Mobilité, industrie, dynamisme du centre-ville, insertion… Les acteurs économiques du territoire Aix-Marseille, réunis sous la bannière du collectif « Tous acteurs », formulent 48 propositions à l’attention des candidats aux élections législatives des 12 et 19 juin. Les mots d’ordre : simplifier et expérimenter.
Oser défendre les grands enjeux du territoire. Porter les projets avec conviction jusqu’à l’Assemblée nationale. C’est ce qu’attendent les acteurs économiques de la métropole des futurs parlementaires qui siégeront prochainement au Palais Bourbon. Dans la perspective des élections législatives des 12 et 19 juin, le collectif « Tous Acteurs » formule 48 propositions à destination des candidats à ce scrutin.
Lancé à l’automne 2019 à l’initiative de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence (CCIAMP), pour faire entendre la voix du monde économique et peser dans le débat des municipales 2020, « Tous acteurs » fédère les chambres consulaires, fédérations et groupements interprofessionnels et professionnels, associations de zones d’activités et de commerçants… au total aujourd’hui 140 acteurs économiques. « Nous avons bien travaillé sous la précédente mandature avec les députés qui nous ont sollicités sur différents sujets. Aujourd’hui, nous voulons aller plus loin », lance Jean-Luc Chauvin, président de la CCIAMP, au Palais de la Bourse.
« On attend d’eux qu’ils réussissent à inscrire ces projets à l’Assemblée »
Ces propositions issues d’une consultation de terrain sont axées sur 10 enjeux majeurs. Le leitmotiv : permettre au territoire de devenir une terre d’expérimentations en simplifiant un certain nombre de contraintes. « Nous portons des propositions concrètes. On attend de nos parlementaires qu’ils en soient les porte-voix auprès du gouvernement, de la commission des lois, du budget, des finances, ajoute Jean-Luc Chauvin. On attend d’eux qu’ils réussissent à inscrire ces projets à l’Assemblée. Qu’ils proposent que notre territoire soit un territoire d’expérimentations. On expérimente ici avant de les déployer au niveau national ».
L’amélioration de la mobilité dans la métropole arrive en tête des préoccupations. « Un sujet primordial », insiste Daniel Salenc, président de la délégation départementale de la CMAR. « L’enjeu c’est d’amener les jeunes et nos salariés vers les bassins d’emplois et les bassins économiques toutes les heures, pour les travailleurs en décalé et même le week-end ».
Même si l’État a mis la main à la poche pour donner un coup d’accélérateur aux projets de transports marseillais et plus largement sur le territoire, le collectif plaide pour un « plan Marshall » avec des budgets supplémentaires pour rattraper des décennies de retard.
Le monde économique souhaite d’ailleurs être partie prenante des réflexions sur la stratégie de mobilité dans un travail plus « collaboratif », notamment avec la mise en œuvre dans quelques mois de la Zone de faibles émission mobilité (ZFE-m) dans un périmètre déterminé du centre-ville de la cité phocéenne. Parmi les propositions, on peut aussi noter la mise en place d’un véritable TER Aix/Aéroport/Marseille/Aubagne.
Développer les connexions des grandes infrastructures
Dans cette perspective, un autre sujet concerne le développement des connexions de grandes infrastructures principalement du Grand port maritime de Marseille (GPMM). « Il faut être en phase avec les objectifs. On envisage de doubler à 2040 les conteneurs déportés à Marseille-Fos (1,5 million en 2021). On cible une augmentation du trafic de 3% par an. Il va falloir garantir la continuité autoroutière sur les deux axes Est-Ouest (A55) et Nord-Sud (Fos-Salon) du GPMM. La desserte routière reste sous-développée pour accompagner ces développements », explique, à son tour, Alain Mistre, président de l’Union maritime et fluviale de Marseille-Fos (UMF). « Il faut plaider pour que nous puissions, le plus vite possible, faire remonter nos conteneurs par le fleuve jusqu’au haut lieu du marché européen, c’est-à-dire l’Allemagne. Il faut que nos députés soient porteurs de ce sujet », ajoute le président de la CCIAMP.
« Tous Acteurs » pointe l’urgence de sécuriser les financements du contournement de Martigues/Port-de-Bouc, pourtant déclaré d’utilité publique 2018. Ils militent pour mettre en œuvre rapidement le raccordement ferroviaire des bassins Est de Mourepiane au réseau national. « Il faut se donner l’ambition de développer notre port comme il se doit ». Côté aérien, ils comptent sur les futurs députés pour inciter la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) à adopter une approche favorable aux demandes d’ouverture de nouvelles lignes sur l’aéroport Marseille-Provence.
Mieux accompagner le verdissement des entreprises
La réindustrialisation du territoire n’est pas oubliée. Le mot d’ordre : simplification ! Aux yeux du collectif, cela passe par libérer, par exemple, du foncier plug-and-play (clé en main), « exempt d’études pour permettre aux entreprises de s’installer plus vite et avoir rapidement les autorisations préfectorales », souligne Anabelle Raffi, déléguée générale de France Chimie Méditerranée. Pour accompagner l’implantation de nouvelles activités, elle propose la mise en place d’un « guichet unique », réservé aux porteurs de projets. Ils pourront y retrouver toutes les informations relatives à « l’écosystème local, la réglementation en un lieu unique et surtout un seul interlocuteur ».
Dans le cadre de l’appel à projets « Territoires d’industrie » de France Relance, les entreprises lauréates du territoire ont pu bénéficier de fonds pour diversifier et moderniser leurs procédés de fabrication. Pour aller plus loin, le collectif souhaite un accompagnement renforcé pour soutenir les reconversions industrielles. « On a beaucoup d’énergie fossile, mais nos entreprises ont la volonté de changer leurs procédés et d’aller vers un changement complet de leurs technologies. Il faut garantir une énergie bas-carbone, compétitive, fiable, et accessible sur l’ensemble du territoire, poursuit Anabelle Raffi. Et les aider aussi sur les mobilités, car c’est un axe très fort de décarbonation ».
La transition énergétique et écologique reste l’un des sujets de premier plan. Pour améliorer le verdissement des industries et des entreprises, « Tous acteurs » mise aussi sur l’économie circulaire : « Les entreprises y sont poussées par la réglementation. Pour les aider, il faut créer des filières de valorisation des déchets pour en refaire de la matière première ». Ils militent ainsi pour la création de filières dans la région qui permettent, par exemple, « à des déchets plastiques d’être directement revalorisés dans les unités de pétrochimie » ou encore « accueillir de nouvelles infrastructures de recyclage ».
Affirmer Aix-Marseille-Provence comme hub euro-med-Afrique
Parmi les grandes thématiques abordées, la volonté partagée d’affirmer la place d’Aix-Marseille-Provence comme hub euro-med-Afrique. « La quasi-totalité de nos députés ignore l’Afrique, ce n’est pas très électoraliste et ceux qui s’y intéressent le font de façon négative, note Yves Delafon, ancien président d’Africalink. Prenez conscience de cet impératif européen, et surtout national, dit-il à l’attention des parlementaires. Notre avenir dépend de l’Afrique, et on a plus besoin de l’Afrique que l’Afrique a besoin de nous ». Au programme donc : demander au gouvernement de lancer une mission « Aix-Marseille-Provence-hub-euromed-Afrique » en s’appuyant sur les dispositifs existants : Africalink, Afric’Agora et Africa Data, impulsés par la CCIAMP.
Le collectif a également inscrit dans ses priorités un événement phare : les Jeux olympiques 2024 qui doivent être un « accélérateur pour structurer et ancrer une économie bleue », avance Jean-Luc Chauvin. L’occasion pour lui de revenir sur la création d’un démonstrateur des villes bioclimatiques de demain aux îles du Frioul.
Différentes propositions autour de la préservation de la biodiversité autour des îles du Frioul, ces dernières années, se sont muées en projet de vaste ampleur baptisé Odysseo, lancé par le président de la République en septembre dernier, lors des annonces du plan Marseille en Grand. Par ailleurs, Marseille, « premier port de plaisance de France » a vocation aussi à développer une « filière autour d’une plaisance écoresponsable ».
Mesures incitatives pour réimplanter des commerces en centre-ville
Dans la to-do list du collectif, un focus sur les centres-villes profondément impactés ces dernières années par les deux crises successives des Gilets Jaunes et du Covid-19. Pour favoriser une réimplantation commerciale avec des mesures incitatives, Aurélie Midani, présidente de l’association Cœur de ville de Marignage, évoque différentes mesures comme l’instauration de zones franches urbaines et la création de zones de commerces protégées, c’est-à-dire aucune manifestation autorisée à certaines périodes dans ces espaces déterminés ».
Elle croit beaucoup en « la mise en place de manager de centre-ville pour faire du lien entre les commerçants, les associations et les collectivités ». Le collectif souhaiterait également que le dispositif « Action cœur de ville », financée par la Banque des territoires puisse être élargie aux villes de plus de 20 000 habitants.
D’autre part, selon le monde économique, plusieurs étapes peuvent être envisagées « pour faciliter la vie de l’entreprise, la rendre plus simple et plus efficace », au premier rang desquelles « l’exonération totale des heures supplémentaires », déclare Corinne Inesti, présidente de la CPME13. Pour elle, d’autres solutions peuvent permettre aux entreprises de gagner en pouvoir d’achat comme « avoir des avantages extra-salariaux pour des entreprises de moins de dix employés. Rien n’est possible à ce jour, la seule solution pour eux c’est de cotiser à un prestataire externe ». Elle met en exergue, la nécessité de mettre en place une meilleure équité fiscale entre les entreprises digitales et les commerces physiques.
TVA territorialisée pour favoriser une meilleure consommation locale
Autre proposition : une TVA territorialisée pour favoriser une meilleure consommation locale. Le collectif propose même « un taux de 30% pour les produits venant hors espace Schengen, 20% pour les produits européens, 15% pour le made in France et peut-être des taux à 5 et 10% pour les produits locaux, détaille Corinne Inesti, qui insiste sur un point : « Quand on change une loi, prenez la température auprès des TPE-PME », dit-elle à l’attention des parlementaires.
Sur le volet insertion-formation et emploi, l’idée est de créer un « cercle vertueux en favorisant l’insertion des jeunes par une offre de formation adaptée ». À ce titre, le collectif entend consolider la dynamique d’apprentissage sur les métiers de haute qualification et moins qualifiés, mais aussi développer l’enseignement à l’entrepreneuriat et au commerce dès le lycée en l’intégrant dans les matières de spécialisés.
L’ambition est aussi affichée de faire d’Aix-Marseille un « Territoire Grand Numérique », à l’instar de la Seine-Saint-Denis. Ce projet porté par un député vise à favoriser la mobilisation et la coordination des différents acteurs pour positionner le territoire comme un pôle d’excellence numérique, utiliser le numérique pour réduire les inégalités et casser la fracture territoriale.
Lever les freins à l’emploi grâce au logement
Etroitement liés à ces sujets, celui du logement qui peut constituer un frein important à l’emploi. « 30 à 40% du budget d’un ménage est consacré au logement. Et depuis le Covid, notre rapport au logement a changé, comme le rapport au travail. Le télétravail s’est imposé dans nos vies. Il est impératif de mettre dans nos politiques économiques le logement au coeur de nos priorités », martèle Julie Brescia Carcassonne, membre de la CCIAMP.
Pour lever les obstacles, le collectif soutient le fait de permettre aux primo-accédants de se loger, « principalement dans les zones de tensions immobilières fortes avec des prêts à taux zéro ou faire un effort supplémentaire sur la TVA ». Ils souhaiteraient également la location des logements privés vacants, en offrant aux propriétaires frileux « des clés de confiance en développant des garanties locataires gratuites ».
La réponse réside aussi pour le collectif dans le développement de résidences de coliving pour faciliter les potentiels recrutements de collaborateurs qui viennent d’ailleurs et souvent en période d’essai les premiers mois. Ces espaces mêlant à la fois habitations, espaces communs et services, à proximité des bassins d’emplois permettraient ainsi « à une population plus nomade de venir travailler sur notre territoire ».
L’ensemble de ses propositions a été adressé aux candidats. En seront-ils les ambassadeurs ?