Grâce à son concept innovant, le Cloître situé dans les quartiers nord de Marseille s’impose depuis trois ans comme une fabrique de solutions. De nouvelles entreprises engagées s’installent sur le site qui s’ouvre sur d’autres champs d’actions. Ici, tous sont des « faiseurs d’avenir ».

C’était un refuge pour les rescapés des fléaux de l’Histoire. Un lieu chargé de belles histoires. Sur la colline Saint-Bruno (13013), la chapelle du même nom, construite en 1862, voit plus tard s’ériger à ses côtés, le couvent Madeleine Rémusat, fondé en 1932 par les sœurs de la visitation.

Hôpital militaire, ferme urbaine, avec des animaux de basses-cours, maraîchage, puis dispensaire pour accueillir des femmes âgées… durant 50 ans, les religieuses ont soigné les corps et les cœurs. Puis, 1987 marque le tournant dans la vie de ce site d’exception de 6,5 hectares situé dans les quartiers nord de Marseille.

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Jean-Charles Verchère

Les Apprentis d’Auteuil en deviennent propriétaires et lui offrent ainsi une nouvelle orientation. Cette page de l’histoire s’ouvre officiellement en 2018 avec la naissance d’un pôle d’innovation, d’entrepreneuriat social, économique et environnemental, baptisé « Le Cloître ». « Ici, nous avions une école de formation et un internat et nous avons dû, pour des raisons économiques, arrêter l’activité. Nous avions le choix entre nous séparer de ce lieu, le livrer aux promoteurs, ou soit en faire quelque chose qui a une utilité sociale », raconte Bruno Galy, administrateur du Cloître et directeur régional d’Apprentis d’Auteuil.

Au gré de « rencontres hasardeuses et passionnantes », notamment avec les membres du groupe Ashoka [qui construit et anime une communauté d’innovateurs sociaux de tous les secteurs, ndlr] le projet se dessine. « Ils nous ont accompagnés et c’est comme ça qu’est né le Cloître. Le groupe s’est élargi, les partenaires sont arrivés, on s’est mis d’accord sur ce qu’on avait envie de faire ensemble. On a écrit une charte qui dresse un constat, qui nous engage et qui nous permet, aujourd’hui, de faire, mais surtout de continuer à penser à ce que demain on pourra faire », poursuit avec enthousiasme, Bruno Galy.

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© Le Cloître – Jean-Charles Verchère

« On voulait un lieu qui ne stigmatise pas »

Engagés ! Au sein du Cloître ce n’est pas un vain mot, car c’est bien ce qui rassemble toute la communauté d’entrepreneurs qui y a pris ses quartiers et la jeunesse qui vient s’y former.

Au Cloître, il y a des faiseurs de talents, des faiseurs d’innovation, de rencontres, de goût, et de renouveau… des faiseurs d’avenir avec « pour seule motivation de progresser dans leur quête d’innovation pour replacer l’homme au cœur des processus économiques et sociaux ».

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© Le Cloître – Jean-Charles Verchère

Des formations en circuit court

Au bout de trois années d’existence, le lieu s’est imposé comme une fabrique de solutions, mixant différents publics et diverses activités, s’appuyant sur un triple constat : 43% des jeunes entre 18-25 ans sont au chômage dans les quartiers prioritaires de Marseille, 1/3 des ménages vivent sous le seuil de pauvreté, mais aussi « les jeunes pensent que les entreprises ne veulent pas d’eux et les entreprises ont du mal à recruter des jeunes ». Alors, ici, des entreprises inclusives proposent à ces jeunes du territoire et des adultes, éloignés de l’emploi, de les former dans leurs métiers.

Des circuits courts dans des domaines du service, de la restauration, de l’agriculture ou du numérique. « On voulait un lieu qui ne stigmatise pas. Un lieu ouvert et de partages dans lequel toutes les structures travaillent ensemble et ça fonctionne plutôt bien, assure Arnaud Castagnede, l’autre administrateur du Cloître et fondateur d’Acta Vista. Toutes les entreprises ont joué le jeu, puisqu’en 2019 nous avons accueilli plus de 200 jeunes, ce qui va au-delà des objectifs qu’on s’était fixés ».

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© Le Cloître – Jean-Charles Verchère

Des pros du codage aux « Top chefs »

Depuis 2016, Daveque accompagne des jeunes isolés et fragilisés. Après 4 mois d’accompagnement, 70% d’entre eux décrochent un emploi ou entrent en formation. D’autres dispositifs comme celui-ci, portés par les Apprentis d’Auteuil, se développent au sein du Cloître à l’instar d’Impact Jeunes, de Skola ou de l’Ouvre Boîte.

Des programmes en relation directe avec les entreprises qui grandissent sur place. « Le Cloître continue son développement, et il est arrivé à maturité au niveau de l’accueil d’entreprises. On est en train de pousser les murs puisque Simplon s’étend sur 200 m2 supplémentaires, sourit Arnaud Castagnede.

Depuis six ans, Simplon dispense des formations intensives et gratuites aux métiers techniques de l’économie numérique, et « le Covid a montré l’importance du numérique et le fait de le rendre facile d’accès », note-t-il.

Le Cloître abrite aussi L2Phone, filiale du groupe Les 2 rives, qui propose à des publics prioritaires de se former pour devenir des acteurs clés de la relation client. Le Paysan urbain, qui concilie modèle économique viable avec impact social et environnemental positif autour de l’agriculture urbaine ou encore une conciergerie solidaire qui facilite le quotidien dans l’entreprise.

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© Le Cloître – Jean-Charles Verchère

MinaKook y a aussi posé ses casseroles pour concocter sa cuisine multiculturelle. Elle n’est pas la seule à mitonner des plats créatifs. Le chef 2 étoiles Michel Portos est aux fourneaux des « jardins du Cloître ». Bistronomique, bio et locavore, le restaurant a ouvert ses portes au public en septembre dernier. La brigade est composée de 6 jeunes en contrat de professionnalisation qui apprennent les ficelles des métiers de cuisinier et serveur.

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© Le Cloître – Jean-Charles Verchère

Quand l’impact social naît d’une démarche solidaire

Toutes les entreprises du Cloître ont cet ADN commun de se rendre utile au sens d’avoir un impact social. « J’aime cette notion, car si c’est pour s’occuper de jeunes et qu’au bout de deux ans ils se retrouvent sans rien, ça veut dire qu’on a jeté de l’argent par les fenêtres et on n’a pas bien bossé. Par contre, les accompagner, mesurer ce qu’ils deviennent, c’est aussi faire la preuve auprès de nos collectivités et l’État que ce sont des coûts évités pour la société », reprend Bruno Galy, qui se considère plutôt comme un « facilitateur et un rassembleur ».

L’arrivée récente de l’association régionale pour l’intégration des personnes en situation de handicap (ARI) permet d’aller encore plus loin dans la démarche de mixité. « Je crois, moi, à l’inclusion ! Je rêverais demain que dans les jeunes du restaurant, deux viennent d’Ari et y soient formés. Ça permettrait de changer notre regard sur l’autre et à l’autre de prendre confiance en lui », reprend Bruno Galy.

Et d’ajouter : « Et on peut très bien imaginer que ces jeunes fassent une semaine chez Simplon pour découvrir le codage, chez Paysan urbain pour l’agriculture urbaine… Notre rôle, c’est remplir des sacs à dos qui souvent sont remplis de difficultés, et essayer de les remplir avec des compétences diverses ».

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© Le Cloître – Jean-Charles Verchère

L’art et la culture, deux outils d’inclusion

Une autre structure pose également ses valises. Môm’Sud, le réseau de micro-crèches « et c’est bien plus qu’une garderie, sinon ça ne m’intéresserait pas », s’amuse le directeur régional d’Apprentis d’Auteuil. « C’est une possibilité de faire garder son enfant pour faire une formation ou travailler, ici, ça c’est formidable, car ça peut lever un frein ».

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Mais c’est aussi une méthode qui s’articule autour de l’univers des arts, sur lequel Le Cloître mise aussi comme outil d’inclusion. « Le fait d’amener les enfants sur le terrain artistique, se découvrir en capacité d’être artiste, ça permet de nourrir ce besoin de confiance en soi, parce qu’on se sent capable d’accomplir des choses. La question de la culture est fondamentale. Combien de jeunes, aujourd’hui, vont au cinéma, à l’opéra, découvrent des toiles ? Là, on a aussi un rôle à jouer, car la culture en France est souvent élitiste ».

Un nouveau champ qui prend aussi toute sa place dans cet espace, rythmé par des concerts. Déjà lancés, ils devraient marquer l’année 2021. Une manière agréable de faire découvrir le lieu, dans le strict respect des mesures sanitaires.

Elles seront d’ailleurs scrupuleusement appliquées pour les moments festifs qui s’annoncent, comme le marché de Noël. « Ce sera l’un des temps forts avec des producteurs engagés, locaux, des créateurs… », détaille Arnaud Castagnede, qui ne désespère pas d’organiser le Grand Banquet, annulé le mois dernier en raison de la Covid-19. Les rendez-vous d’entreprises ne manqueront pas non plus d’animer la structure.

« Il en faudrait 50 des Cloîtres à Marseille finalement »

Souvent lorsqu’est évoqué l’avenir du Cloître, Bruno Galy se plait à répondre : « Si je vous dis ce que ça va devenir aujourd’hui, c’est que je ne suis pas dans le projet ». Lui, rêve « d’encore plus » et « d’encore plus grand ». Au regard des actions menées par Apprentis d’Auteuil dans les différents quartiers populaires de la cité phocéenne, il estime qu’« il en faudrait 50 des Cloîtres à Marseille finalement ».

En attendant, il se dit très satisfait « de la manière dont ça se passe », suivant le respect d’une éthique commune : « celle de croire en chacun de ceux que nous rencontrons et de leurs capacités à devenir. C’est ça, finalement, la force du Cloître : cette énergie, cette confiance, quels que soient ses freins, ses difficultés, son histoire, quelle que soit sa couleur, quelle que soit sa religion, c’est vraiment ça qui nous habite et, aujourd’hui, je pense que tous ceux qui s’engagent de façon juridique, à travers une charte ou un partenariat signé, c’est ce qu’ils défendent. On voit bien que l’on est dans des mondes différents, mais qu’on se retrouve tous à faire de belles choses ».

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