L’archipel du Frioul, au cœur du Parc national des Calanques, peut-il devenir un laboratoire de recherche de la ville bioclimatique méditerranéenne ? L’idée est portée par les acteurs économiques du territoire pour développer le potentiel inexploité de ce quartier au large de Marseille.

« Nous voulons créer sur place un laboratoire de la ville bioclimatique méditerranéenne, un lieu de recherche, d’expérimentation sur des sujets aussi variés que la mobilité électro-solaire, la transition énergétique, la gestion des déchets, la biodiversité marine, les loisirs aquatiques… Un site où l’ensemble des habitants méditerranéens et même de l’Afrique pourront venir voir, ici, comment on fait pour construire les villes durables de demain ». Telle est l’ambition de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence (CCIAMP).

Pour son président Jean-Luc Chauvin, le Frioul est un espace doté d’un fort potentiel jusqu’alors inexploité. « C’est un territoire emblématique dont nous pouvons tirer pleinement profit grâce à sa situation et privilégier des approches intégrées, raisonnées et durables, à la condition d’éviter la sanctuarisation ». C’est dans ce but qu’en mars dernier, 144 structures du monde économique rassemblées au sein du collectif « Tous acteurs » ont planché sur un projet. Il fait partie de la série de propositions formulées à l’ensemble des candidats à l’élection municipale de Marseille.

, Une ambition pour faire du Frioul le laboratoire de la ville bioclimatique méditerranéenne, Made in Marseille
Sur le port du Frioul – DR

Eco-marina, pontons solaires, escape-game, école de la deuxième chance…

Sur un total de 200 hectares d’emprise foncière (Pomègues, Ratonneau, If et Tiboulen), 136 hectares d’espaces naturels sont gérés depuis 2014 par le Conservatoire du Littoral. La Ville de Marseille est propriétaire du reste. Ce qui laisse « une marge de manœuvre pour développer de nouveaux projets cohérents entre eux et intégrant plusieurs dimensions », estime la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence.

« Tous acteurs » a travaillé sur l’implantation d’un technopôle tourné vers les enjeux de la Méditerranée (nautisme, traitement de l’eau, aquaculture…). À noter qu’à l’est de l’île de Pomègues, Provence Aquaculture est la première ferme d’aquaculture d’Europe à avoir obtenu le label « agriculture biologique ». Puis sur la création d’un laboratoire dédié à la mobilité électro-solaire, incluant des navettes touristiques, des pontons solaires, une éco-marina… d’une nouvelle école de la deuxième chance [Marseille en compte deux aujourd’hui dont une tournée sur les métiers du numérique, ndlr] dédiée aux métiers de l’économie bleue.

Sur la dimension patrimoniale, le collectif mise sur la valorisation et l’utilisation du Sémaphore et de l’hôpital Caroline, qui fait l’objet d’un chantier de restauration par Acta Vista.

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L’Hôpital Caroline

Le Frioul est l’un des haut-lieux du tourisme de la région, puisque l’archipel accueille environ 400 000 visiteurs par an. Son port de plaisance peut accueillir jusqu’à 600 bateaux et en période estivale et certains week-ends, on estime qu’environ 850 bateaux par jour mouillent autour des îles. Plaisance, promenade, baignade, pêche et plongée sont les activités touristiques les plus répandues.

Afin de renforcer l’attractivité touristique, le collectif imagine le déploiement d’offres ludiques, sportives et de bien-être « respectueuses des milieux » : parcours snorkeling, tourelle de plongée grand public, visite des fonds marins en réalité augmentée, ou même un escape-game.

La symbolique, elle, passerait par la création d’un site ou d’un « objet-totem », qui se concrétiserait par un geste architectural ou l’aménagement urbain avec la création d’un quartier bioclimatique méditerranéen qui abriterait « pourquoi pas », le Ministère de la Mer.

Réactiver certains projets tombés à l’eau

La CCIAMP veut pousser ce projet en 2021. Pour réussir à faire des îles du Frioul « une chance pour le territoire », elle entend s’appuyer sur le Conservatoire du Littoral, le Parc national des Calanques, Aix-Marseille Université, ainsi que sur des acteurs économiques historiques de la filière maritime tels que la Comex, l’INPP ou encore la CMA CGM et sur une filière d’excellence « environnement » en plein essor.

Elle compte aussi sur l’Union européenne « qui favorise des tiers lieux de changement de modèle », et sur « des expertises et des esprits passionnés », qui ont porté ou portent encore des projets pour le Frioul sans jamais les faire arriver à bon port. Parmi eux, Tethis de l’architecte Etienne Clamagirand. Ce spécialiste en design marin et ingénierie offshore avait imaginé dans les 1980 l’implantation d’un parc marin et technologique ludo-pédagogique composé d’une salle de cinéma « plein eau », ou d’un sous-marin touristique… Touché, mais coulé avec l’arrivée de la nouvelle équipe municipale à la Mairie de Marseille.

Avec son projet « Marsa », le designer Ora Ito avec le cabinet Carta, y voyait une Villa Médicis de l’écologie en Méditerranée. Abandonné faute de financement. Puis, il y a « Biolum Reef », porté par Tangram Lab. Il s’agit de la mise en place d’un récif biomimétique habitable permettant de reconstituer les ressources marines. En 2018, le projet a d’ailleurs reçu de prix coup de cœur du jury dans la catégorie « innovation et architecture pour la mer », de la Fondation Jacques Rougerie.

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Le Frioul, un quartier de Marseille au potentiel peu exploité – DR

Des ateliers entre la Ville et la CCIAMP pour partager les idées

Du côté de la Ville de Marseille, ces orientations sont jugées « intéressantes » par Sébastien Barles, adjoint en charge de la transition écologique. Un certain nombre de sujets, dont celui du Frioul, seront discutés dans le cadre d’ateliers qui rassembleront des élus et des membres de la Chambre de commerce et d’industrie, « pour voir comment nous pouvons articuler certains projets. C’est un espace adéquat pour expérimenter principalement autour de l’agriculture urbaine et sur le volet énergétique ».

Christian Pellicani, premier adjoint au maire du 1-7, invite les membres de la chambre consulaire à rejoindre les Comités d’initiative et de consultation d’arrondissement (Cica). « Notre programme vise à faire du Frioul un quartier à part entière. Nous sommes ouverts à toutes les bonnes volontés, dans le cadre de leurs champs de compétences, pour élaborer des projets partagés. Toutes les idées visant à préserver et respecter le milieu, les gens, l’attractivité économique, restent les bienvenues  », explique le délégué à la démocratie participative et aux quartiers de Bompard et du Frioul. L’élu met également en garde sur l’usage du terme « expérimental. Il ne faut pas donner le sentiment aux habitants qu’ils sont des rats de laboratoire ».

La nécessité d’un travail collectif est également avancée par Didier Réault, président du Parc national des Calanques et vice-président de la Métropole délégué à la Mer, au Littoral, « Le Parc est là pour travailler avec les collectivités et il faudra y associer le Conservatoire du littoral ». Pour lui, la CCIAMP porte de « belles idées », déjà mises œuvre dans le cadre du programme européen de coopération pour accompagner les petites îles vers une gestion durable (SMILO), émanation du Conservatoire du Littoral.

« C’est un site exceptionnel reconnu comme un centre de ressources dans le cadre de Smilo ». Pour Didier Réault, « compte tenu de l’espace limité et de l’impact que peuvent avoir certaines activités, il faut trouver le bon équilibre. Privilégier et travailler sur les grandes qualités de ce territoire : nature, biodiversité et capacité à trouver des solutions de gestion de l’eau, énergie… » Le président du Parc nous rappelait dans une interview la nécessité de ne pas encourager la sur-fréquentation de l’aire protégée.

Le plan de gestion élaboré par le Conservatoire du Littoral visait déjà à faire de l’archipel du Frioul un site d’animation et d’éducation à l’environnement, ainsi qu’une vitrine de la gestion des petites îles de Méditerranée. « Une des ambitions pour cette porte d’entrée du Parc national des Calanques est la volonté de concilier la préservation du site et un accueil de qualité pour le public, aussi bien sur la partie terrestre que marine autour de l’archipel ». La création d’un lieu d’accueil du public et d’un jardin pédagogique devrait voir le jour d’ici à deux ans, au sein de la Villa Marine.

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