Après avoir créé une première école de cinéma à Clichy Montfermeil, Ladj Ly (réalisateur du film Les Misérables) a choisi Marseille pour ouvrir la deuxième école “Kourtrajmé”. En effet, pour la rentrée 2020, l’école gratuite permettra de former de nouveaux techniciens du cinéma. Entretien avec son fondateur.
La semaine dernière était organisée une cérémonie au Cloître, à l’occasion du lancement de la nouvelle école de cinéma marseillaise, Kourtrajmé, en présence de son fondateur Ladj Ly et Kim Chapiron.
Vers fin septembre, elle prendra ses quartiers dans les locaux de La Plateforme à la Joliette. Il sera possible de suivre des master class et des cours théoriques comme pratiques aux métiers du cinéma. L’école gratuite et sans obligation de diplôme est portée à Marseille par des mécénats de tous types. Le lancement du projet est soutenu pour le moment à hauteur de 20 000 € par Les Apprentis d’Auteuil et le dispositif Impact Jeunes.
Appel au mécénat
Avec un court-métrage primé (Amal de Manal Khallou), (lire encadré) l’école a déjà fait ses preuves en région parisienne, où le concept est né. A Marseille, l’apprentissage se fera beaucoup plus sur le terrain (un socle théorique, la réalisation de projets d’écoles, un accompagnement pour chaque étudiant par un professionnel référent et des stages de terrain). L’objectif est de former des jeunes aux métiers de techniciens du cinéma.
A l’occasion de ce lancement, Ladj Ly, réalisateur du film Les Misérables, et fondateur de Kourtrajmé retrace pour made in marseille, la naissance du projet et ses ambitions dans la cité phocéenne.
Pouvez-vous revenir sur la genèse du projet. Comment est né Kourtrajmé ?
Ladj Ly. La première école a été créée à Clichy Montfermeil, il y a maintenant 2 ans. Elle est gratuite, ouverte à tous, sans condition de diplômes, sans limite d’âge. L’idée de cette école, c’est de donner la chance et l’opportunité à tous ceux qui n’ont pas la chance, les moyens ou les opportunités de se former aux métiers du cinéma.
Votre deuxième base est désormais à Marseille. Quelle sera son orientation ?
L’idée était de monter la seconde école à Marseille, parce qu’on sait que cette ville a énormément de potentiel et accueille beaucoup de tournages. Et cette école a vraiment pour but de former des techniciens aux métiers du cinéma. Sachant qu’à Paris, on forme des scénaristes, des réalisateurs, des monteurs, ici nous avons une spécificité, celle de former uniquement des techniciens. La volonté c’est qu’après la formation, ils puissent intégrer directement le milieu professionnel et commencer à travailler.
Lancement de l’école de cinéma Kourtrajmé à #Marseille en présence de Ladj Ly et Kim Chapiron, au Cloître. Une école gratuite et sans obligation de diplôme portée par Les Apprentis d’Auteuil et Impact Jeunes. Plus d’infos à venir prochainement sur made in marseille pic.twitter.com/DPhtJAu4W0
— made in marseille (@MadeMarseille) June 18, 2020
Combien d’élèves vont intégrer cette première promotion ?
Pour l’instant, on en a à peu près une trentaine. Je pense que le chiffre restera dans ces environs.
Quels sont les objectifs des master class prévues pour l’école ?
Ces master class permettront d’échanger, de partager les expériences avec des professionnels qui ont pas mal d’expérience. C’est aussi comme cela que l’on apprend, en écoutant les autres, en s’inspirant de leur vécu et l’idée c’est ça : de leur donner, de les nourrir un maximum pour qu’ils puissent aussi trouver la voie, de les forger aux différents métiers. Après, c’est à eux de choisir ce qu’ils ont envie de faire. Etre technicien, ça peut être une base, et ce métier est important. Nous avons tous commencé en tant que techniciens, à faire de la régie. Au fur et à mesure, nous avons appris à écrire, à filmer, à monter. Ça se fait par étape.
Quelle démarche pour postuler dans cette école ?
Nous allons lancer l’appel à candidature en ligne sur notre site ecolekourtrajmé, tout le monde peut s’inscrire en ligne.
Avez-vous des projets de développement avec notamment d’autres ouvertures en France ou à l’étranger ?
Nous continuons ! Pour l’instant, nous ouvrons à Marseille, en janvier à Dakar. Il y a cinq projets d’écoles en Afrique, normalement au Burkina-Fasso, au Mali, au Maroc et au Sénégal. On ouvre trois autres écoles en France, à Lille, celle de Marseille et deux autres à l’Est et l’Ouest. On veut ouvrir un maximum d’écoles et créer des ponts entre elles, former, développer et produire des films.

Le 18 juin, le Cloître a accueilli la soirée de lancement de la nouvelle école de cinéma Kourtrajmé, en présence de Ladj Ly et Kim Chapiron.
Entretien avec Manal, réalisatrice du court-métrage primé Amal
Quel a été votre parcours au sein de l’école de cinéma Kourtrajmé à Paris ?
J’ai postulé pour la session scénario, qui dure trois mois. On était dix sélectionnés, pour trois mois de master class, de cours d’écriture scénaristique, d’analyses de films, mais d’un point de vue technique, ils nous ont appris tous les codes pour écrire un scénario. Et on a aussi écrit.
A la fin de la session, on avait chacun notre scénario. Sur les dix, Ladj avec ses amis et producteurs ont choisi trois scénarios. Les scénari sélectionnés allaient être réalisés par l’école. J’ai eu la chance d’en faire partie. Après les auteurs restent, les autres partent avec leur scénari mais l’école reste ouverte et, en réalité, ils sont toujours présents.
La session “réal” [réalisation, ndlr] dure aussi deux-trois mois. Il y a aussi des master class. Nous participons à cinq jours de découpage, nous préparons le tournage du film et après, place à cinq jours de tournage avec une vraie équipe technique ; parce que nous étions les réalisateurs, en tout 6 co-réalisateurs, mais Ladj voulait des pros pour l’équipe technique pour que le film soit à la hauteur de nos ambitions.
Ensuite, le montage représentait aussi une session de deux mois. Les réalisateurs sont partis et dix monteurs sont arrivés. J’avais trois monteurs pour Amal. Et moi je chapeautais le montage et on travaillait ensemble.
Est-ce que tu peux nous parler de ton court-métrage Amal ?
C’est l’histoire d’une jeune fille qui a fait des études de droit et qui revient de Londres où elle a été diplômée. Elle revient trouver du travail en France et se confronte au fait de ne pas trouver de travail à cause de son voile. Son dilemme est : est-ce qu’elle sacrifie une partie d’elle-même, une partie de sa foi, pour rester auprès des siens et travailler en France ? ou est-ce qu’elle choisit de partir, d’être pleinement épanouie en tant que femme musulmane mais en étant loin de ses proches ?
Et de son succès ?
J’étais super contente ! Le film est passé au festival Ciné-Banlieue et a reçu le prix de l’université Paris 13 dans la catégorie “compétition”. Le prix a été remis par Lyna Khoudri, lauréate du César du meilleur espoir féminin pour son rôle dans Papicha. C’est une très grande actrice. Elle a fait un très grand discours de sonorité féministe avant de me remettre le prix. C’est un très beau moment dont on est super fier. C’est le premier qu’il a eu, il devait passer dans d’autres festivals qui ont malheureusement été annulés.
Quels sont tes projets pour l’avenir ?
En ce moment je travaille sur une web-série qui est une commande du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Je suis avec trois autres personnes de l’école. Il y a quatre épisodes, donc on se les réparti. C’était quatre mois d’écriture et on va tourner en septembre, puis monter en octobre. C’est un super projet d’anticipation, en fait. Donc, c’est hyper excitant d’écrire un futur, un peu entre la dystopie et un avenir désirable. Sinon, j’ai gagné une bourse d’écriture de la Région Île-de-France pour mon court-métrage qui va se passer au Maroc que je fais seule, pour le coup !