Selon une étude publiée en janvier dernier, relocaliser la production textile en France permettrait au pays de diviser son empreinte carbone par deux. A Marseille, cette relocalisation s’organise déjà avec l’émergence de nouveaux projets mais aussi de pratiques de production et de consommation plus responsables, comme la seconde-main ou l’upcycling.

Un kilo de textile importé générerait 54 kilos de CO2 contre 27,7 kilos pour la même quantité produite en France. C’est ce que révèle une étude réalisée fin janvier par le cabinet d’études environnementales et des solutions durables Cycléco. Commandée par l’Union des Industries Textiles (UIT), elle souligne que 95,7 % des vêtements et linges de maison achetés par des Français seraient confectionnés à l’étranger.

Relocaliser la production de textile en France permettrait donc de diviser par deux l’empreinte carbone du pays. Une donnée non négligeable lorsque l’on sait que la production textile est la deuxième source de pollution mondiale avec 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre émis, selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

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Source : UIT

Des avantages écologiques et économiques

L’étude de l’UIT propose ainsi certaines actions concrètes pour enrayer ce phénomène, comme la création d’une étiquette de traçabilité ainsi qu’un baromètre carbone annuel afin de mesurer l’évolution de l’empreinte carbone de la filière. Le Comité Stratégique de Filière (CSF) Mode et Luxe donne, quant à lui, « un objectif de relocalisation de 25% » du secteur, dans le but de diminuer l’empreinte carbone de la France de 3,5 millions de tonnes. L’éco-conception et le recyclage pourraient, eux aussi, participer à cette baisse à hauteur de 10 à 15 %.

Enfin, « chaque point de relocalisation pourrait générer 5 500 tonnes de production supplémentaire, créer plus de 4 000 emplois et permettre d’économiser 140 000 tonnes d’équivalent CO2 », souligne l’étude. Une solution présentant donc des avantages autant écologiques qu’économiques.

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En 2016, la styliste marseillaise Stéphanie Calvino a lancé les premières rencontres Anti-Fashion, à Marseille. Inspirées par le manifeste Anti-Fashion de la prévisionniste de mode et tendances hollandaise, Lidewij Edelkoort, elles sont « un point de rencontre entre les acteurs de la mode et de l’industriel afin de les sensibiliser à une production et une consommation plus responsable ».

A Marseille, la relocalisation textile s’organise

A Marseille, cette relocalisation s’organise depuis quelques années déjà, au gré de nombreuses initiatives. La dernière en date : un projet d’école de production qui devrait voir le jour en septembre 2021 porté par le collectif Fask. « Les élèves pourraient apprendre de manière théorique mais aussi pratique car ce qu’ils fabriqueraient participerait à l’équilibre financier de l’école », nous explique Jocelyn Meire, créateur de Fask. Cette école fait partie d’un projet global nommé « Former pour relocaliser ».

L’occasion de faire d’une pierre deux coups en ramenant la production sur le territoire afin de « donner du boulot aux jeunes que l’on va former », et en le dotant également de compétences « parce que de nombreux entrepreneurs ne trouvent pas les compétences qu’ils cherchent et peuvent se décourager », insiste-t-il.

D’ici au mois de mai, il compte publier un livre blanc réunissant les bonnes pratiques de « l’écosystème mode » de la région en matière de développement durable, de transition écologique et de RSE. « C’est une façon de mettre en valeur nos membres ainsi que les acteurs du territoire. Rendre visible, voire lisible, un écosystème complètement invisible pour la plupart des gens et des décideurs », conclut Jocelyn Meire.

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Collection capsule Kaporal réalisée en collaboration avec la marque Super Marché © Super Marché

La grande tendance de la Slow Fashion

Avec la relocalisation vient la notion de Slow Fashion, un concept reposant sur une production textile plus respectueuse de l’environnement, apparu pour contrer la surproduction et la surconsommation : la Fast Fashion. Parmi les alternatives à cette dernière, la seconde-main, l’upcycling, le recyclage ou encore l’utilisation de matières plus naturelles et durables.

L’entreprise marseillaise Kaporal œuvre, depuis 2014, pour une production plus raisonnée. « En tant que créateurs de jeans, nous avons un impact sur la nature et nous en sommes conscients », nous confie Guillaume Ruby, directeur Marque et Communication. Depuis 7 ans, la marque propose à ses clients de racheter leurs vieux jeans. Deux tiers sont recyclés en isolants thermiques. Le reste est upcyclé dans des collections capsule, en collaboration avec des jeunes créateurs et l’atelier d’upcycling 13’Atipik (4e), fondé par Sahouda Maallem.

L’année dernière, la marque a lancé sa propre plateforme vintage. Elle a également lancé sa première collection de jeans fabriqués en France, « dans trois ateliers de confection, dont un basé à Marseille, précise Guillaume Ruby, nous faisons évoluer notre manière de consommer et de produire afin d’utiliser moins d’eau et plus de matières recyclées et biologiques. En moins d’un an, nous avons réussi à transformer presque 30% de nos collections dans un denim beaucoup plus responsable ». 

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La méthode de l’upcycling consiste à utiliser des pièces déjà existantes et à les modifier, dans le cas de Monia, les moderniser, pour leur donner une seconde vie © Super Marché

Les initiatives responsables continuent de fleurir

Parmi les jeunes créateurs à avoir travaillé avec Kaporal : Monia Sbouai et sa marque upcyclée Super Marché, créée à Paris en 2016. Installée à Marseille depuis septembre dernier, dans le quartier des Chartreux (4e), elle achète ses vêtements de seconde-main dans les rayons d’Emmaüs, les friperies, les vide-greniers, ou encore sur Leboncoin. Elle les coupe puis confie, à son tour, la couture à l’atelier 13’Atipik.

Mais ces initiatives ne sont pas les seules à s’épanouir dans la cité phocéenne : la marque Justine Justine crée des pièces rock du quotidien à partir de vêtements issus de la seconde-main. L’imprimerie et grossiste textile Steezstudio (1e) propose des pièces fabriquées à partir de matières biologiques et des méthodes d’imprimerie respectueuses de l’environnement. Depuis fin 2019, elle met également en valeur des produits éthiques et originaux, issus d’artisans français et de projets engagés.

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Bob Justine Justine © JB

Un mouvement qui semble se répandre comme une trainée de poudre à travers les rues de la ville. Pour Guillaume Ruby, « la culture de la frip’ et de la seconde-main est très importante à Marseille. Elle est inscrite dans nos gènes ». A Monia Sbouai d’ajouter que « plus il y aura de clients prêts à passer le cap et à s’engager dans cette nouvelle façon de consommer, plus les initiatives de ce type seront nombreuses et acceptées ».

A l’heure du premier confinement, la pénurie de masque a également mis en lumière la nécessité de relocaliser la filière. De ce constat est né « Résilience », un projet national porté par le Haut-Commissariat à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises. [A lire ici]

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