Effet « Jeux olympiques », centre-ville, cité judiciaire, industrie décarbonée, Fos-sur-Mer… Le président de la CCI Aix-Marseille Provence, Jean-Luc Chauvin, revient sur les dossiers chauds qui attendent le territoire.

À la tête de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence (CCI AMP) depuis 2016, Jean-Luc Chauvin prend régulièrement position pour améliorer l’attractivité d’Aix et Marseille et accueillir de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois.

Depuis plusieurs mois, le chef d’entreprise se positionne clairement contre la délocalisation de la Cité judiciaire sur le périmètre d’Euroméditerranée, mais aussi sur des projets de territoire comme l’accueil des industries décarbonées sur le foncier du Grand port maritime de Marseille-Fos, à Fos-sur-Mer.

L’élu constate aussi un certain « effet JO » qui doit participer à relever l’exigence de Marseille devenue, en l’espace de quelques années, une véritable destination touristique.

Petit tour des sujets de la rentrée avec Jean-Luc Chauvin qui entend redonner du lustre au centre-ville, en jouant « collectif » avec la Ville, la Métropole et l’État.

Made in Marseille : Comment se portent les entreprises du territoire en cette rentrée ?

Jean-Luc Chauvin : Le moral des entreprises est en berne si l’on en croit le baromètre de CCI France Opinion Way. Malgré la dissolution et les élections législatives, on ne sait pas très bien ce qu’il va se passer. Les chefs d’entreprises ont des incertitudes sur la règle, notamment fiscale. Ils sont aussi inquiets de savoir comment rembourser la dette publique. Or, pour développer une entreprise, il faut de la confiance.

On espère aussi que le nouveau Premier ministre, qui connait bien la vie des territoires, fera rapidement une lettre au Comité organisateur des Jeux olympiques pour nous permettre d’accueillir les Jeux d’hiver 2030 dans les Alpes.

Même si on a peu de recul, pouvez-vous dire, comme vous l’espériez, s’il y a eu un « effet JO » pour les entreprises et Marseille ?

Pour le monde économique, le secteur du tourisme a bénéficié de cet « effet JO » avec un niveau de fréquentation comparable à celui de 2023. La particularité est d’avoir accueilli plus de clients étrangers avec un pouvoir d’achat plus important. Mais, selon les associations de commerçants, cet effet n’est pas uniforme dans le centre-ville. Le point positif est d’avoir montré aux Marseillais que, quand on joue collectif, on obtient des résultats en matière de sécurité, de transports, voire même de propreté. Il nous appartient de capitaliser sur ce savoir-faire.

Les JO ont donc eu un effet plus qualitatif que quantitatif ?

La grande leçon, c’est que Marseille est une ville agréable. Les premiers retours que l’on a d’une étude sur les touristes, c’est que 94% sont prêts à revenir. Mais le premier problème pour eux, c’est la propreté, malgré les efforts faits. Il y a un sujet d’éducation de la population et des commerçants sur le tri, et aussi peut être de sanction. Les collectes pourraient aussi être plus fréquentes, une après le service du midi et une après celui du soir. Il faut aussi laver nos magnifiques pavés blancs qui sont devenus noirs. Et que l’on prenne conscience que cette ville est devenue touristique, que le niveau d’exigence a évolué.

Il y a un an, la CCI tirait la sonnette d’alarme sur l’insécurité du centre-ville, notamment à Noailles, et des vendeurs à la sauvette. Un collectif d’habitants a d’ailleurs été créé pour dénoncer ces pratiques…

Le groupe se réunit toute l’année avec la Préfecture, les commerçants, la Métropole. Cet automne, il sera rejoint par la Ville. Tout le monde est sensible au fait que chacun gère une partie des compétences, et que nous sommes condamnés à faire ensemble pour réussir. Ces réunions existaient, mais les uns et les autres ne se parlaient pas. Grâce à ce travail, on a pu trouver la complémentarité entre la Police nationale et municipale, et des bennes pour collecter les objets à la sauvette, pour ensuite nettoyer la voirie.

On va aussi avoir la livraison d’une place Castellane remodelée avec un énorme banc. Mais ce dossier suscite d’ores et déjà des inquiétudes pour les commerçants, les habitants et les comités d’intérêts de quartier (CIQ) par rapport aux poubelles et au nettoyage. J’en appelle à l’ensemble des collectivités pour traiter ces sujets avant la livraison de ce magnifique ouvrage.

Vous avez été l’un des principaux porte-voix pour empêcher la délocalisation de la Cité judiciaire du centre-ville vers Euroméditerranée. Son sort est-il scellé ?

Tant que le premier coup de pioche n’est pas donné, rien n’est sûr. Je dirais même que le dossier est loin d’être clos. Ceux qui travaillent sur l’étude d’impact, notamment la Soleam, s’appuient beaucoup sur notre pré-étude qui annonce des pertes importantes pour le centre-ville. Pour le moment, personne n’est venu me dire que nos chiffres étaient erronés.

L’enquête doit être rendue au Préfet en octobre. Ce document obligatoire pour les projets de plus de 100 millions d’euros, au passage, n’avait pas été fait. On a donc un président de la République et un ministre de la Justice (Éric Dupond-Moretti, ndlr) qui ont fait fi de certaines lois qu’ils ont eux-mêmes fait voter. Tant que cette étude n’est pas rendue, rien n’est certain.

Vous persévérez donc à travailler sur des alternatives de votre côté ?

Je poursuis un travail pour trouver des solutions qui permettraient d’avoir un lieu en centre-ville. Car la fonction de justice est une fonction centrale et structurelle de la cité. En plus, cette solution pourrait permettre à l’Etat de faire des économies. Il ne faut pas seulement regarder du foncier public. Il y a d’autres lieux qui sont ici mal utilisés ou sous utilisés. J’ai quelques idées très précises sur le sujet. Mais ce n’est pas le moment de communiquer.

Plusieurs sièges d’entreprises se sont implantés à Euroméditerranée. Smartseille 2 peine à décoller. Avec votre casquette de président de Provence Promotion, qu’est ce qui freine l’arrivée de ce programme ?

Le projet Smartseille 2 a pris un peu de temps. Mais je n’ai pas d’inquiétude. Ça ne restera pas vacant très longtemps. En 2023, Provence Promotion a implanté 71 nouvelles entreprises sur les Bouches-du-Rhône, soit 1923 emplois directs à forte valeur ajoutée. C’est un peu moins qu’en 2022. Mais en termes d’emplois, c’est équivalent. Je veux faire remarquer que nous sommes une spécificité française. Le nombre d’entreprises étrangères a progressé de 11% alors qu’en France, on assiste à une baisse de 5%.

Comment expliquez-vous cet attrait des firmes internationales ?

Les entreprises étrangères voient notre territoire avec moins de parti pris. Elles voient surtout sa position stratégique en Méditerranée, sa liaison rapide avec l’Asie et sa place de 7e métropole mondiale du numérique. En revanche, il nous appartient de se donner les moyens de créer une vraie filière numérique qui utilise les données. Il faut former, attirer des écoles d’ingénieurs et de gamers. Mais il faut aussi aller chasser des licornes dans le numérique, la santé (MedTech), et la décarbonation (GreenTech). Le potentiel est immense.

En parlant de décarbonation, Fos-sur-Mer est en passe d’accueillir durablement de gros projets : la production de panneaux photovoltaïques et d’hydrogène (Carbon, H2V…). Qu’est ce qu’il manque pour accélérer ?

Deux ingrédients sont nécessaires pour installer ces industries sur Fos : l’eau et l’électricité. L’eau, nous avons la chance de l’avoir, il faut la récupérer et mieux l’aménager. L’électricité, nous n’avons pas de solution. Nous sommes dépendants car on ne produit que 40% de l’électricité dont on a besoin. Alimenter tous les projets de data centers, les branchements des bateaux à quais… et l’évolution des usages comme les voitures électriques ou la climatisation. Oui, on fait des appels à projets pour l’éolien flottant, mais ça ne suffira pas.

C’est un peu bizarre que, sur la question de Fos, l’ensemble du territoire ne soit pas mobilisé pour ramener cette électricité qui va décarboner et améliorer la vie quotidienne. On est en face d’un choix. Si on amène l’électricité, qu’on fait les voiries, les écoles, les logements, on aura 40 à 50 ans de croissance économique très forte avec la transformation de l’industrie, la transformation du port pétrolier en un port de l’énergie verte. Sinon, on aura 10 ans de décroissance pour atteindre la disparition majeure de nos industries.

Faut-il un « Fos en Grand » comme un « Marseille en Grand » avec un interventionnisme fort de l’État ?

Quand les maires de l’Ouest du Département disent qu’ils sont confrontés au manque de routes, de créations de logements, d’écoles. Et qu’ils n’ont pas les moyens de les financer… c’est une réalité. On parle de l’arrivée de 12 000 à 14 000 personnes. Si on compte les familles, ça fait 30 000 personnes.

Un certain nombre de promesses sur ce territoire, depuis la création des villes nouvelles, n’ont pas été tenues. Et l’État en est le premier responsable. Quel est le seul port d’Europe avec de telles capacités qui n’a pas de ligne le reliant directement par un axe autoroutier ? Le nôtre. Quand on parle de doublement des voies dédiées pour le Fret ferroviaire (transport de marchandise) à l’intérieur du port, c’est parce qu’on est saturé. Mais l’État ne pourra pas tout faire seul. Ça doit être une réponse collective.

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