Il y a tout juste 10 ans, le tramway faisait son grand retour dans le centre-ville de Marseille, après plus de 50 années de disparition, hormis la ligne 68 qui a survécu jusqu’en 2004. Si les projets d’extension vers le Nord ou le Sud de la ville sont aujourd’hui d’actualité, il était une époque où le tramway était littéralement partout, dans tous les quartiers de Marseille et même dans les communes alentours comme Aubagne, Allauch ou Aix en Provence.
Il faut savoir qu’avant l’arrivée du tramway à Marseille en 1876, les transports en commun existaient déjà dans la ville. Dès 1840, en effet, divers entrepreneurs ont proposé leur service d’omnibus urbain, à savoir des véhicules tractés par des chevaux, pour amener les habitants en ville. Si bien que dès le milieu du 19e siècle, 25 sociétés exploitaient 69 liaisons à l’aide de 80 voitures, 500 chevaux et 400 employés, sans vraiment de règles de gestion.
Peu à peu, le réseau d’omnibus du centre-ville est géré par une compagnie, laissant aux entrepreneurs privés le soin d’assurer les lignes périphériques. En parallèle, un projet de tramway est en discussion. En raison des problèmes logistiques des rails en ville et des émanations de vapeur, l’idée de chemin de fer urbain est abandonné. C’est un autre projet, dit « chemin de fer américain », qui est finalement choisi en 1873, à savoir un système de voitures à traction hippomobile guidées par des rails « à gorge » enchâssés dans le pavage. Un dispositif qui avait déjà fait ses preuves aux États-Unis depuis 1852 et qui a été inventé par un Français !
Les débuts du tramway marseillais
Après divers travaux, le tramway est inauguré le 21 janvier 1876 avec la ligne Chartreux-Joliette, qui sera prolongée dès le mois de mars suivant jusqu’à Arenc. Huit lignes sont peu à peu ouvertes qui resteront à peu près les mêmes de 1878 jusqu’à 1890 :
- Chartreux – Abattoir
- Longchamp – Joliette
- Place Neuve (actuelle place Gabriel Péri) – Abattoir par boulevard National
- Belsunce – Bonneveine (plage Prado-sud)
- Place de Rome (actuelle place Félix Baret) – Catalans
- Capucines – Castellane
- Castellane – la Mer (David)
- Place de Rome (actuelle place Félix Baret) – Bonneveine par Corniche
Quand aux omnibus, ceux du centre-ville sont directement concurrencés par le tramway et ne survivront pas plus de trois ans après sa mise en service. Seuls subsisteront, dans un premier temps, les omnibus assurant la desserte de la périphérie de Marseille, là où le tramway de la Compagnie générale française des tramways (CGFT) n’est pas encore développé.
Le renouveau du tramway grâce à l’électricité
Dès mai 1892, on assiste aux prémisses de l’électrification du tramway marseillais. Des automotrices électriques avaient en effet été mises en service sur la ligne Belsunce-Saint-Louis, alimentées par une centrale située au Lazaret d’Arenc. Un réel succès qui motiva la CGFT a passer tout le réseau à l’électrique. Pour cela, une autre centrale est construire à Saint-Giniez et les écuries et chevaux sont vendus. L’ère électrique commence alors en 1899.
Les conventions signées avec la mairie fixèrent quelques règles quant à l’électrification du réseau de tramway : électrifier les lignes existantes et en construire de nouvelles, notamment en périphérie vers Saint-Antoine ou Plan-de-Cuques, l’obligation de faire rouler les tramways à droite, prévoir des arrêts à emplacements fixes et définir trois zones de tarification concentriques (centre-ville, proche périphérie, banlieues lointaines).
Dès le début des années 1900, on compte ainsi 37 lignes de tramway desservant tout le centre-ville et la périphérie proche. Progressivement, le tramway s’étend et les compagnies d’omnibus encore en activité disparaissent. Dès 1906, un avenant est signé pour créer des lignes extra-urbaine comme celles entre la Croix-Rouge et Allauch ou Plan-de-Cuques et la Bourdonnière. À partir de 1914, le réseau comptait ainsi une centaine de lignes en service, totalisant 167 kilomètres. La Canebière était desservie par 27 lignes, à raison d’une voiture toutes les 10 secondes !
Le tramway jusqu’à Aubagne et même Aix
Outre Allauch et Plan-de-Cuques, le tramway marseillais ne s’est pas limité à desservir les communes situées aux frontières marseillaises. Dès 1903 et 1905, il a ainsi rallié respectivement Aix-en-Provence et Aubagne, avec un prolongement jusqu’à Cassis ! D’autres projets plus ambitieux proposaient même de rejoindre La Ciotat, Marignane ou encore Saint-Zacharie (Var) mais n’ont jamais été concrétisés.
La ligne d’Aix reliait ainsi le passage à niveau de Saint-Antoine (15e) à la place Forbin, en haut du cours Mirabeau. Quant à la ligne aubagnaise, une première voie rejoignait la place Saint-Ferréol (1er) au cours Legrand (actuel cours Maréchal-Foch) à Aubagne en passant par Saint-Marcel, et une deuxième la gare de Noailles au même terminus aubagnais.
La fin du premier réseau marseillais
Dès le début des années 1930, alors que la fréquentation des tramways atteint 169 millions de voyageurs par an, un record à l’époque, des idées de les remplacer par des autobus ou des trolleybus émanent, notamment en raison du développement de l’automobile. La Deuxième Guerre mondiale puis l’occupation ont toutefois mis entre parenthèse les éventuels projets.
À la sortie de la guerre et de ses bombardements, le réseau du tramway est en mauvais état. Gaston Defferre, président de la Délégation municipale provisoire, remet sur la table l’idée d’abandonner « le système désuet des tramways » au profit des trolleybus puis des autobus. Un projet qui sera progressivement réalisé sous sa municipalité à partir des années 1950. Une seule ligne survivra jusqu’en 1964 : la n°68. Pour quelles raisons ?
Il faut savoir que la ligne 68 a été, à sa création en 1893, le premier tramway souterrain français. Il reliait en effet la gare de Noailles à la Blancarde et Saint-Pierre via un tunnel percé exprès sous la plaine Saint-Michel. Au début des années 1900, la ligne a même été prolongée jusqu’aux Camoins et Aubagne mais ces extensions avaient finalement disparues pour ne laisser que son itinéraire initial. Ce dernier a survécu car, grâce à sa portion en tunnel, les quartiers Blancarde et Saint-Pierre étaient reliés rapidement au centre-ville.
Le 68 a donc été rénové dans les années 1960 et son terminus déplacé de quelques mètres lors de la réalisation du métro pour assurer une correspondance avec la ligne 2. Le 8 janvier 2004, cette toute dernière ligne du premier réseau de tramway marseillais est finalement fermée afin de réaliser les travaux du futur réseau entièrement nouveau. Des travaux conséquents qui ne pouvaient être faits avec le maintien en activité de la ligne 68.
Le renouveau depuis 2007
Dès la fermeture de la ligne 68, les travaux préparatoires au nouveau réseau de tramway débutent. Cela aboutit d’abord à l’ouverture en 2007 des lignes 1 et 2 aux trajets respectifs entre Les Caillols et Noailles et La Blancarde et Euroméditerranée Gantès. Le terminus de la ligne 2 recule d’un arrêt vers le nord puisqu’il va, depuis 2010, jusqu’au Silo à Arenc. En 2015, une portion est créée entre Belsunce et Castellane : c’est la ligne 3 dont le reste de l’itinéraire emprunte celui de la ligne 2 jusqu’au terminus du Silo.
Divers projets d’extension du tramway marseillais sont actuellement en cours d’étude :
- De la rue de Rome à la place du Quatre Septembre, proche de la plage des Catalans
- Depuis Castellane vers le sud, d’abord jusqu’à Saint-Marguerite puis ensuite jusqu’à La Rouvière dans un second temps,
- D’Arenc Le Silo vers le nord, d’abord jusqu’à la station de métro Capitaine Gèze puis vers le lycée Saint-Exupéry par la suite.
Pour en savoir plus sur l’extension du tramway
Par Agathe Perrier
Merci pour ce dossier patrimonial : il est utile de rappeler l’importance de ce réseau, mais il aurait été utile de signaler l’absence de prospective des élus de l’époque (j’ai souvent cherché à savoir si Jean-Claude Gaudin, jeune conseiller municipal alors, avait participé aux délibérations de suppression, mais je ne me suis pas amusé à chercher dans les actes municipaux)Il suffisait de regarder du côté des économies parallèles comme la Suisse et l’Allemagne pour s’apercevoir que la tram et la voiture pouvaient coexister, la référence aux pays de l’est étant évidemment difficile !
Les intercommunalités n’existaient pas mais les lignes pour Aix et pour Aubagne n’avaient pas posé de problèmes ! Je n’ai pas connu la ligne d’Aix, par contre celle d’Aubagne a été supprimée dans les années 60 et les rails sont restés longtemps en place. Quant la ligne de la Corniche, quel formidable outil touristique, elle aurait pu être !
Il est toujours difficile de revenir en arrière…si on le fait, les coûts en sont nettement différents. Il y a là une responsabilité politique considérable que probablement Marseille n’a pas fini de payer…
Deferre toujours Deferre, qu’est-ce qu’il a pu faire comme conneries lui.
Deferre avec un tel nom, le reseau de tramways etait condamne…mais quel gachis et c’est a l’echelle de la france…
…
C’est un peu lamentable de constater le manque de vision de nos politiques qui sont l cause de frais que l’on aurait pu éviter tout en améliorant la vie des citoyens pour se déplacer.
il est bien certain que la suppression du réseau de tramways fut une erreur monumentale, d’autan plus que le « nouveau » tracé n’est pas des plus cohérents!
j’aimerais trouver, retrouver? la nomenclature de réseau tel que je l’ai connu dans les années 40 -50, Numéros des lignes, parcours, -tout au moins têtes de lignes (terminus), ….
Bien cordialement
HV