Le maire de Marseille, Benoît Payan, a réuni tous les partenaires du territoire accompagnant la candidature de la cité phocéenne pour l’obtention du label européen « 100 villes neutres en carbone en 2030 ». Tous sont convaincus que la deuxième ville de France peut surprendre en étant lauréate.
À la fin du mois, la Ville de Marseille devrait être fixée. Obtiendra-t-elle le label européen « 100 villes neutres en carbone en 2030 » ? Si tel était le cas « ce serait une preuve d’audace » de la part de l’Union européenne. « Ce serait même rock and roll » et « finalement très marseillais », sourit le maire de Marseille, convaincu que sa ville dispose de ressources nécessaires pour relever le défi de la transition écologique.
C’est un sujet sur lequel Made in Marseille est revenu à plusieurs reprises, retraçant dans différents articles les enjeux de cette candidature audacieuse portée par plus de 70 soutiens (institutions, grands groupes, associations, centre de recherche…). Pour la première fois, à quelques jours de la date fatidique, Benoît Payan a réuni, mardi 12 avril, à l’espace Bargemon, les acteurs clés de ce dossier, déposé en début d’année, et autour duquel s’est créée une véritable dynamique collective pour « faire de Marseille une ville plus verte et plus juste », déclare Benoît Payan.
« L’écologie pour être réelle doit être résolument sociale »
En tête des villes les plus polluées de France et avec des inégalités sociales qui font rage, le défi est colossal pour la cité phocéenne qui a accumulé les retards au fil des années. Pour l’édile de la deuxième ville de France, né à l’ère industrielle, « l’écologie pour être réelle doit être résolument sociale ». C’est la ligne directrice de ce projet.
Avec 100 milliards d’euros à la clé, pour les 100 villes sélectionnées parmi lesquelles 17 françaises, cette candidature sonne comme une opportunité pour impulser un changement de paradigme. La cité phocéenne compte un millier de logements identifiés comme « passoires thermiques ». « Imaginez l’impact social et économique, de logements mieux isolés, mieux chauffés, mieux orientés, pour les habitants les plus pauvres », envisage le maire.
C’est, entre autres, l’objectif visé dans les quartiers prioritaires de la ville dans le cadre du vaste plan de rénovation urbaine (60 % remis à neuf en 2028 / 2,7 milliards d’euros). Même ambition pour les écoles qui bénéficient depuis quelques semaines des crédits nécessaires pour leur rénovation/reconstruction, grâce à l’État. Le bâti scolaire, comme municipal, devrait être doté d’une couverture photovoltaïque.
Une ville productrice d’énergie verte
Le maire de Marseille est clair : il « ne veut pas d’une écologie qui se contente de petits pas, mais qui chausse les bottes de sept lieux pour enjamber les épreuves que nous devons relever ». Devant un parterre d’acteurs économiques, associatifs, institutionnels et les instances portuaires, Benoît Payan évoque ainsi la création de la zone décarbonée en Méditerranée (Eca) et depuis la mare nostrum la construction déjà effective du circuit de refroidissement souterrain pour diminuer les besoins de climatisation, à savoir Thassalia.
La production d’énergie renouvelable in situ reste un levier d’action majeur. La municipalité prévoit de créer une société d’économie mixte (SEM) pour permettre à la ville d’être productrice d’énergie verte. Parmi les projets qui figurent sur la liste remise à la mission européenne, celui du marché d’intérêt national (MIN) des Arnavaux qui ambitionne de devenir la plus grande centrale photovoltaïque de France.
Sans oublier la création d’alternatives pour que les Marseillais puissent se déplacer à pied, à vélo, en transports collectifs, « dans une ville qui a trop longtemps été construite et pensée à la seule destination des voitures ». La Ville compte sur la Métropole, compétente en matière de mobilité, « pour sortir du règne absolu de la voiture individuelle ».
La réussite de la mise en œuvre de la zone à faibles émissions (ZFE) en septembre 2022 sera la démonstration que la collectivité et l’établissement de coopération intercommunale empruntent ensemble le chemin de la décarbonation.
Mobiliser pour changer de mode de vie
Jean-Yves Sayag, vice-président du conseil de territoire Marseille-Provence a d’ailleurs réitéré le soutien de la Métropole, « pleinement engagée dans le développement de la mobilité », dans le cadre de cette candidature.
La Ville peut également compter sur Aix-Marseille Université (Amu), qui a fait de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) et du développement durable l’une de ses priorités. Elle mettra à profit de ce projet « toute la richesse des expertises du conseil scientifique pour préparer le monde de demain », souligne Éric Berton, président d’Amu.
Par ailleurs, pour lui, les sciences économiques et sociales restent un « axe fort pour changer de comportement ». Car c’est surtout par l’enjeu pour réussir la transition écologique. Mobiliser pour changer de mode de vie. « Pour que l’écologie profite à tous, elle doit être inclusive, démocratique et participative. Elle doit partir des besoins réels des habitants de Marseille », insiste le maire.
« Plus le citoyen sera impliqué, plus il acceptera le changement »
Nathalie Chaudron, directrice de France Nature Environnement Paca, qui fédère près de 30 000 associations dans la région, en est d’ailleurs convaincue. « Il faut impliquer les citoyens pour ne pas bloquer les projets en amont. Plus le citoyen sera impliqué, plus il acceptera le changement », souligne-t-elle, optimiste sur la capacité de Marseille à rattraper son retard.
Avec la mise en place d’ateliers et d’outils, France Nature Environnement est une interface pour la mise en réseau entre les citoyens et différents partenaires, « pour nourrir cette politique du changement ». Pour impulser une modification des comportements, le monde économique joue également un rôle fondamental.
Des petites pépites de la tech aux grands groupes « qui peuvent être démonstrateurs », la chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence, qui représente quelque 135 000 entreprises du territoire, « croit » aussi dans cette candidature, assure Delphine de France, vice-présidente de « Business et innovation ». La chambre consulaire sera aux côtés de Marseille « pour aller mobiliser des fonds européens ».
Atteindre la neutralité carbone
En la matière, la championne pour décrocher les crédits européens reste la Région Sud, qui s’est imposée comme un partenaire clé. Avec sa Cop d’avance, depuis deux mandats, l’instance a mis en œuvre un verdissement de ses politiques publiques. Le plan climat revoté en 2021 consacre 40 % du budget régional, soit 630 millions d’euros à différentes mesures pour atteindre la neutralité carbone.
L’exécutif régional veut, par exemple, favoriser le transport des marchandises et la livraison du dernier kilomètre par des moyens décarbonés, ou encore déployer de nouvelles solutions de mobilité en zone peu dense de type covoiture, autopartage, transports à la demande et vélo. Sur le volet transport maritime, « Escale Zéro fumée » est à l’œuvre, avec 30 millions d’euros pour, entre autres, poursuivre l’électrification des quais des trois ports (Marseille, Nice, Toulon) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur à l’horizon 2025.
Grâce à une opération d’intérêt régional, elle entend « anticiper sur les nouveaux métiers et des filières de demain avec une vision de long terme, et permettre de faire le trait d’union entre les différents acteurs », souligne Anne Claudius-Petit, présidente de la commission « transition énergétique, stratégie des déchets, qualité de l’air ».
Faire de Marseille une ville pilote
La Ville est désormais suspendue à la décision des instances européennes. Indépendamment du résultat, la dynamique autour de cette candidature démontre une volonté commune et une « collaboration historique », dit même le maire, de faire passer la ville dans une nouvelle ère. « Ce n’est pas une graine dans un sillon qu’on a tracé, je souhaite que ce soit durable », indique le maire, qui rêve toutefois de « faire mentir l’Histoire » de lui donner, pour paraphraser Winston Churchill, « un coup d’épaule » nécessaire pour être au rendez-vous de l’Histoire.
« Pour les Marseillais(es), pour notre patrimoine naturel, pour notre cadre de vie ». Après la décision, la Ville aura jusqu’à l’automne pour détailler sa feuille de route. Au-delà des fonds européens, elle pourra profiter d’un accompagnement pas des experts. Fabien Pérez, conseiller municipal, délégué aux fonds européens, confiant car la candidature marseillaise apparaît « solide ». Avec ses grands chantiers de transition écologique et énergétique, la cité phocéenne semble s’imposer comme une ville pilote, source d’inspiration pour l’ensemble du territoire européen. Marseille n’a-t-elle pas souvent fait office de laboratoire ?