Dans notre première partie, nous vous racontions l’expérimentation qui sera menée en février 2021 rue de la République sur la collecte des déchets professionnels à vélo. Souvent décriée, cette artère de la ville, qui a toujours eu du mal à trouver son public depuis le 19e siècle, s’est réinventée ces dernières années.

Inaugurée en 1864, la rue de la République, cette rue traversante d’1,1 km a été imaginée par les frères Pereire, tous deux architectes, à la fin du XIXe siècle pour relier le Vieux-Port et le quartier de la Joliette. Pensée pour devenir une artère centrale de la ville, la rue est née du percement dans le bâti ancien et dans l’épaisseur de la colline. Un chantier titanesque de 2 ans, ponctué de destructions de maisons, de rues, de collines et de déplacement de Marseillais.

Malgré une opération de transformation d’envergure, depuis 1995 cette artère, qui s’inscrit dans le renouveau de la cité porté par Euroméditerranée (pour le secteur Joliette) et de nombreux investisseurs, n’a jamais su trouver son public. Jusqu’à maintenant ? Car ces dernières années, la rue de la République a connu une profonde mutation.

Le temps de la « République bashing » est révolu

Pour le président de l’association La République des commerçants, Alexandre Seddik, le temps de la « République bashing » est terminé. « Dire qu’une seule partie de la rue fonctionne est une vieille idée, qui date de l’époque où la partie située entre le Vieux-Port et Sadi-Carnot était entièrement louée à de grandes enseignes de prêt-à-porter », à l’instar du Mango Outlet, transformé en « Espace accompagnement habitat » de la Métropole ou encore le Desigual, dont les locaux ont servi à accueillir le collectif Fask, et désormais reconverti en galerie d’art.

Dès l’ouverture des Terrasses du Port et avec la rénovation du centre Bourse, une dynamique s’est créée, et « l’intégralité de la rue fonctionne. Hors Covid, tous les commerces ont de bons bilans », assure Alexandre Seddik.

 « On voit un engouement sur ce qui se passe dans la rue. Il y a une évolution du regard de la part des consommateurs, des gens qui travaillent dans le secteur, qui habitent dans la rue », mesure Jean-Marie Nazarenko, de l’agence le Poisson Pilote, qui accompagne l’association et les bailleurs dans leur communication digitale. Il constate de nombreuses interactions de la part des internautes « notamment sur la partie restauration ».

Des enseignes telles de Gilberte et Marguerite, The Factory, Babel Community, Il Cuoco ou encore Green is better, pour ne citer qu’eux… La Maison Mère, pour les férus de vintage, Top Barbier (coiffeur Barbier des footballeurs de l’OM), la boutique de décoration intérieure de l’ancienne animatrice de télévision Sophie Ferjani, et plus récemment une première installation en France de Créatives câbles spécialisée dans la création de lampes selon ses envies et 50 000 possibilités… sont des exemples de cette nouvelle variété de services. 

Les rues adjacentes ont contribué à l’augmentation du flux, avec des adresses comme Le Hippie Chic Café ou Kos (quai de la Joliette), Flower Burger (avenue Schuman), Noddles (rue Forbin)… qui ont apporté une offre originale et unique.

, A Marseille, la rue de la République peut-elle devenir un territoire d’expérimentation ?, Made in Marseille
Alexandre Seddik, président de La République des commerçants avec le patron de Gilberte et Marguerite.

Une stratégie déployée autour de concepts originaux

Un renouveau qui s’explique également par le changement de stratégie des opérateurs, qui se répartissent la rue. « On a bien vu qu’avec l’implantation des grandes enseignes, ça n’avait pas fonctionné. Depuis 2018, on s’attache à mettre des commerces qui portent des concepts innovants qu’on ne pourrait pas trouver ailleurs, mais aussi de proximité pour répondre à la typologie des habitants de la rue », confirme Olivier Dubois de Généal Invest en charge de la gestion du portefeuille de la Rue de la République, pour le compte de Fréo [Fréo qui a racheté la filiale Atemi Méditerranée, initialement gestionnaire du foncier, ndlr].

Pour la commercialisation de ces espaces, Atemi à l’époque, décide de scinder la rue en deux. La partie entre le Vieux- Port et le boulevard des Dames sera consacrée à l’équipement de la maison et la décoration. La partie la plus proche de la Joliette vise davantage les commerces de proximité, les services et la restauration.

Même si certaines enseignes ont baissé le rideau, Olivier Dubois constate une augmentation des demandes pour venir s’installer dans cette rue hausmannienne. Généal Invest enregistre un taux de commercialisation de 67,5 %.

« Un vrai groupe de commerçants »

Olivier Dubois dit être en phase avec la nouvelle stratégie de la Ville de Marseille qui prône l’équilibre et un savant mélange des enseignes, éviter de remettre les mêmes offres dans les centres commerciaux que dans les centres-villes et « trouver une destination à chaque rue ».

La rue de la République s’est réinventée autour de la diversification des commerces, et avec elle « l’augmentation de la fréquentation ».

Opticiens, pharmaciens, commerces de bouche, restauration, maraîcher, résidence senior et étudiante, mobilier, décoration, centre de soins, hôtel, salles de sport… L’hétérogénéité de l’offre, entre logements, résidences, bureaux et commerces, a permis une mixité des publics.

« Ces dernières années, la rue de la République est passée d’une série de commerces posés les uns à côté des autres à un vrai groupe de commerçants », ajoute Alexandre Seddik, dont l’association a contribué à fédérer des professionnels, notamment avec la mise en place d’outils numériques, pour créer du « lien essentiel », plus important encore en temps de crise sanitaire.

D’ailleurs, l’association accompagne les commerçants dans leur transition numérique, et élaborera un plan d’actions pour renforcer son soutien aux commerces « lorsque nous aurons plus de visibilité sur la situation », assure Alexandre Seddik, suspendu donc aux prochaines annonces du gouvernement.

« Cette rue doit avoir une vocation innovante »

La réhabilitation d’envergure du patrimoine réalisée par les différents bailleurs, les travaux de reconfiguration des commerces en pied d’immeuble et sur les ravalements de façades, notamment sur le barreau central, (côté sud entre Sadi-Carnot et boulevard des Dames) a favorisé cette nouvelle dynamique.

Quant aux locaux commerciaux encore vides, La République des commerçants les investit en y installant des vitrophanies géantes, en attendant qu’elles trouvent preneurs, avec le message « les bonnes idées naissent en République – Rue de la Rep ».

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Certaines « coquilles vides » devraient d’ailleurs être occupées dans le courant de l’année : une micro-crèche people & baby (entre 20 et 30 berceaux) devrait ouvrir ses portes en septembre 2021. « Ça fera deux. On connaît le besoin de crèches dans la ville, mais on n’ouvre pas deux crèches dans un secteur où il n’y a pas de vie », assure Jean-Marie Nazarenko.

Début janvier 2021, Généal Invest annonce aussi l’ouverture d’une boulangerie-pâtisserie maison « et qualitative » (150 m2), ainsi que d’autres arrivées suivant des concepts spécifiques dans les prochains mois.

L’expérimentation, c’est peut-être finalement la vocation de la plus longue artère haussmannienne du monde, après l’Avenida de Mayo de Buenos Aires. C’est bien ce que pense Sandra Chalinet, en charge de la gestion et la valorisation du patrimoine géré par le groupe Constructa à Marseille, comprenant notamment les actifs de la Rue de la République (pour le compte de Primonial).

« Il faut que ce soit une rue qui serve de territoire d’expérimentation, inspirant d’autres secteurs de la ville. Ça va dans cet état d’esprit de rue créative, de coworking, la rue des premiers concepts… Plutôt que vieille dame, cette rue doit avoir une vocation innovante dans l’usage qui est fait des bureaux, des pieds d’immeubles, elle est très bien desservie. Elle peut être précurseur sur pas mal de sujets ».

> A lire la première partie : La rue de la République ambitionne de devenir la première rue « zéro déchet » de Marseille

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