Renaud Muselier, président LR sortant de la région Provence-Alpes Côte d’Azur et candidat à sa réélection défend son bilan, revient sur les attaques de ses concurrents et livre quelques axes forts de sa feuille de route pour la prochaine mandature.
À moins de deux semaines du premier tour des élections régionales, le 20 juin, Renaud Muselier est très concentré. Comme ses concurrents, il parcourt la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour dresser son bilan, rétablir les vérités et proposer sa vision pour les six ans à venir. Convaincre et tenter de refaire son retard face à celui que tous les sondages désignent comme son seul rival : Thierry Mariani.
Comme en 2015, son adversaire N°1 : Le Rassemblement national, aujourd’hui représenté par l’ex-UMP Thierry Mariani. Depuis le lancement de la campagne, la tension monte entre les deux anciens partenaires du RPR et de l’UMP. Le président LR sortant de la « région Sud », comme il aime l’appeler, revendique toujours son esprit de liberté, d’indépendance et son appartenance aux Républicains, « sa colonne vertébrale ».
Dans le match, Renaud Muselier s’est fixé un cap et une feuille de route qui le place au centre sa « région d’abord », dont il veut rester le capitaine après la tempête, très loin de l’appel des Ministères : « je veux être le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, dévoué corps et âme ». Entretien.
À deux jours du premier débat avec les autres candidats, quel est votre état d’esprit ?
Je suis organisé, structuré, combatif, expérimenté. C’est bien de débattre. Si on peut enfin parler des compétences de la Région, on aura déjà beaucoup avancé.
Le dernier sondage en date « OpinionWay » pour Cnews crédite Thierry Mariani (RN) de 42% des intentions de vote au premier tour, loin devant vous à 32%, et Jean-Laurent Félizia pour le Rassemblement écologique et social (16%). Cela vous inquiète-t-il ?
Comme toujours, dans les sondages, suivant qui commente et à quel moment ils sont réalisés, ils vont se révéler favorables ou non. Il y a eu trois sondages différents de trois organismes. Je suis à moins 10 points par rapport à M.Mariani, ensuite à- 4 points, dans un autre à – 9 et celui des Alpes-Maritimes à + 9. Le bloc de gauche, lui, ne bouge pas beaucoup et reste entre 12 et 16%. On se retrouve dans une situation qui ressemble beaucoup à la dernière fois [en 2015] sachant que nous étions à 15 points de retard au premier tour. Continuons le débat démocratique enfin et avançons dans ce sens.
Sauf que la tête de liste RN cette fois n’est pas Marion Maréchal Le Pen, mais Thierry Mariani, un ancien de l’UMP…
L’ambiance n’est pas la même. Marion Maréchal avait l’avantage de s’appeler Le Pen, elle avait la jeunesse, elle était députée du Vaucluse dans une ambiance nationale très différente. Aujourd’hui, nous sommes face à quelqu’un qui a abandonné la région depuis 20 ans, qui vient ripoliner en disant « je n’ai jamais trahi ma famille politique », alors que c’est l’opportuniste des mandats pour sa survie personnelle. Quand on découvre dans Le Canard enchaîné que ce monsieur n’a pas d’appartement en région, c’est quand même inquiétant.
Sur le fond, nous sommes au lendemain d’une crise sans précédent, la plus grosse depuis la Seconde Guerre mondiale, il vaut mieux avoir des gens compétents pour diriger la région. Lui, la seule institution qu’il n’ait jamais dirigée, c’est Valréas. Ce n’est pas les mêmes volumes et il a laissé 120% de dettes. Et quand on voit les équipes avec qui il part, il y a matière à s’inquiéter aussi. Sur leur idéologie basique, je réitère : ce sont des crânes rasés et c’est une addition d’incompétences.
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Lorsque certains disent « Renaud Muselier et Thierry Mariani, c’est blanc bonnet et bonnet blanc ». Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Moi je suis resté ici, j’ai gagné, j’ai perdu, je paye mes impôts ici, lui il est parti, il a tout abandonné. Il a été capable de faire un mariage avec Marine Le Pen, et moi on m’a rappelé pour combattre les Le Pen, ce n’est pas tout à fait la même histoire. Il suffit de reprendre ses propos quand il tapait sur les Le Pen et les Bompard. Il est devenu comme eux. Moi pas. Et je suis très bien comme ça.
Christian Jacob est venu vous soutenir samedi à Saint-Raphaël (Var). Pensez-vous que ce soutien après les péripéties chez Les Républicains peut contribuer à resserrer les rangs et convaincre une partie de votre famille politique de vous apporter sa voix le 20 juin ?
C’est le patron du parti. Il a rappelé qu’il y avait eu deux CNI (commission nationale d’investiture), un bureau politique. Sur les 68 membres de la CNI, 5 se sont abstenus, 3 ont voté contre. Je n’ai pas fait 100% des voix, mais j’ai le soutien de ma famille politique. Et c’est toujours bon d’avoir le soutien d’un ami. Lors de sa venue, j’ai pu constater qu’il y avait toutes les chaînes nationales avec des micros tendus et des questions comme « qu’est-ce que ça vous fait de soutenir un candidat soutenu par LREM ? ». La réponse a été claire : « c’est notre candidat LR, si LREM veut le soutenir, ça les regarde ».
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Avez-vous entamé des discussions avec la tête de liste du Rassemblement écologique et social ?
Non. Aucun contact.
La gauche justement dénonce un « état de délabrement dans les lycées » de la région. Que leur répondez-vous ?
Je répondrais que 300 millions d’euros ont été investis dans la rénovation des lycées. Je les remercie de m’avoir félicité pour avoir fourni 200 000 tablettes numériques sur la totalité des lycées, ce qui a permis d’avoir une continuité pédagogique pendant la crise du Covid. Et cette continuité pédagogique a pu se faire, car 100% des lycées sont « wifisés ».
Ça n’a pas dû leur échapper que je n’ai pas eu de plaintes de parents d’élèves. Ils n’auraient pas manqué de s’exprimer si les lycées n’avaient pas été « sécure », si les élèves déjeunaient dans des cantines inadaptées. Je les remercie de me féliciter d’avoir fait en sorte que 30% de circuit court ont été mis en place dans les lycées et que 100% des lycées ne sont plus chauffés au fioul, quand 30% sont au photovoltaïque. 100% des lycées sont sécurisés, moyennant quoi je n’ai pas d’agression, pas de trafic.
La sécurité pour nos élèves est très importante, nous avons installé des sas anti-intrusion. Si les établissements n’étaient pas sécurisés, le rectorat se serait manifesté, les 4 000 agents auraient fait des jours de grève ou droit de retrait, les parents d’élèves auraient manifesté, ça n’a pas été le cas.
Sur ce plan, nous n’avons pas pu mettre en place à la reconnaissance faciale. C’est un regret et une incompréhension que la Cnil n’ait pas autorisée à le faire plutôt que de soumettre à l’entrée son carnet de correspondance, cela aurait permis plus de fluidité, empêcher les intrusions et soulager le personnel qui était demandeur.
Comment expliquez-vous que la politique du rail soit devenue un enjeu de campagne ?
Parce que c’est bâti autour de la sécurité et de la qualité du service.
Vos adversaires vous imputent la baisse de 23% du nombre de trains, la suppression de 60 contrôleurs… Quel bilan défendez-vous ?
En ce qui concerne la qualité de service, durant deux mandats la Région était la plus mauvaise et la plus chère. À la fin de cette mandature, nous avons un bilan assez exceptionnel si l’on regarde d’où l’on vient. On a amélioré la ponctualité en passant de 80 à 92% de trains à l’heure. On est passé de 12% de trains annulés à 1 à 2%. La facture pour le contribuable a baissé passant de 365 millions à 300 millions.
On n’a fermé aucune gare, aucune ligne, on a augmenté de 14% la fréquentation de nos lignes et changé 40% du matériel. On est aujourd’hui dans les premiers Français et ceci sans augmentation de prix. Et ce bras de fer s’était aussi engagé parce qu’on applique les normes européennes dans le cadre de l’appel à la concurrence qui a mis en compétition la SNCF et elle a amélioré ses services.
On a mis des portiques antifraude qui ont permis de renforcer la lutte contre les incivilités et on a « reventilé » le personnel de façon à ce qu’il y ait des contrôles sur les autres gares. Sur la totalité de la mandature, nous avons fait baisser les actes de délinquances dans nos trains, et nos les gares de 65%, hors « année gilets jaunes » qui a posé des problèmes importants.
Nous avons eu un cas grave, mais comme pour les lycées, si nous avions eu des problèmes importants et récurrents, les agents, nos gardes régionaux du train auraient manifesté. J’aurai fait la Une de tous les journaux. En 5 ans, ça n’a pas été le cas. On peut parler de sécurité en faisant peur, mais on peut aussi lutter contre l’insécurité en ramenant des transports sains, calmes, contrôlés, sécurisés, climatisés… Les trains arrivent à l’heure, c’est pour ça qu’on n’en parle pas.
La gauche est contre l’ouverture à la concurrence quitte à payer des pénalités. Quels arguments y opposez-vous ?
C’est très intéressant ce système doctrinaire. Cette idéologie n’est pas la bonne. L’appel à concurrence est fait pour avoir le meilleur service pour les usagers, avec le meilleur rapport qualité-prix. Sur les deux lignes en compétitions dans l’un des appels à projets que je peux évoquer [sur l’autre marché ont candidaté des européens et des Français, ndlr], qui représente environ 1/3 de la circulation régionale, la SNCF s’est mise au niveau, gagne et double le nombre de trains, de fréquences, sans augmenter les prix. Et ça, ils veulent le casser ? Revenir au système antérieur. C’est la preuve par l’absurde.
Thierry Mariani surfe sur le terrain sécuritaire. Dans les sondages, c’est la principale préoccupation des habitants de la région, alors que c’est une compétence régalienne, sauf pour certains aspects (lycées, trains…). Comment pouvez-vous recentrer ce débat ?
Mariani a dit beaucoup de bêtises en disant qu’il allait lutter contre l’insécurité sur la totalité de la région, et éradiquer l’islamisme. Moi je dis que le boulot a été fait dans les lycées et les trains et doit encore être amélioré.
Dans le programme, nous avons plusieurs axes pour renforcer la sécurité, avec la vidéosurveillance, les boutons-poussoirs, comme ça existe à Nice, qu’on peut mettre devant les distributeurs de billets, les écoles – qu’elles soient confessionnelles ou non -, les lycées, les points sensibles, chez les commerçants aussi… Sur ma liste figure Dominique Brogi qui a conçu l’application « Mon Shérif », le bouton connecté à porter sur soi, qui lance une alerte géolocalisée lors des agressions. Les violences conjugales et familiales seront une cause importante de la mandature. Ce n’est pas directement une de nos compétences, mais nous pouvons apporter une aide directe.
Il y a ensuite un autre volet qui concerne la sécurité aux frontières, nos relations avec l’Italie, puisque nous avons un lieu de passage. J’avais demandé ici la reconnaissance faciale, ça m’a été refusé. J’ai fait voter 10 millions d’euros en 2016 pour aller aider les forces de l’ordre, les maires… Le préfet de région nous a envoyés au tribunal administratif, on a été retoqué et nous n’avons pas pu mettre en place ce que nous voulions faire. On n’a pas attendu M. Mariani, sauf qu’on respecte la loi. Il faut passer une convention avec l’État que nous n’avons pas pu passer jusqu’à maintenant, et nous avons la nécessité à travailler avec nos amis européens.
Nous avons un problème à nos frontières de Menton, La Roya, Montgenèvre où j’étais dimanche. Il y a d’abord un besoin de soutien moral et je leur apporte mon soutien, mais les forces de l’ordre ont des moyens inadaptés pour travailler, comme une seule caméra infrarouge pour surveiller le passage à la frontière. Il y a des moyens financiers à mettre en place pour la restructuration et on peut le faire dans le cadre du contrat de plan Etat-Région.
Je remarque, au passage, que systématiquement, lorsque l’on met des moyens financiers pour protéger nos frontières européennes, le Front national vote toujours contre. C’est d’un non-sens absolu.
Parallèlement, il y a une chaîne pénale très difficile à mettre en place dans ce pays. On sait qu’il manque 15 à 20 000 places de prison en France, on peut en mettre 1500 chez nous ; c’est possible dans un avenant au contrat de plan Etat-Région.
Vous voulez faire de la Région le quartier général de la relance. Quelles sont vos priorités ?
On a bien vu avec l’État, les fonds européens, qu’on amortissait la crise et que la Région était l’opérateur le plus efficace en termes de proximité et de visibilité dans les bassins d’emplois. Ce qui est très important pour moi, c’est d’arriver à faire « zéro baisse de rideau ».
Dès le mois d’août, une réunion aura lieu, branche par branche, secteur par secteur, de façon à refixer les priorités en fonction de leurs urgences. J’ai su le faire durant cette période avec la totalité des acteurs économiques de la région et même temps avec Bruno Le Maire qui a été à la hauteur.
J’ai toujours la même logique : six mois, six ans. Six mois, car on sort de la perfusion, il faut aller doucement. C’est comme si on sortait de réanimation. On ne va pas courir un 110 mètres haies, donc il faut être organisé et très structuré, pour éviter les faillites.
Votre « Cop d’avance » est souvent réduite par vos détracteurs écologistes principalement aux 1 million d’arbres. L’écologie selon Renaud Muselier, c’est quoi ?
L’écologie selon Renaud Muselier, c’est comment avoir une région qui a en son nom trois marques monde « Provence-Alpes-Côte d’Azur », première destination touristique en France avec trois grosses métropoles et 1000 kilomètres de côtes. C’est conjuguer cette qualité environnementale dont on hérite, la préserver, la protéger, la sanctuariser et la transmettre ensuite.
Et plus concrètement, quelques axes forts ?
20% de notre budget, 25%, 30% puis 40% servent d’effet levier pour l’écologie, avec l’Europe qui vient en soutien. Nous sommes la première région sur l’agriculture bio de France. On va poursuivre pour le développement de cette filière, protéger les espaces naturels de façon à ce que la pression foncière ne nous échappe pas, faire évoluer nos modes de consommation…
On travaille sur la logique air-terre-mer : protéger notre air ça passe par l’Escale Zéro fumée, il nous faut des arbres, des plantations, l’agriculture… le Zéro plastique en mer. Une centaine de mesures ont été bâties au fil de l’eau avec l’Agence régionale de biodiversité.
Lors de votre meeting, vous disiez que vous souhaitiez que le futur président de Région soit aussi le président de l’ARS (Agence Régionale de Santé). Comment comptez-vous influer sur les décisions de santé ?
Je suis un vrai décentralisateur, ce que ne sont pas mes concurrents. J’ai été président des Régions de France durant toute cette période et je sais à quel point aussi il y a une guerre très forte entre les décentralisateurs et les recentralisateurs. Au niveau de l’État, M. Macron fait partie des « recentralisateurs ». M Castex des décentralisateurs.
On a vu à quel point les décisions en matière sanitaire n’étaient pas adaptées, que le ministère de la Santé ne voulait perdre aucun de ses pouvoirs. Il n’a jamais voulu travailler avec le ministère de l’Intérieur pour essayer de faciliter la tâche dans l’organisation et l’addition des compétences entre les mairies, les Sdis, les marins-pompiers… Et il n’a jamais voulu travailler avec le ministère de la Défense, pourtant spécialiste de la logistique.
Les Régions, nous avons été très utiles pour l’achat des masques, des tests, de matériel… Et maintenant, pourquoi on nous dirait qu’on ne serait plus compétent ? Cette capacité d’action, non pas parce que l’on est plus riche, mais parce que l’on est plus agile, rapide, plus efficace, dans la proximité, doit s’affirmer pour la suite.
Vous présentez votre programme culturel au Théâtre des halles à Avignon, quelle est la priorité pour vous ?
La liberté. Cette région est la capitale monde de la culture, avec les plus beaux festivals d’Europe, sa richesse culturelle, cette diversité qui a montré qu’elle était indispensable et non-délocalisable.
Avant la crise nous avons montré que nous étions déjà aux côtés de la culture en sanctuarisant et en augmentant les budgets pour empêcher la totalité des filières de s’écrouler. Notre projet prévoit une augmentation des budgets, tout en laissant la totalité des libertés, et je pense que le monde de la culture me fait confiance en la matière.
Je suis très attachée à la culture, je pense que c’est le meilleur moyen pour lutter contre les extrêmes, la bêtise. Quand on s’ouvre l’esprit, je pense qu’on grandit, la culture nous permet de le faire et dans cette période de trouble, elle a encore plus d’importance.
Jean-Marc Governatori – Cap Ecologie – (crédité de 5% dans les sondages) pourrait se rallier au second tour, à condition « que vous vous écologisiez un peu plus ». Comment interprétez-vous cette condition ?
Ça veut dire déjà que je suis acceptable à ses yeux, c’est pas mal. C’est une main tendue. J’aime écouter, échanger, et quand on m’apporte des solutions complémentaires intelligentes, je les prends volontiers, j’ai toujours fait ça toute ma vie. Personne ne pourra me dire que je suis excessif en tout, sauf peut-être dans mon engagement personnel, car je crois en ce que je fais.
Dans les couloirs de l’Assemblée nationale et dans certains hémicycles régionaux, les élus craignent un « effet Muselier ». Y croyez-vous ?
C’est incroyable que Muselier à 63 ans modifie la vie politique française. Je fais de la politique depuis toujours. J’ai été député à 33 ans, j’ai battu le Front national à 32 ans. Je n’ai pas changé. J’ai toujours pensé qu’il fallait additionner. Si on me découvre maintenant, c’est bien.
Pourtant, j’étais aux côtés de Dominique de Villepin et Jacques Chirac aux Nations Unies, quand d’autres flirtaient avec des dictateurs européens et mondiaux. Si « l’exemple Muselier » est de dire : « quand c’est bien, disons-le, quand c’est mal, disons-le aussi » et n’oublions jamais la ligne rouge. Si c’est ça ma contribution à la vie politique française, j’en suis content.
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