À la fin des années 1930, un énorme incendie s’est déclaré dans le plus grand magasin de Marseille de l’époque, « Les Nouvelles Galeries », situé sur la Canebière. Un sinistre qui a causé la mort de 73 personnes et dont la responsabilité a été directement imputée à la municipalité.
Les Nouvelles Galeries ont ouvert sur la Canebière, à l’angle avec l’actuelle rue Vincent Scotto, en septembre 1901. Ce fleuron du commerce de détail marseillais s’étend alors sur quatre étages et plus de 3 500 m² de surface, en faisant le plus grand magasin de la ville à cette époque. Avec ses larges baies vitrées, ses charpentes métalliques signées Eiffel et sa belle façade, le bâtiment ressemble aux grands magasins parisiens du boulevard Haussman.
Les Nouvelles Galeries marseillaises ne sont d’ailleurs pas les seules en France. L’enseigne est le nom d’une chaîne de grands magasins créée en 1867 sous l’appellation originelle « Société Française des Grands Bazars et Nouvelles Galeries Réunis » et est présente dans les plus grandes villes de France.
Plus grave incendie de l’époque à Marseille
Le 28 octobre 1938, en début d’après-midi, un incendie se déclare aux Nouvelles Galeries, apparemment à cause d’un mégot de cigarette mal éteint par l’un des ouvriers du bâtiment, en travaux de modernisation à l’approche des fêtes de fin d’année. Ce jour-là, le Mistral souffle fort et attise le feu à peine celui-ci commencé. L’intérieur, composé de parquets cirés, de tentures, de tapis épais, de bois et de tissus, favorise également sa propagation. En moins de 15 minutes, le grand magasin est déjà un brasier géant.
Si les sapeurs-pompiers de Marseille interviennent rapidement, le premier camion arrivant seulement quatre minutes après l’alerte, le problème est qu’ils n’arrivent que par petits groupes successifs. Car au même moment, au Parc Chanot, se tient le 35e congrès du Parti républicain, radical et radical socialiste, mobilisant une grande partie des forces de l’ordre. Sur la Canebière, c’est le désordre : environ 10 000 personnes s’y massent, bloquant la circulation, l’arrivée et la manœuvre des secours. Les voitures roulent même sur les tuyaux d’eau qui éclatent.
Les sapeurs-pompiers se retrouvent en plus privés de leur chef, blessé au début de l’intervention. Les ordres ne sont alors pas cohérents et malgré tous les efforts et la volonté des secours, le bilan est grave et fait de cet incendie le plus tragique de l’époque : entre 150 et 200 blessés et 73 morts, parmi lesquels une majorité d’employées.
Création des marins-pompiers et Marseille sous tutelle
À la demande du contre-amiral Muselier, commandant la Marine nationale à Marseille, des marins-pompiers de Toulon sont envoyés comme renfort aux Nouvelles Galeries au moment de l’incendie. Ils n’arrivent sur place qu’à partir de 17h, lorsque le grand magasin est déjà condamné, mais aident grandement pour éviter que le feu ne se propage à d’autres bâtiments de la Canebière.
Édouard Daladier, président du Conseil, présent à Marseille pour le congrès du Parc Chanot assiste à l’intervention des marins-pompiers toulonnais. Il remarque leur professionnalisme, leur discipline et leur matériel moderne. C’est lui qui prendra ensuite la décision de confier la sécurité de Marseille à une unité militaire. Le 23 juillet 1939, un décret-loi marque la naissance du bataillon de marins-pompiers de Marseille.
Dès août 1939, 15 marins-pompiers de Toulon arrivent à Marseille et constituent la première unité des marins-pompiers marseillais. Ils s’installent dans une caserne provisoire rue de Lyon. Avec la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, les effectifs du nouveau bataillon se complètent rapidement suite à la mobilisation générale. Les hommes sont alors formés par des marins-pompiers de la marine. Le 1er juin 1940, le bataillon prend possession de l’actuelle caserne du boulevard de Strasbourg où son état-major est installé.
En plus de la tragédie humaine, l’incendie des Nouvelles Galeries a provoqué un véritable chamboulement politique dans la ville de Marseille. Le gouvernement commande plusieurs audits qui font apparaître des dysfonctionnements administratifs et financiers dans le recrutement et l’utilisation des employés municipaux, la gestion des hôpitaux publics et celle des sociétés des eaux. En mars 1939, le Conseil municipal est dessaisi de ses pouvoirs et placé sous la tutelle de l’État. Une situation qui ne sera levée qu’en août 1944, à la libération de la ville pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les Nouvelles Galeries aujourd’hui
Un nouveau bâtiment, le « Building Canebière », ne sera construit qu’à partir de 1947 sur les ruines des Nouvelles Galeries. Il se compose de 10 étages où l’on trouve des commerces en rez-de-chaussée, des bureaux et des logements. Et même un poste d’intervention des marins-pompiers de Marseille !
Quant aux Nouvelles Galeries, elles sont regroupées au Groupe Galeries Lafayette en 1983. Les enseignes les moins rentables sont fermées au cours des années 1980 et 1990, les autres transformées en Galeries Lafayette. À Marseille, les Galeries Lafayette se sont installées au Centre Bourse et à la rue Saint-Ferréol. Ces dernières vont bientôt déménager du centre-ville pour prendre place dans le futur centre commercial du Vélodrome.
Pour aller plus loin :
Par Agathe Perrier