Pour ce cinquième épisode de notre dossier du mois sur la ville de demain, nous nous penchons sur le thème de la sécurité et du big data. À travers la collecte d’informations en masse, certains estiment qu’il serait possible de prévenir les délits. D’autres s’inquiètent de ces nouvelles pratiques.
Il y a un peu moins d’un an, fin mai 2018, la ville de Marseille dévoilait son « Big Data de la tranquillité publique ». Un outil unique en France d’analyse et de prévention de la délinquance. Il prend la forme d’un centre de contrôle où sont réunies toutes les données publiques disponibles. Des informations collectées par la police municipale au cours des 10 dernières années, la programmation événementielle en cours, les rapports des marins-pompiers, mais aussi les informations de la RTM ou encore des opérateurs téléphoniques y sont agglomérés.
Collecter des informations pour anticiper des comportements
L’algorithme calcule le risque pour la sécurité publique et évalue celui-ci sur une échelle de 0 à 10, les données sont rapportées sur un calendrier. La municipalité assurait dans la presse au moment de l’inauguration que les données personnelles restaient protégées. « Le principe du big data est de collecter des données en quantité suffisante et en déduire des comportements », nous explique Omar Boucelma, chercheur à l’université Aix-Marseille sur les questions de big data.
Il enchaîne : « Il existe des systèmes qui permettent de cartographier les zones à risques et les corréler avec des événements comme une rencontre sportive par exemple. Cela peut permettre de prendre des prédispositions et prévenir des risques ». Le chercheur concède toutefois que ces dispositifs sont relativement récents et qu’il n’y a pas encore le recul nécessaire pour analyser leur efficacité.
Des dérives possibles
Sébastien Gadal est également chercheur à l’université Aix-Marseille sur le thème du big data. « En matière de sécurité, l’utilisation du big data est un bon outil de compréhension et de lutte dans un premier temps. Mais, il faut se dire que les délinquants sauront également s’adapter rapidement à ces nouveaux outils », explique-t-il. Le chercheur poursuit : « Aujourd’hui, nous sommes en démocratie. Mais si un régime dictatorial se mettait en place, la situation serait toute autre. La question des collectes de données dépend toujours de l’utilisation qui en est faite ».
En Chine, les collectes de données ont atteint des proportions exceptionnelles. Chaque citoyen fait l’objet d’une notation. Les « bons citoyens » ont accès à des services, au droit d’envoyer ses enfants dans une bonne école ou encore à postuler à certains emplois. Plus proche de chez nous, en Lituanie, la police détient un dossier sur chaque personne. De nombreuses informations personnelles y sont répertoriées. « C’est assez déstabilisant de voir que toutes ces informations sont détenues par les autorités », nous explique Sébastien Gadal qui connaît bien le pays. D’après le chercheur, ces collectes d’informations sont plutôt bien acceptées dans les pays baltes ou scandinaves. Les populations y verraient un action positive de l’Etat dans le but de leur protection. D’autres pays comme la Russie, la Chine ou encore Dubaï se serviraient de ces informations dans une optique plus répressive.
De la reconnaissance faciale aux drones
En février dernier, au moment de son célèbre carnaval, la ville de Nice a testé un système de reconnaissance faciale sur des personnes volontaires. Un dispositif que la municipalité loue pour son efficacité et que les détracteurs assimilent à « big brother » ou « Minority Report ». « Il est évident que si on met en place un système généralisé de reconnaissance faciale, la question de la liberté individuelle se pose », estime Omar Boucelma. Cela soulève également la question de la liberté de circulation ou encore de l’anonymat dans l’espace public.
La reconnaissance faciale est expérimentée pour renforcer la sécurité pendant le carnaval de Nice. Cela inquiète certaines associations, notamment sur l’utilisation des données personnelles… pic.twitter.com/65Bnte4gfQ
— Brut FR (@brutofficiel) 28 février 2019
Outre ces dispositifs déjà connus du grand public, les drones de surveillance pourraient aussi faire leur arrivée. Les caméras de « vidéo-protection » ou « vidéo-surveillance », selon le point de chacun, se sont fait une place dans l’espace public. Elles pourraient être rejointes par des sœurs mobiles. « Dans les dix prochaines années, il pourrait y avoir des ballons ou des drones qui survoleront les rues et fourniront des informations en temps réel au centre de supervision. C’est un secteur dans lequel beaucoup d’argent est investi, même en France », prévient Sébastien Gadal.
Les dossiers du mois
Une semaine par mois, made in marseille explore une thématique de la ville. Un article par jour pour aborder les différents aspects d’une grande problématique.
Ce mois-ci : la ville de demain
En février : la culture urbaine
En janvier : les quartiers Nord