Si aux siècles précédents, l’agriculture se cantonnait aux campagnes, elle s’installe depuis quelques années de plus en plus au cœur des villes. Les municipalités et acteurs privés ne manquent d’ailleurs pas d’idées pour la développer et permettre aux habitants de manger des produits sains et conçus de façon très locale.
L’agriculture prend des formes plus atypiques que dans le passé aujourd’hui dans les villes, faute de place. Elle se développe ainsi sur les toits des bâtiments ou par la construction de tours verticales, véritables fermes à étage et en hauteur.
L’explosion des fermes verticales
La ville modèle en termes de fermes verticales se trouve en Asie du Sud-Est. Singapour compte en effet une centaine de constructions de ce type appelées « Go Grows ». Elles ont été créées pour répondre à l’explosion de la demande alimentaire dans cet État qui compte 75 millions d’habitants sur 715 km² de territoire. Pour comparaison, on dénombre 66 millions d’habitants en France sur une superficie de plus de 643 000 km² !
Dans les fermes urbaines de Singapour, la culture repose sur le principe de l’hydroponie, autrement dit la culture hors-sol. Les racines des plantes reposent dans un milieu reconstitué détaché du sol et sont nourries en eau et en lumière. Cette méthode présente de nombreux avantages comme une croissance des végétaux plus rapide, une consommation en eau inférieure ou encore la possibilité de cultiver différentes plantes au même endroit. Mais puisque les végétaux ne se nourrissent qu’à partir de l’eau qu’on leur apporte, l’hydroponie nécessite des compétences particulières afin d’apporter aux plantes tous les nutriments dont elles ont besoin pour leur développement.
Une tour maraîchère bientôt en France
La France aussi va bientôt disposer d’une ferme verticale. Ou plutôt d’une « tour maraîchère ». Et c’est à quelques kilomètres de Paris, dans la commune de Romainville (Seine-Saint-Denis) ancien jardin vivrier de la capitale, qu’elle va être installée. Le bâtiment d’une hauteur maximale de 24 mètres proposera plus de 1 000 m² de surfaces exploitables et comprendra une activité maraîchère, une champignonnière, un laboratoire pour la germination des graines, une serre pédagogique, un point de vente et, en extérieur, des petits vergers et un poulailler. Là aussi, la culture hors-sol a été préférée. L’activité maraîchère se fera en bacs de culture sur un substrat issu à 100% de produits résiduaires organiques.
Cette tour, qui devrait être livrée pour l’année 2019, nécessite 4,6 millions d’euros d’investissement qui seront financés via une fondation créée par la municipalité de Romainville. En plus de créer des opportunités de partage et de rencontres pour les habitants autour d’un projet commun, elle est désignée par la Mairie de la ville comme « une réponse écologique grâce à des installations performantes en terme environnemental et une réponse économique à travers la création d’emplois diversifiés ».
Le développement de l’agriculture sur toiture
L’agriculture ultra urbaine ne nécessite pas toujours la construction de nouveaux bâtiments. Au contraire, elle peut se faire rien qu’en exploitant le foncier déjà existant. En témoigne un exemple canadien puisque, à Montréal, deux serres reposant elles aussi sur la culture hydroponique ont vu le jour sur les toits de la ville. Une trentaine de variétés de légumes y poussent et sont ensuite vendues aux habitants via un site internet où chacun se compose son propre panier auquel peuvent s’ajouter des produits locaux, artisanaux et saisonniers.
Ces fermes sur toiture ont un objectif environnemental et économique en diminuant les intermédiaires et le transport pour acheminer les produits. Mais le but est aussi de recréer ce rapport de proximité entre les consommateurs et les végétaux qu’ils consomment afin de les rééduquer sur les bienfaits de consommer local.
Un phénomène qui s’étend à Marseille
Après les ruches sur les toits des grands hôtels de Marseille, certains bâtiments de la ville vont bientôt servir de lieux d’agriculture urbaine. Julien Girardon a en effet créé « Abricotoit » avec comme objectif d’utiliser les toits marseillais pour y installer des potagers. Et tous n’auront pas la même vocation.
« L’avantage de l’agriculture urbaine sur les toits est que l’on peut mettre en avant une solution différente en fonction des besoins. Dans certains cas le potager aura pour but de fournir aux habitants d’un immeuble des produits qu’ils ne peuvent pas se permettre d’acheter dans le commerce ou à un restaurateur de se fournir en produits à un prix inférieur », explique Julien Girardon, Directeur Général d’Abricotoit.
À la différence des serres grande échelle canadienne, l’entrepreneur marseillais a conçu son projet pour créer du lien et de l’échange entre les gens. C’est pourquoi les productions ne seront pas vendues dans un point de vente ou sur internet mais reviendront entièrement aux utilisateurs des potagers. Il a également fait le choix d’une culture en terre et non de l’hydroponie, convaincu que la sensibilisation des consommateurs sur le manger local sera plus efficace grâce à la terre.
Et la pollution dans tout cela ?
Si l’agriculture sur les toits à des avantages écologies et économiques, la question de la qualité des différents produits peut faire émerger des doutes, notamment à Marseille en raison du fort taux de pollution de la ville. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les espaces toitures sont les plus sains aujourd’hui en ville.
« Des analyses ont été effectuées à Berlin sur les espaces toitures et les résultats montrent qu’il y a une décroissance de la pollution au fur et à mesure que l’on monte les étages. En ville, les principaux polluants proviennent des émanations des pots d’échappement des véhicules et ceux-là restent au sol ou ne dépassent pas les deux ou trois étages », met en avant Julien Girardon.
L’agriculture ultra urbaine n’est toutefois pas la seule à se développer à Marseille. Certaines terres de la périphérie du centre-ville qui autrefois avaient une vocation agricole retrouvent leur usage d’antan. En témoigne quelques parcelles du quartier de Sainte-Marthe (14ème arrondissement) cultivées de nouveau depuis un peu plus d’un an par un collectif marseillais. Retrouvez notre reportage sur ce sujet en cliquant ici.
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Par Agathe Perrier