Une nouvelle École de la 2e Chance ouvre ses portes dans le sud de la ville, alors que la première du type en France fêtait ses 20 ans l’année dernière. Elles offrent un processus d’insertion original et efficace pour les jeunes déscolarisés. Ils sont entre 18 000 et 20 000 à Marseille.

Visage candide, et le regard malicieux, Assia, est une petite boule d’énergie de près de 18 ans. « J’avais 15 ans quand j’ai quitté l’école », nous confie la jeune fille vivant à la cité Frais Vallon (13e). Au-delà des déboires familiaux et judiciaires, elle semble surtout avoir eu du mal à contenir, assise chaque jour sur les bancs de l’école, une énergie et un tempérament incompatibles avec l’Éducation nationale classique.

🔎 Zoom sur la déscolarisation
• En France, 90 000 jeunes se déscolarisent chaque année
•  À Marseille, 4 000 jeunes sortent du système scolaire tous les ans. À l’heure actuelle, ils sont entre 18 000 et 20 000 dans la ville selon Louis Aloccio.

 

« Ce n’est pas comme si j’étais restée inactive. J’ai enchaîné les stages, les expériences, j’étais aussi éducatrice dans un club de foot », plaide celle qui est également devenue ceinture noire de taekwondo. « Ici, je me sens bien. Diane, ma formatrice, je l’aime d’amour ! Il fallait que je rattrape les lacunes en français et en math. Ce sont des bases trop importantes ».

Assia fait partie des premières promotions de la nouvelle École de la 2e Chance, fraîchement ouverte Boulevard Romain Rolland (13009) à Marseille. Elle sera inaugurée en grande pompe ce vendredi 27 septembre.

, Une nouvelle École de la 2e Chance dans les quartiers sud, Made in Marseille
Assia, déscolarisée, a trouvé un nouvel élan à l’École de la 2e Chance

Pas de note, mais des ceintures : « on ne mesure que la progression »

Alors qu’elle cherchait à reprendre le contrôle de son avenir, la jeune fille, sortie du système scolaire, s’est retrouvée démunie. « En faisant des recherches au centre social, on m’a parlé de l’École de la 2e chance, et me voilà ».

Pourtant, n’allez pas appeler Assia une « élève » ou une « étudiante », même si elle repartira avec une attestation de compétences acquises, reconnue au code de l’éducation. « elle est « stagiaire » », nous reprend la directrice du nouvel établissement, Sabine Chiavassa. À ce titre, ils sont rémunérés par la Région à hauteur d’environ 300 € par mois.

Assia est arrivée avec un projet en tête : « la vente en prêt-à-porter. J’ai bien l’intention de créer ma marque de vêtements ». Un projet qu’elle a défini dès son arrivée, comme tous les autres stagiaires. « Ici, elle n’a de comptes à rendre qu’à elle-même », précise Sabine Chiavassa.

, Une nouvelle École de la 2e Chance dans les quartiers sud, Made in Marseille
Sabine Chiavassa fait le point avec Assia

Après avoir fait un point sur ses fondamentaux dans certaines matières, ainsi qu’en termes de savoir-faire et de comportement, le stagiaire évalue son niveau par un système inspiré des ceintures en arts martiaux. « On s’affranchit du système de notation « sanction » qui n’a pas fonctionné avec eux », explique la directrice du nouvel établissement. « On ne mesure que la progression », poursuit Louis Aloccio, président de l’École de la 2e Chance Marseille « c’est la pédagogie du succès, ils ne sont jamais en position d’échec ».

💡 Eclairage
• La nouvelle École de la 2e Chance suit déjà 250 stagiaires, et en attend 400 environ sur l’année
• Les recrutements se font tout au long de l’année, tous les 15 jours
• 1/3 des stagiaires font une remise à niveau pour reprendre une formation
• La première École de la 2e Chance a été créée à Marseille il y a 20 ans. Aujourd’hui, on en compte 50 réparties sur 130 sites en France

« des passeports pour l’emploi »

Une pédagogie qui semble porter ses fruits puisque l’école rencontre un taux de réussite de 60 % avec un public qui arrive souvent en situation de grande difficulté. Une école qui porte bien son nom : « Un tiers d’entre eux reprend une formation dans un cursus classique, les autres trouvent un emploi. Certains, même, créent leur boîte », énonce fièrement Sabine Chiavassa.

Ces résultats sont obtenus en un temps très court : les stagiaires passent six mois en moyenne dans cette école à la pédagogie peu commune. « On évacue de la formation tout ce qui ne sert pas l’insertion rapide », explique Louis Aloccio « pour se concentrer sur les véritables freins au travail : le logement, la santé (chaque arrivant passe un bilan santé, ndlr), les finances, la situation familiale, la confiance en soi ».

, Une nouvelle École de la 2e Chance dans les quartiers sud, Made in Marseille
De gauche à droite ; Élodie Hubert-Fraissinet (en charge des partenariats), Louis Aloccio (président) et Sabine Chiavassa (responsable du site de Romain Rolland)

Les avoir-faire et savoir-être sont préférés au savoir. Pour ce qui est des enseignements généraux, ils sont dispensés de manière peu académique. « Par exemple, on enseigne les maths à partir de constructions créatives en carton », raconte le président de l’École. « Et puis on les ouvre au monde, celui qu’il ne connaissent peut-être pas : on les emmène au musée, dans les calanques, à l’opéra, au vélodrome…»

Pour le reste, les stages, « véritables passeports pour l’emploi », représentent un tiers du temps de formation. L’École de la 2e Chance est une véritable passerelle vers l’écosystème économique local. Grâce à un solide réseau et des accords avec de nombreuses filières du territoire, elle met à disposition des milliers d’offres dans des secteurs variés. Des grandes aux petites boîtes, de la restauration aux services à la personne, pour que « chaque stagiaire s’essaie à une voie qui lui corresponde », ajoute Louis Aloccio.

, Une nouvelle École de la 2e Chance dans les quartiers sud, Made in Marseille
Louis Aloccio présente le tableau des offres de stages, à l’entrée de l’école

Un ancrage dans l’écosystème économique du territoire

« Ces entrepreneurs jouent le jeu », poursuit le président, sur ce qu’il considère comme un enjeu sociétal majeur. « Il faut changer les méthodes de recrutement, l’appréciation de la performance d’un individu. Aujourd’hui, on ne se concentre que sur le diplôme, donc le savoir. Il faut regarder le talent, les aptitudes, les compétences réelles ».

Si cet ancrage dans l’écosystème économique local justifiait l’ouverture de cette nouvelle École de la 2e Chance au sud de la ville, « c’est surtout les résultats qu’on obtient depuis 20 ans qui justifient d’en ouvrir une seconde », conclut le président.

💰  Qui paie quoi ? 
• La ville (20 %) et le Département des Bouches-du-Rhône (80 %) ont financé la nouvelle école
• L’État, l’Europe et la Région financent les frais de fonctionnement, ainsi que les entreprises via la taxe d’apprentissage

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