La Ville a fléché 6 des 10 millions d’euros destinés à la transition écologique des activités maritimes et portuaires du port Marseille Fos, notamment pour limiter les nuisances dues au projet d’aménagement du terminal à conteneurs de Mourepiane.

10 millions d’euros ! Après quelques remous politiques, suite à la pétition lancée au début de l’été 2022 par la Ville de Marseille, c’est la somme que la majorité municipale a décidé de poser sur la table pour accélérer la transition écologique des activités maritimes et portuaires du port Marseille Fos.

L’enveloppe globale, votée en conseil municipal en septembre 2022, n’avait pas encore été fléchée, jusqu’à il y a quelques semaines, après un nouveau vote en septembre 2023. Sur les 10 millions d’euros, 3 millions sont affectés à l’activité non-massifiée, c’est-à-dire à la réparation navale.

« Il y a eu des étapes de préparation. Une fois que l’on a voté le principe, il fallait trouver des endroits sur lesquels on pouvait aller, nous explique Laurent Lhardit, adjoint en charge du dynamisme économique, de l’emploi et du tourisme durable. Au conseil de surveillance du Grand port maritime de Marseille (GPMM) du mois de juin, nous avons obtenu d’intégrer ces nouvelles catégories d’activités portuaires, ce qui nous permet aujourd’hui d’entrer dans le programme Cenaq, en visant notamment la réparation des formes 10 et potentiellement les équipements sur les RoRo (transport par navire roulier) et les navires de transport passagers et marchandises », poursuit l’élu.

Reconnu comme précurseur dans le branchement électrique des navires à quai, le GPMM a engagé en 2017 un programme ambitieux de connexion électrique des navires à quai – dit Cenaq – financé par l’Etat et les collectivités territoriales qui consiste à équiper l’ensemble des terminaux passagers.

En branchant les navires concernés en escale au réseau électrique terrestre, les bateaux n’émettent plus de fumées lors de leur arrêt à Marseille. Ce dispositif permet ainsi de supprimer les émissions polluantes telles que les particules fines, de réduire à la source les gaz à effets de serre et de réduire les nuisances sonores pour une meilleure intégration du port dans la ville.

« Escale zéro fumée II »

Tout comme l’État, la Région Sud soutient le programme Cenaq, à travers son plan « Escale Zéro fumée », lancé en 2019, et doté de 30 millions d’euros : « 20 millions de la Région et 10 du Fonds Européen de Développement Régional (Feder) de manière à déployer la solution la plus vertueuse avec la connexion électrique des navires à quai. Ce fonctionnement a nécessité de soutenir à la fois les infrastructures portuaires, mais aussi l’équipement des navires », rappelle Isabelle Campagnola-Savon, présidente de la commission entreprises, artisanat et commerce, économie sociale et solidaire, économie circulaire à la Région Sud. L’élue dit regretter que l’enveloppe municipale ne concerne pas précisément le volet électrification.

Dans le cadre du plan “Escale Zéro fumée II, lors du dernier Copil au printemps dernier, d’autres financements ont été actés : « On a engagé des investissements à hauteur de 9,6 millions d’euros pour l’installation de la centrale photovoltaïque pour travailler sur l’autoconsommation, poursuit l’élue. La Région a également investi sur tous les terminaux du secteur nord de marchandises, la réparation navale et pour la connexion électrique d’un troisième bateau de croisière ». Dans le contrat de plan État-région 2023-2027, l’État a injecté 75 millions d’euros pour le port, qui font partie des 700 millions d’euros consacrés pour la mobilité.

Isabelle Campagnola-Savon pointe toutefois que « sur le plan Escale Zéro fumée, la Ville ne veut pas participer à ce que sera la connexion électrique des bateaux de croisière. Là, on oppose l’économie à l’écologie. Il faut que notre ville évolue dans un cadre vertueux tout en continuant à accueillir des touristes, c’est de la valeur ajoutée à l’international ».

De son côté, Laurent Lhardit ne veut plus laisser dire que Marseille est contre les croisières. « On a un problème avec la croisière de masse, car c’est une catégorie particulière dont le modèle économique permet de faire sa propre électrification et de la financer. Quand vous achetez un navire 1 milliard d’euros, vous avez les moyens de payer 15 millions d’euros une prise sur le quai. Et même si on ne finance pas la croisière de masse, on s’y penche attentivement ». Car en 2030, la réglementation va imposer aux armateurs de se brancher.

Se brancher avant l’obligation de 2030

Le port Marseille Fos a pris un temps d’avance, puisque ses équipements seront opérationnels en 2025. Le GPMM a équipé le secteur des ferries desservant la Corse entre 2017 et 2019, permettant la connexion au réseau électrique terrestre du port de 1200 escales par an. Le terminal du Cap Janet, opérationnel depuis juin 2023, dispose de quatre postes à quai. Trois navires sur huit peuvent se connecter pour l’instant. La prochaine étape arrivera en 2025, avec deux postes à quai pour connecter deux navires de croisière simultanément.

Le Cenaq vise aussi à augmenter la puissance du réseau électrique interne du Port, qui est passé de 30,5 MW à 68 MW fin 2022. Le port Marseille-Fos compte sur l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits de 6 hangars pour atteindre une puissance de 77 MW en 2025. Aujourd’hui, 14 ports dans le monde sont électrifiés. Marseille, premier port de France, est le seul de toute la Méditerranée à avoir ce niveau d’équipement.

« Ces postes vont exister, mais les navires de croisière de masse ne seront pas obligés de se brancher avant 2030, ajoute Laurent Lhardit. On pourrait supprimer la pollution lorsqu’ils sont à quai quatre ans plus tôt. Il y a aussi une vraie question par rapport au prix auquel va être vendue l’électricité. On veut que soient mis en œuvre tous les moyens de soutien ou de contraintes pour qu’ils puissent se brancher avant 2030 ».

À ce stade, aucune mesure incitative de la part du GPMM n’est prévue en faveur des armateurs pour les pousser à se brancher. La seule motivation réside dans une activité plus responsable, dans laquelle une majorité d’entre eux disent déjà s’engager.

Murs anti-bruit et fenêtres triples-vitrages

Trois autres millions d’euros de la Ville vont être utilisés pour limiter les nuisances dues au projet du retournement ferroviaire de Mourepiane. À la fois, très stratégique et très controversé, il y a quelques années, ce projet de pôle de transport combiné doit permettre de compenser l’arrêt de la gare du fret du Canet. « Ce projet est d’une importance majeure pour le développement du port, et il ne pouvait être opéré qu’à partir du moment où l’on assurait la protection des habitants, en particulier sur la question du bruit très important sur ce retournement ferroviaire. La SNCF, le Port et l’État ont déjà agi et nous arrivons avec une enveloppe de 3 millions d’euros pour contribuer à un ensemble de mesures », poursuit Laurent Lhardit.

Ils permettront entre autres de financer des murs anti-bruit et des fenêtres triples-vitrages dans les logements. Les 4 autres millions n’ont pas encore été fléchés. « On met à disposition une enveloppe pour agir sur un sujet précis décidé par la Ville et c’est le Port qui détermine ensuite comment l’investir au mieux sur les équipements », ajoute l’élu.

Sachant également que la Ville ne peut financer directement les équipements des armateurs, sauf sous convention avec la Région Sud, chef de file de l’économie. « La Région a refusé jusqu’à présent une telle convention », précise Laurent Lhardit, faisant référence à la demande de Corsica Linea de financer un équipement à bord d’un de leurs navires.

Isabelle Campagnola-Savon avance une autre version. « On ne bloque rien du tout. Ils nous ont adressé un courrier pour nous demander de financer à leurs côtés une infrastructure d’un bateau. On leur a expliqué que ça ne se passe pas dans ce sens. Leur demande de convention est arrivée trop tard. Conséquence, c’est que les financements étaient déjà bouclés ».

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