Organiser une collecte à vélo des déchets auprès des professionnels, puis les recycler. L’expérimentation devrait être menée début 2021 chez les commerçants de la rue de la République.

La rue de la République, si souvent décriée par le passé, peut-elle devenir un modèle de l’économie circulaire ? C’est dans cette voie qu’ont décidé de s’orienter ses commerçants. En février 2021, si le contexte sanitaire le permet, ils lanceront une expérimentation grandeur nature visant à faire de cette artère vieille de 150 ans, la première rue « zéro déchet » de Marseille. Une action qui « donnerait du sens au commerce engagé que l’on défend », confie Alexandre Seddik, président de La République des commerçants, qui précise que tout reste encore « à ficeler ».

Reste que l’idée est bien là. Simple. Verte et vertueuse. Initiée par les commerçants eux-mêmes et portée par l’association. La démarche consiste à (ré)organiser la collecte des déchets professionnels des commerçants, en minimisant le gaspillage et en optimisant la valeur que génèrent ces ressources. « Tout est parti du constat que l’on pouvait collecter de manière beaucoup plus efficace et pour moins cher les différents gisements (déchets) », explique Maxime Ducoulombier, co-fondateur de Synchronicity. Du ramassage jusqu’au recyclage, sa SCIC doit assurer la prestation de service de cette phase test.

Chaque commerçant se verra remettre du matériel de collecte : des sacs de couleur correspondant au matériau à jeter, des sacs électro-compostables pour les bio-déchets, des sangles de serrage pour les cartons… « Le principe, c’est que les commerçants, artisans n’approchent plus les poubelles. C’est pourquoi on va faire du porte-à-porte. Le service doit être simple et efficace », poursuit Maxime Ducoulombier.

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Une collecte de déchets solidaire et à vélo

Et l’efficacité passe par la cyclo-logistique, car c’est à vélo que va s’effectuer la collecte. Les modalités de fonctionnement ne sont pas encore fixées, mais le chef d’entreprise imagine des tranches horaires après le service des restaurants pour permettre aux vélos-cargo de récupérer les bio-déchets. « Le but n’est pas de reproduire des choses qui existent déjà, mais de fédérer les acteurs existants qui sont concurrents et qui, seuls, ne pourraient pas répondre à d’importants marchés », poursuit Maxime Ducoulombier.

« On ne veut pas faire de l’ubérisation. Le but n’est pas de créer une énième flotte. On va chercher les bonnes compétences et on redistribue, en fait ». Synchronicity travaille ainsi avec les six structures de cyclo-logistiques marseillaises : Agilenville, Tout en vélo, Rex cargo, Le Maillon Vert, Mistral Coursiers et La Roue Libre, pour un cumul d’un demi million de kilomètres parcourus sur Marseille en 2020.

Les « gisements » seront ensuite acheminés vers un local mis gracieusement à disposition, boulevard des Dames, par Généal Invest, en charge de la gestion du portefeuille de la Rue de la République, pour le compte de Fréo [Fréo qui a racheté la filiale Atemi Méditerranée, initialement gestionnaire du foncier, ndlr]. « Nous avons adhéré immédiatement à cette démarche dont nous sommes partenaires. Ça va dans le sens d’une valorisation de la rue commerçante et piétonne que nous défendons et c’était naturel pour nous d’y participer », assure Olivier Dubois, de Généal Invest.

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Miser sur la réutilisation des déchets et créer de nouveaux emplois

Une fois sur place débute l’upcycling, ou comment donner de la valeur à toutes les matières collectées. Une phase qui peut également permettre de créer de l’emploi. Pour offrir une seconde vie aux cartons, trois orientations sont envisagées. « On sait qu’on va récupérer des cartons neufs et 30% d’entre eux sont réutilisables », assure Maxime Ducoulombier, fort de l’expérience menée avec son association « Ça cartonne ».

Un carton en bon état sera stocké et pourra être remis à disposition des commerçants qui le souhaitent pour du « click and collect », par exemple. Un carton légèrement dégradé servira à fabriquer des produits de calage. « Tout ce qui permet de remplacer les chips de polystyrène, ou les bulles de protection que l’on met dans un colis pour protéger des chocs ».

Le carton « tout pourri », lui, sera compacté, grâce à une presse mise à disposition par Véolia, qui accompagne également cette expérimentation.

Côté bio-déchets, là encore, rien ne se perd. Les produits arrivant à date de péremption ou abîmés pourront être remis rapidement dans le circuit. « Je vais prendre l’exemple d’une pomme. Si elle est belle, elle ira directement pour de l’alimentation solidaire. Si une partie est abîmée, destination les cuisines où sont préparés les plats pour les maraudes. Le reste ira en compostage », assure le co-fondateur de Synchrocity, qui travaille sur ce volet avec les Coursiers Solidaires.



Anticiper l’automatisation de la Redevance Spéciale en 2021

Les premiers effets de cette opération « permettront de désengorger les bennes installées le long de la rue. Elles ont été calibrées par la Métropole par rapport au nombre d’habitants, pas en rapport avec les professionnels. Dès qu’il y a augmentation du nombre de commerces à un endroit, la conséquence c’est qu’elles débordent », explique Alexandre Seddik.

Ce test est une manière d’anticiper l’automatisation de la Redevance Spéciale* qui devrait être mise en place par la Métropole Aix-Marseille Provence, en 2021. Une taxe que les commerçants ont l’obligation de payer, depuis l’adoption de la loi du 13 juillet 1992 sur l’élimination des déchets. Elle s’applique à tous les professionnels, publics, privés choisissant d’utiliser le service public de collecte et de traitement des déchets professionnels assimilables aux ordures ménagères. Jusqu’à présent, elle est basée sur le mode déclaratif. L’année prochaine, elle sera systématique.

Selon le dernier rapport métropolitain sur la gestion des déchets en date de 2018, la taxe d’ordures ménagères la (TEOM) rapporte sur le territoire 304 millions d’euros et la Redevance Spéciale 11 millions (contre 9 millions en 2017). Après les transports, la propreté constituent la deuxième dépense de la Métropole (environ 390 millions d’euros).

Sur son site internet, la Métropole précise que « les professionnels ayant un contrat avec un prestataire privé agréé, n’auront pas à s’acquitter de la Redevance Spéciale sous réserve qu’ils soient en capacité de produire des justificatifs de cette prise en charge de tous leurs déchets (y compris les déchets assimilés aux ordures ménagères) ». Une démarche incitative qui encourage à la mise en place d’initiatives.

Mais pour l’heure les commerçants restent dans le flou, « car on nous a aussi parlé d’un bonus par matière. Mais pour nous, l’objectif c’est de payer moins cher pour un meilleur service. On sera de toute façon plus flexible, car notre but c’est de réduire la part de déchets incinérés », estime Maxime Ducoulombier.

Terrain de jeu : la future zone à faibles émissions

« C’est une très bonne initiative et surtout une réponse très positive et saine à cette taxe et au ramassage de déchets. Cela va dans le bon sens et c’est bien d’y travailler tous ensemble », confie Sandra Chalinet, en charge de la gestion et la valorisation du patrimoine géré par le groupe Constructa à Marseille, comprenant notamment les actifs de la Rue de la République (pour le compte de Primonial) et ceux des Docks (pour le compte d’Amundi).

L’objectif de Synchronicity est de déployer cette première expérimentation. Son aire de jeu : la future zone à faibles émissions (ZFE) qui doit voir le jour à l’automne 2021. « Et il n’y a pas plus efficace que le vélo pour faire ça », reprend Maxime Ducoulombier, dont le hub de la SCIC devrait être installé « à terme » sur 2 300 m2 près de la gare Saint-Charles.

Malgré le contexte actuel, les commerçants de la rue de la République partagent cette volonté de rendre leur espace « plus propre et encore plus attractif », ajoute Alexandre Seddik. « L’objectif est de devenir une rue emblématique de la ville sur cet aspect environnemental ».

> Lire la deuxième partie : A Marseille, la rue de la République peut-elle devenir un territoire d’expérimentation ? 

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*La Redevance Spéciale est calculée sur un taux de fréquence de collecte (généralement quotidienne) et un nombre de bacs afin de définir un volume de déchets collectés. Ce volume est défini conjointement par les deux parties lors de l’élaboration de l’abonnement. La typologie des entreprises est privée et publique, sans caractéristiques particulières. Dans le cadre du plan de relance, la Métropole Aix-Marseille a voté, jeudi 19 novemvre, le principe de l’exonération de la Redevance Spéciale d’un trimestre sur l’année 2020, sur le territoire Marseille-Provence. 

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