L’Etat débloque 22,5 millions d’euros pour 4 projets culturels emblématiques de Marseille en grand. Une manière de structurer la filière et d’imposer la cité phocéenne comme une terre de productions des industries créatives.

Créer à Marseille de grands studios de la Méditerranée. C’est l’une des ambitions de Marseille en grand. Une volonté affichée en septembre 2021 par le président de la République à l’occasion de la présentation de ce vaste plan. Objectif ? Faire une sorte de « hub » dédié à l’industrie du cinéma, doté d’infrastructures pour accueillir les « tournages de grands films et de grandes séries, pour avoir les techniciens pour le faire et les écoles qui permettent de les former ».

Emmanuel Macron pose ainsi les premiers jalons évoquant l’implantation d’une école CinéFabrique et la création d’une antenne de la Cinémathèque française. Ce projet est bel et bien en route dans la cité phocéenne avec la mise en place d’un écosystème pour faire émerger ces fameux studios aux quatre coins de la ville.

C’est dans cette optique que la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak a signé lundi 9 janvier un protocole d’accord avec la Région Sud, la Métropole Aix-Marseille Provence et la Ville de Marseille visant à « concrétiser quatre projets emblématiques de l’ambition de Marseille en grand pour la culture », exprime la ministre. À savoir : la création de l’école CinéFabrique, la modernisation du pôle média de la Belle de Mai, le développement d’une antenne de la Cinémathèque française et la création d’une base logistique pour les tournages.

« Marseille est aujourd’hui la deuxième ville la plus filmée de France »

Pour cet acte I, l’État va débloquer une enveloppe de 22,5 millions d’euros sur 3 ans. « Ce protocole permet de grouper nos forces pour porter une ambition nouvelle pour la jeunesse, pour les futures générations, pour l’emploi à travers la culture, le cinéma, l’audiovisuel… Ce sont des métiers d’avenir, de sens, des métiers de récits, d’imaginaires, souligne Rima Abdul Malak. Marseille est aujourd’hui la deuxième ville la plus filmée de France. C’était normal de porter un plan ambitieux pour le développement des infrastructures de tournage et de post-production et la formation ».

Ce dernier point est un axe important pour la ministre qui est allée à la rencontre de la première promotion de CinéFabrique, composée d’une vingtaine d’étudiants. La Ville de Marseille a mis à disposition de l’école un espace de 800 m2 pour la classe d’orientation préparatoire (COP), au 37, rue Guibal, en face du Pôle Média de la Belle de Mai. Issus de paysages différents, ces jeunes (de 18 à 25 ans) peuvent suivre un cursus de trois ans, entièrement gratuit, pour se former aux métiers du scénario, de la production, du son, de l’image et du montage.

Des structures et associations culturelles de la ville (École de la deuxième chance, LieuxFictifs…) ont orienté les jeunes vers cette formation leur ouvrant de nouvelles perspectives. À 18 ans, Sacha se destine à une carrière de réalisateur, Kali, de cheffe opératrice, Akbaru a renoué avec l’écriture et Natal, ancien danseur professionnel victime d’une blessure, a un penchant pour la production.

Marseille, Vidéo | Marseille se projette comme acteur majeur de l’industrie du cinéma, Made in Marseille
Les élèves de la première promotion CinéFabrique en discussion avec Rima Abdul Malak © N.K.

Modernisation du Pôle Média de la Belle de Mai

À deux pas, l’école Kourtrajmé s’est installée au Pôle Média de la Belle de Mai, qui va faire l’objet d’une modernisation. Une amélioration de ses services pour le rendre plus attractif en vue de l’accueil d’entreprises de la filière. Le projet prévoit un nouveau design du lieu et des façades, une nouvelle offre en termes de bureaux, la création d’une salle de projection, l’aménagement d’espaces communs et des bureaux de différentes surfaces pour recevoir des entreprises de post-production (son, image, VFX), d’animation ou de jeux vidéo.

L’ambition de la Ville est de faire du site « le vaisseau amiral du développement des industries culturelles et créatives à Marseille, indique Laurent Lhardit, adjoint en charge du dynamisme économique, de l’emploi et du tourisme durable. Plus globalement, c’est un projet de rapprochement avec tous les outils qui existent ici : le Pôle Média, la Friche de la Belle de mai, l’INA, le couvent Levat avec l’idée de faire collaborer l’ensemble de ces outils qui, pour l’instant, fonctionnent de manière assez séparée ». La municipalité a sollicité l’État à hauteur de 1,5 million d’euros pour toute l’opération de rénovation.

À plus long terme, l’élu estime qu’il y a une « perspective intéressante », car de l’autre côté des rails de la SNCF, dans le premier arrondissement, « les industries culturelles et créatives se développent spontanément. Il ne faut pas oublier qu’il y a un énorme projet SNCF ici et que d’ici 15 ans la séparation physique entre le 3e et le 1er arrondissement va sauter ».

Deux formations inclusives pour « renouveler le cinéma français »

Après avoir vadrouillé dans Marseille, posé leurs valises un temps à Burolis, les jeunes de l’école Kourtrajmé, fraîchement diplômés, ont trouvé ici un cadre de travail propice à leur formation aux métiers du cinéma. « On a des bureaux flambant neufs, une grande salle de master class, on a pu voir les studios « Plus Belle la Vie » qui nous ont aussi donné du matos », confie Mohamed-Ali.

Ce jeune costumier, qui a effectué un stage sur la série en vogue Emily in Paris, voit en la visite de la ministre un acte fort ouvrant de nouvelles perspectives pour la filière. « Grâce à sa venue, il y a de grandes possibilités que l’on ait plus de financements. On a une grande motivation ici, certains d’entre nous ont fait des stages pour Netflix ou Amazon sans ce coup de pouce, alors imaginez avec. On peut aller très loin ».

Pour la ministre d’ailleurs, « Kourtrajmé comme la CinéFabrique sont des formations plus ouvertes, plus inclusives, qui vont permettre aussi de renouveler le cinéma français ». La création d’une antenne de la Cinémathèque française (5 M€) qui proposera des projections, des actions culturelles et éducatives, ainsi que des expositions, a également été évoquée.

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Les nouveaux diplômés de l’école Kourtrajmé. © N.K.

« Les hangars du cinéma », boulevard capitaine Gèze

Les financements de l’Etat permettent aussi l’ouverture d’une base logistique provisoire au 56 boulevard Capitaine Gèze, baptisée Les Hangars du cinéma. Ce bâtiment de plus de 4 000 m2, qui va être réhabilité, permettra d‘accueillir jusqu’à 6 productions simultanément. « C’est un enjeu très concret, urgent, important, pour lequel on a travaillé avec Euroméditerranée », précise la ministre.

Depuis la fermeture de la caserne d’Aurelle, qui remplissait cette fonction, la filière du cinéma et de l’audiovisuel a exprimé la nécessité de disposer à Marseille d’équipements capables de recevoir les équipes de tournages à la fois locales, nationales et internationales, qui ont besoin d’ateliers pour la fabrication et le stockage de décors, de costumes et de bureaux pour l’équipe de production et l’organisation des castings.

Dans le cadre de la signature du protocole, les collectivités ont confirmé le principe de participation à la réalisation des 4 projets. Elles se sont engagées à notifier avant le 31 janvier prochain le montant de leur engagement financier à l’École Cinéfabrique Marseille. La Région a d’ores et déjà annoncé participer à compter de 2024, à hauteur de 500 000 euros annuels, dans le budget de fonctionnement.

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Signature du protocole en préfecture des Bouches-du-Rhône, avec le président de la Région Sud, Renaud Muselier, le maire de Marseille, benoît Payan et la présidente de la Métropole, Martine Vassal.

Une grande Cité méditerranéenne du cinéma en projet au Dock des Suds

À l’horizon 2026, la CinéFabrique et la Cinémathèque française devraient être réunies en un seul et même site. « La Région est totalement cheffe de file sur ce projet qu’on doit implanter au Dock, précise Sophie Joissains, vice-présidente de la région en charge de la Culture. Le cinéma est un art vivant qui a besoin justement de cette confrontation perpétuelle entre l’apprentissage des savoirs et le terrain. Ce lieu va donner une atmosphère particulière ».

La Région a lancé une étude de préfiguration, en lien avec Euroméditerranée, afin de pouvoir déterminer les estimations financières de ce nouveau site culturel et d’être en mesure de permettre aux parties d’en confirmer le lancement.

« Emblème d’une volonté de célébrer la jeunesse, la Cité régionale et méditerranéenne du cinéma sera placée à proximité de la Cité scolaire internationale, initiée et portée par la Région, dont l’ouverture est prévue pour 2024 », a souligné Renaud Muselier à l’occasion de la signature du protocole. Notre Région est au cœur de l’enjeu du cinéma :  La 2ème région en France à attirer le plus de dépenses de tournages, la 2ème pour l’offre de studios, une importante terre de festivals et d’éducation à l’image, un territoire en pleine expansion avec de nombreux projets, et un budget régional de 11,2 millions d’euros chaque année ».

Acte II au printemps

« Marseille est très challengée par l’Occitanie qui a compris la manne financière que la filière pouvait représenter », estime Sabrina Roubache, députée Renaissance des Bouches-du-Rhône et productrice (Seconde vague).

Pour elle, l’ensemble de ces projets contribuent à structurer la filière, « mais il faut s’adapter au monde d’aujourd’hui, avec l’arrivée des opérateurs comme Netflix, Amazon, Apple, et même France TV, qui sont des donneurs d’ordre. Il faut des lieux pour pouvoir tourner, car on ne peut plus tourner comme avant. On ne peut plus bloquer des routes, des tunnels, les lieux urbains deviennent en réalité hostiles à la production. Il nous faut des studios, il nous manque des structures d’accueil de fabrication de contenus ».

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La députée des Bouches-du-Rhône, Sabrina Roubache, avec les élèves de la première promotion de l’école CinéFabrique. © N.K.

Dans cette perspective, une nouvelle phase est annoncée par la ministre pour le printemps, avec un nouveau coup de pouce financier dont le montant n’a pas été dévoilé. Cet acte II s’inscrit dans le cadre de l’appel à projets national Grande fabrique de l’image de France 2030, grand plan d’investissement doté de 350 M€, opéré par la Caisse des dépôts en lien avec le Centre national du cinéma (CNC).

« Plusieurs projets ont été déposés pour la Région Sud, et nous sommes en train d’entamer avec un comité d’experts indépendants [présidé par le cinéaste Cédric Jimenez et la créatrice de jeux vidéo Muriel Tramis, ndlr], la sélection de ces projets, ajoute la ministre. Dans quelques mois, on pourra annoncer de nouvelles infrastructures pour le tournage, la post-production et la formation à Marseille et la région ».

Sur 170 projets, plus d’une quarantaine de dossiers de studios et d’organismes de formation ont été déposés pour des projets localisés autour de la Méditerranée.

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