de donner de la cohérence à nos actions. Les Marseillais nous ont demandé de changer de destin. Il faut aujourd’hui inverser le cours des choses. Il faut que les citoyens, qu’ils soient Marseillais, qu’ils habitent ailleurs dans la région ou dans le département, se réapproprient leurs institutions. Et donc, ça passe par le rassemblement de toutes les forces de progrès, écologie et citoyenne.

Moi, je plaide et je pousse vraiment en ce sens et j’appelle les citoyens, les partis politiques à prendre leurs responsabilités, pour fabriquer quelque chose de nouveau. Il faut sortir des accords de partis. De là où je serai, je donnerai tout ce que je peux et toute ma force pour que ça réussisse.

Quel rôle pouvez-vous jouer pour les élections départementales ?

Je serai utile à mon camp. En fonction de ce qui m’est demandé, je me rendrai disponible.

Pour l’instant, on ne vous a rien demandé ?

Pour l’instant, je suis maire de Marseille et je m’occupe des Marseillais.


Retrouvez le dernier numéro de notre émission l’Aparté politique dans le bureau de Benoît Payan

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