Avec l’arrêt brutal des services en salle pour les professionnels de la restauration et l’essor de la vente sur internet, de nouvelles pratiques ont émergé dans le monde des chefs. Aujourd’hui, des espaces de coworking culinaires voient le jour, présentés comme des « dark kitchens » ou comme des sites de professionnalisation. Reportage à Marseille.

La crise liée au Covid-19 a bouleversé les habitudes les plus ancrées, voire sacrées sur le territoire français. En atteste le manque lié à la fermeture des restaurants et des bars, ces porte-paroles des diverses identités culturelles régionales.

Fermetures définitives pour certains, « sous perfusion » des aides de l’État pour d’autres, une reprise en demi-teinte avec un calendrier de réouverture strict, puis une instauration de jauges… Depuis l’année 2020, les professionnels de la restauration subissent coup par coup les rebondissements de la crise sanitaire à laquelle ils sont les premiers exposés.

Si nombreuses ont été les entreprises à mettre la clé sous la porte pour se lancer dans un nouveau business, d’autres, en revanche, ont vu un marché de niche émerger de cette situation, celui de la vente en livraison qui trouve déjà son lot d’adeptes.

Marseille, ville de coworking

À Marseille, les espaces de coworking ont essaimé aux quatre coins de la ville : style urbain proposé par La Ruche, chic avec vue sur mer pour le Now Coworking, végétal et épuré sur la rue de la République pour le Babel Community, ou encore, à deux pas de là, des bureaux privatifs tout confort chez Newton Offices… Plus récemment s’implantait L’Équateur, ouvrant la porte des espaces partagés aux quartiers Nord de la ville, Espace training 360° qui s’annonce comme le premier espace de coworking  pour coaches sportifs et professionnels de la santé, et La Briqueterie, dédié au monde du numérique.

Un large choix d’offres pour les entrepreneurs locaux, d’autant plus impulsé par l’émergence du télétravail et l’attrait pour des bureaux plus flexibles et clé en main. À cet engouement répondent aujourd’hui les professionnels de la restauration jonglant sur ce marché de niche, tout en participant au phénomène qui révolutionne le marché de l’immobilier locatif.

Etnik : devenir locataire d’une cuisine en ville

C’est le cas d’Etnik, proposé par l’entrepreneur Alain Bonetto, propriétaire aux côtés de son épouse des enseigne Ubud, Palawan, Caracas et Bao. Avec Bonetto Consulting, le couple a imaginé un concept de cuisines toutes équipées en location pour permettre à des professionnels de lancer leur propre « dark kitchen », des « restaurants fantômes » conçus pour la vente à la livraison.

« Pendant le Covid, nous nous sommes rendus compte que, sur Paris, il y avait des enseignes de cuisines virtuelles, nous raconte Alain. De notre côté, on faisait déjà de la vente à emporter, et on s’est lancé sur le créneau. L’idée de l’espace de coworking est que chaque personne soit locataire de sa portion de cuisine. Quand les restaurateurs arrivent, dans leur forfait, ils disposent d’une assurance, de tout le matériel nécessaire. Ils n’ont qu’à venir avec leur marchandise et leur publicité ».

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Actuellement en phase de développement, Etnik proposera d’ici fin août 2021 un espace de 100 m2 où sont installées une dizaine de cuisines. Chaque exploitant aura un bail à durée déterminée allant de 6 mois à un an, pour un loyer de 1 380 euros mensuels. Un dispositif permettant à certains de tester leur offre avant de se lancer dans l’achat d’un local.

Un hub de cuisines clé-en-main tout équipées avec CoZine

« Vous êtes néo-restaurateurs, foodtruckers ou restaurateurs ? CoZine est fait pour vous ! » Dans la même veine, les cuisines professionnelles CoZine surfent sur le marché de la commande pour s’adapter aux nouveaux usages de la consommation digitale. Lancé dans un premier temps à Villeurbanne, le concept est pourtant l’oeuvre de deux associés marseillais, anciens étudiants de Kedge, aujourd’hui incubés à la Business Nursery. « Nous sommes actuellement en phase de travaux à Villeurbanne, on va ouvrir fin septembre 2021 avant d’ouvrir celui de Paris, dans le 18e. Pour ce qui est de Marseille, nous sommes en recherche de locaux », nous indique Dimitri Mieral, co-fondateur de CoZine.

Immatriculée depuis janvier 2021, la boîte a pour objectif de permettre à des restaurateurs d’intégrer une structure et d’y cuisiner pour en externaliser leurs produits. « Nous allons les aider à lancer leur propre business, c’est mon ancien métier, marqueteur, et ma femme, Sophie Vollaire, qui est la co-fondatrice, est spécialisée dans la communication, continue l’entrepreneur. Nous allons les conseiller dès leur entrée afin qu’ils puissent faire mûrir leur projet, en développant une image de marque forte, puis on les accompagnera, sur un calendrier trimestriel, durant tout leur passage chez CoZine ».

 

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D’une durée d’engagement de 12 ou 24 mois, les projets retenus pour intégrer l’espace de travail devront déjà en être à un stade avancé, CoZine étant pensé davantage comme un propulseur que comme un incubateur. « Nous sommes de grands adeptes du coworking, on est convaincu de ce modèle qui crée une émulsion humaine permettant de sublimer le tout et de créer des synergies intéressantes. Les coûts que nous proposons sont moindres que ceux d’un bail locatif classique, les frais d’installation sont quasiment divisés par 10. Nous promettons de notre côté un cadre de travail agréable, avec des salles de repos, baby-foot et playstation pour les adaptes, des vestiaires, des douches… L’essentiel est que les équipes se sentent bien sur place».

Pour affirmer leur statut qualitatif, les deux incubés imaginent déjà des formations en partenariat avec des écoles locales qui interviendront lors de masterclasses « pour les faire monter en compétence ». Idem avec les incubateurs spécialisés du territoire et les chefs de la région qui seront sollicités pendant le parcours de formation. Le hub marseillais devrait accueillir plus d’une dizaine de cuisines et cherche actuellement ses restaurateurs, pour une ouverture espérée dans le courant de l’année 2022, dans un lieu à proximité de la gare Saint-Charles. Récemment, la start-up a d’ailleurs remporté le 1er prix du concours Coup de Pouce Sud-Est 2021, lui garantissant une dotation de 10 000 euros.

FoodCub, premier incubateur culinaire de Marseille

Et pour compléter l’ensemble de ces projets mettant à l’honneur les métiers de la restauration, nous vous présentions il y a quelques mois FoodCub, le premier incubateur marseillais formant les jeunes chefs de demain. Lancé le 5 mai 2021, le programme a pour vocation de mettre à disposition des clés de formation pour viser la réussite de projets à thématique culinaire.

Impulsé par le Carburateur, la Fondation des Apprentis d’Auteuil, l’Ecole Hôtelière de Provence et les Docks Village, il est aujourd’hui en passe de voir sa toute première promotion prendre son envol. « La formation se termine le 21 juillet, rappelle Lisa Andréotti, cheffe de projet. La soirée de clôture sera précédée de deux journées de jury final, ainsi que d’événements où pourront témoigner les différents acteurs du projet. Même si la première aventure se termine, au Carburateur, nous avons à coeur de continuer à les suivre. Il y a tellement eu de bons échanges que l’on restera en contact et nous allons regarder comment évolueront leurs projets respectifs ».

Un nouvel appel à candidature prévu en 2022

Une journée-type à FoodCub s’apparente à celle d’une classe préparatoire : du matin au soir, les néo restaurateurs sont accompagnés sur l’élaboration de leur structure, qu’il s’agisse de la bonne identification de leur cible, du marché, des outils spécifiques, de la stratégie RH ou de la RSE. « Des intervenants leur ont donné des clés pendant leur parcours, comme David Mijoba, le chef du Copperbay, qui leur a appris les rudiments de la cuisine zéro déchet». L’appel à candidature de la seconde promotion devrait être lancé au début de l’année 2022.

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Marsatable

Pour certains, FoodCub aura été l’occasion de rencontrer leurs futurs collaborateurs, pour d’autres d’intégrer un espace de vente et tester leur concept aux Docks Village sur une période de dix mois.

« Dans le cadre d’un concours culinaire, 7 « FoodCubers » ont été sélectionnés pour travailler aux Docks Village. Les autres iront directement dans un local. Pour ce qui est des thématiques choisies par les incubés, nous avons de nombreux projets en rapport à l’engagement local, comme Mars à table, de lacuisine en bocal, Green Meal, qui propose des salades et une cuisine du Midi tournée vers du sourcing local, ou encore Atelier Woodie, des boîtes apéritives et aussi des propositions du Midi ».

Autant de belles promesses culinaires que les locaux, comme les visiteurs, pourront découvrir dans les mois à venir, proposées par les nouveaux ambassadeurs d’un marché en plein essor.

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