La démission de Michèle Rubirola et sa succession promise au socialiste Benoît Payan soulèvent des réticences au sein de la base citoyenne et électorale du Printemps marseillais. Toutefois, les élus de la majorité affichent leur union, et se projettent sur les élections départementales à venir.
La fronde n’étonne pas vraiment. Elle fait suite à la démission de la maire de Marseille Michèle Rubirola et surtout à la très probable élection de son premier adjoint, le socialiste Benoît Payan, attendue lors du conseil municipal lundi 21 décembre. Face à cette annonce, des citoyens et militants de terrain liés de près, pour beaucoup, ou de loin à la création du Printemps marseillais lancent une pétition en ligne pour « faire vivre la démocratie ! » à Marseille. Parmi eux, le sociologue et militant Kévin Vacher, l’artiste Keny Arkana, le sociologue Michel Peraldi ou l’enseignant-chercheur Nicolas Maisetti.
Ils exigent d’abord que les citoyens aient leur mot à dire dans le choix du futur maire de la ville. Ensuite, la réelle prise en compte de leur voix dans la gouvernance. Pour eux, cette promesse du Printemps marseillais est remise en cause par les derniers événements. « La dynamique populaire n’aura pas lieu avec Benoît Payan pour maire. Le mettre à cette place, suite à la démission de Michèle Rubirola, c‘est un réflexe de politique institutionnelle et professionnelle », estime Pierre-Alain Cardonna, signataire de la tribune.
Ce membre de l’association Un centre-ville pour tous considère qu’au delà de la question du maire, la majorité municipale a accordé trop peu de place à la société civile dans la composition de son groupe, et aujourd’hui, dans les prises de décision. Le message est clair « car il n’y a pas trois pistes : soit ça change, soit ça ne change pas et la suite sera violente [politiquement, ndlr] ».
Face au sentiment que « la majorité s’enferme », ces citoyens entendent maintenir la pression pour « garder un pied dans la municipalité ». Ils seront mobilisés lors du conseil municipal de lundi pour le rappeler de vive voix à ceux qu’ils ont élus.
Tous unis derrière Payan
Communistes, insoumis, écologistes, Génération.s, « société civile », élus de secteurs ou de mairie centrale… Si beaucoup estiment que cette grande union de la gauche marseillaise a été permise grâce à l’effacement de Benoît Payan au profit de la figure plus consensuelle de Michèle Rubirola, les diverses forces politiques affichent aujourd’hui union et soutien derrière la candidature du premier adjoint au fauteuil de maire.
Face à la gronde qui s’exprime par pétition, sur les réseaux sociaux ou en interpelant directement les élus, « il faut répondre par un travail de pédagogie », lance Marie Batoux, ancienne membre du Collectif du 5 novembre – Noailles en colère, aujourd’hui adjointe à la Ville en charge de l’éducation populaire. « C’est notamment pour ça que nous répondons aux médias sur la question ».
En effet, chose inhabituelle, on donne suite à la majorité de nos nombreux coups de fil. « On est tous unis, c’est avant-tout un collectif », « C’est un projet d’équipe, peu importe le maire », « Benoît Payan est taillé pour ce poste », « il servira le programme du Printemps marseillais ». Le groupe vit bien nous dit-on, quelles que soient l’obédience politique ou les inimitiés du passé avec le potentiel futur maire.
« Je vois un collectif, pas des étiquettes », lance même Christian Bosq qui a quitté en novembre le groupe d’opposition de droite, Une volonté pour Marseille, pour rallier le camp de la majorité avec Sami Benfers. Très heureux dans sa nouvelle famille politique, il ne dirait pas non à une délégation, mais cela ne devrait pas conditionner son soutien à Benoît Payan qui, sauf surprise de taille, devrait être élu avec l’ensemble des voix de la majorité [soit 53, les 42 du Printemps marseillais, les 9 élus de Samia Ghali et les deux transfuges de l’équipe d’opposition, ndlr].
En effet, si de son côté Samia Ghali reste pour le moment très silencieuse, il parait à l’heure où nous écrivons ces lignes peu probable que l’actuelle 2e adjointe mette un coup d’arrêt à son aventure municipale avec le Printemps marseillais. « Elle et ses coéquipiers impriment une vraie dynamique. On travaille main dans la main sur les dossiers », assure le président du groupe du Printemps marseillais et adjoint aux finances, Joël Canicave. L’élue s’exprimera aujourd’hui.
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« On oubliera les lancements ratés, mais pas qu’on a marché sur la lune »
Les élus affichent une union sans faille, même si tous n’ont pas bondi de joie à l’annonce de la maire, et que certains conseillers écologistes ont évoqué la création d’un groupe indépendant. Cette cohésion de groupe peut surprendre certains observateurs, mais en six mois d’exercice, « on ne voit plus rien pareil aujourd’hui », explique Marie Batoux. « Malgré nos discours sur l’incurie [de l’ancienne municipalité, ndlr], on ne mesurait pas l’état catastrophique des finances de la ville. Notre regard a changé. Collectivement, on a évolué et avancé ».
Un cadre de l’équipe municipale reconnait plus une habileté politique de Benoît Payan que les raisons officielles.« Il y a six mois, on serait monté au créneau. Mais aujourd’hui on se rend compte que c’est pour le mieux ». Il oscille entre cynisme et pragmatisme politique. « Il faut reconnaitre que Benoît fera un très bon maire. Michèle sera plus efficace à la santé [délégation qu’elle a récupérée et devrait conserver]. Tout cela servira l’efficacité et l’action du Printemps marseillais. Dans six ans, personne ne se souviendra de cet épisode. Comme pour l’aventure spatiale, on oubliera les lancements ratés, mais pas qu’on a marché sur la lune ».
Rassemblés et conquérants pour les départementales : « un enjeu majeur »
Si la gauche marseillaise se doit d’être unie, c’est aussi que d’autres échéances électorales approchent. Les élections départementales et régionales devraient se dérouler en juin 2021. Les deux collectivités sont tenues par la droite, et après le rendez-vous manqué de l’élection métropolitaine (remportée par Martine Vassal [LR], également présidente du Département), le Printemps marseillais a du mal à mettre en œuvre tout son programme avec les compétences limitées de la Ville.
« On a besoin de faire sauter le Conseil départemental pour déverrouiller la Métropole et le Conseil de territoire de Marseille (organe territorial de la Métropole) », explique cet élu de la majorité municipale. « Ils sont tous tenus par les subventions du Département allouées aux communes. On veut le faire trembler pour faire bouger la municipalité. C’est le plan général qu’on s’est tous fixés ».
« Le Département est un enjeu majeur », confirme Marie Batoux. « Pour le remporter, on doit poursuivre le travail à la Ville, rassemblés et efficaces, pour faire comprendre aux électeurs que l’on incarne le renouveau ».