Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a annoncé la création d’une cité judiciaire à Arenc pour 350 millions d’euros. Bonne nouvelle pour les uns, coup dur pour d’autres, une décision qui divise toujours.

La localisation de la future cité judiciaire est enfin tombée. Éric Dupond-Moretti a annoncé, lundi 20 novembre, qu’un site « unique » serait construit sur les parcelles d’Euroméditerranée, derrière la tour CMA CGM, le long de la rue Anthoine pour regrouper l’ensemble des judiciables.

Si le ministère penchait depuis le début pour un déménagement sur Euroméditerranée, les élus locaux et acteurs du monde économique avançaient deux autres propositions. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Aix-Marseille, Jean-Luc Chauvin, le bâtonnier de Marseille, Maître Jacquier, et la maire du 1-7, Sophie Camard (GRS) souhaitaient que l’organe judiciaire reste en centre-ville pour conserver la vitalité commerçante du quartier.

De son côté, le député Lionel Royer-Perraut plaidait pour un déménagement dans un bâtiment du ministère des Armées de La Capelette, à proximité du futur commissariat Saint-Pierre.

Pour départager les trois propositions, Éric Dupond-Moretti avait mandaté le préfet de région, Christophe Mirmand, en juin dernier. Le haut-fonctionnaire avait reçu chaque porteur de projet indépendamment et remis au Garde des Sceaux un document analysant les avantages et les inconvénients des trois sénarii.

C’est donc la proposition du ministère qui l’a emporté. « Ce scénario est apparu comme le plus optimal (…) Il est d’ailleurs, disons-le, soutenu par les magistrats, les greffiers et une grande partie des élus des Bouches-du-Rhône », expliquait Éric Dupond-Moretti.

La méthode de concertation critiquée

Pourtant, cette annonce ne va pas sans son lot de réactions. Dans un communiqué commun, la CCI, les syndicats patronaux de l’UPE 13 et la CPME 13, conjointement au bâtonnier, dénoncent « la méthode inique du Garde des Sceaux qui a pris seul sa décision. Une décision prise depuis Paris que nous jugeons « hors sol » et ce, malgré les positions locales contraires ». Ils regrettent également « cette décision qui ne prend aucunement en considération les conséquences économiques ». 

En ce sens, Sophie Camard, qui s’en était déjà fait l’écho lors du conseil municipal du 7 juillet, qualifie ce choix d’un « coup dur pour le centre-ville » s’inquiétant d’une perte de recettes des commerçants du quartier.  L’élue du Printemps Marseillais demande à l’Etat, à la Ville et à la Métropole de « relancer le Projet d’Aménagement Partenarial (PPA) du centre-ville pour y inclure un volet économique renforcé », écrit-elle dans un communiqué.

L’élue avait représenté le Maire de Marseille en Préfecture le 28 juillet dernier, en alertant que dans le cas d’un départ, « il faudrait une grande opération de revitalisation, à l’image des contraintes que l’État impose aux grandes entreprises de plus de 1000 salariés lorsqu’elles ferment un site de production ».

La maire de secteur soutient aussi que « cette annonce s’ajoute au maintien forcé du projet de tramway du cours Pierre-Puget vers la place du 4-Septembre malgré l’opposition de la Ville ». Le chantier du futur tramway est un argument avancé par le ministre pour déménager la cité judiciaire puisqu’il ne veut pas cumuler les travaux, et de fait les nuisances pour les habitants et commerçants.

cité judiciaire, Le déménagement de la cité judiciaire à Arenc, entre bonne nouvelle et coup dur, Made in Marseille
Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, sort du Tribunal judiciaire de Marseille (Crédit : MG)

« Aucune piste concrète »

« Ce n’est pas un bon argument car si on veut que son chez-soi soit en bon état, et bien on rénove. Il y a des manières d’accompagner les commerçants et les riverains. Ça a été chiffré et ce n’est pas tellement plus cher que construire dans une zone inondable », estime Maître Jacquier.

Autre sujet que pointe l’avocat : « Il n’y a pas que la localisation, il y a aussi le travail en interne. Quelle place les avocats ont vis-à-vis des magistrats et des greffiers ? Peux-tu les rencontrer facilement ? » Des questions qui restent en suspens, alors que le ministre n’a pas cité le soutien des avocats pour la construction de cette tour de 50 000 m2 de plancher à Arenc.

Comme d’autres, il n’est pas convaincu par les propositions du garde des Sceaux pour l’occupation des anciens locaux de justice (école nationale de la magistrature, l’école nationale du barreau de Marseille…) « Les étudiants n’ont pas le même pouvoir d’achat qu’un avocat, magistrat, greffier. Il y aura donc une baisse de dépenses pour les commerçants », poursuit Mathieu Jacquier.

« Nous nous étonnons d’autant plus d’une telle annonce alors même qu’aucune piste concrète n’a été évoquée sur le devenir du Palais de Justice actuel, un bâtiment emblématique du centre-ville de Marseille, cher au cœur des Marseillaises et des Marseillais ! » insistent à ce titre les acteurs économiques.

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Maître Jacquier, bâtonnier de Marseille (Crédit : MG)

« Une bonne nouvelle » 

De son côté, Lionel Royer-Perraut « s’avoue évidemment déçu », puisque son projet présentait des « arguments solides ». Toutefois, le député Renaissance convient que « c’est avant tout une bonne nouvelle de voir l’État consacrer près de 350 millions d’euros pour construire une cité judiciaire ». Le parlementaire met cependant en garde sur le besoin d’un « projet structurant pour le centre-ville », comme il nous l’avait précisé lors d’une récente interview.

La Région Sud, présidée par Renaud Muselier, et la Métropole Aix-Marseille-Provence, présidée par Martine Vassal, se sont également exprimées pour remercier le ministre d’investir massivement pour un nouvel outil judiciaire à Marseille. Dans leurs communiqués respectifs, les deux élus critiquent vivement l’absence de position claire du maire de Marseille, Benoît Payan, sur ce dossier.

Interpellé par les journalistes en marge de l’annonce du ministre, le maire Benoît Payan n’a pas souhaité réagir. Contactés par ailleurs, ses adjoints n’ont pas non plus répondu à nos sollicitations.

Concertation et solutions pour le centre-ville

Alors qu’Éric Dupond-Moretti a annoncé l’ouverture d’une nouvelle concertation avec l’ensemble des acteurs, Maître Jacquier invite, de son côté, tous les élus de Marseille à trouver des solutions : « Il y a un travail à faire pour que le centre-ville ne perde pas en attractivité. Mais je me sens un peu seul, même si c’est mon travail. Et j’aimerais bien que d’autres le fassent, notamment les élus de la Métropole, de la Région et de la Ville ». 

Au titre du plan « Marseille en Grand », le monde économique demande à la ministre en charge de ce plan, Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État à la Ville et à la Citoyenneté « de reprendre ce dossier dans les meilleurs délais (…), en proposant un véritable plan pour le centre-ville permettant de préserver et conforter son attractivité économique et sociale ».

Cela passe pour eux, par la création d’un « Euroméditerranée du centre-ville » « comme ce fut le cas pour le quartier de la Joliette permettant à l’Etat de piloter et de conduire opérationnellement cet enjeu majeur et transversal pour la 2e ville de France », la délimitation d’une zone franche urbaine (ZFU) sur ce périmètre et le cas échéant, la définition et la co-construction d’un grand projet économique en lieu et place de l’actuel site d’implantation des tribunaux en centre-ville.

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