À quatre jours du dépôt des listes, Renaud Muselier et Martine Vassal ont tenu une conférence de presse commune, en vue du second tour des municipales, à Marseille. La candidate (LR) à la Mairie a clairement appelé à voter Bruno Gilles, dans le 4-5e arrondissement. Pour faire barrage au Printemps Marseillais, qualifié de « péril rouge », la droite continue de prôner la « raison »… de l’union !
Entre le désamour et le grand amour, la guerre et la paix, il y a eu une pandémie mondiale et deux mois de confinement. Des remises en question et des interrogations, des prises de conscience, des plans de sauvetage et de relance… Dans ce fameux « monde d’avant », la droite marseillaise peinait à se rassembler, se déchirait dans une campagne de premier tour d’une élection municipale historique. Aujourd’hui, elle aspire à se réinventer – selon le terme à la mode – ou tout au moins tente de s’unir – enfin – pour inventer le monde de demain.
Et dans le sien, c’est clair, le « péril rouge » constitue « LA » menace. C’est le terme pour désigner le Printemps Marseillais, dont la cheffe de file Michèle Rubirola est arrivée en tête au soir du premier tour avec 23,44%, devançant Martine Vassal, candidate Les Républicains (22,32%). Et pour cette dernière, « le choix est simple. Il est binaire ». Cela se joue entre « les amis de Monsieur Mélenchon et une équipe renouvelée qui a un projet, tourné vers l’avenir. C’est un moment historique pour la ville de Marseille. On ne peut pas se permettre, surtout avec la crise que l’on vient de traverser, de perdre six ans. L’heure du choix est grave, ce sera le 28 juin prochain ».
Gaudin et Muselier enterrent la hache de guerre
En vue de ce second tour, pour faire barrage à la gauche et plus largement « aux extrêmes », Renaud Muselier a appelé le 23 mai dernier, à sceller un « pacte de raison ». Une large coalition autour de Martine Vassal, allant de Bruno Gilles (ex-LE) à Samia Ghali (ex-PS). Loin des tensions exacerbées du premier tour, le président de la Région Sud juge que l’heure des responsabilités a sonné, et qu’« amertumes et rancœurs » n’ont leur place qu’à « la corbeille ». Lui semble même vouloir donner l’exemple, car « Marseille mérite des efforts ».
Lointaine époque alors où il fustigeait le bilan de Jean-Claude Gaudin, l’accusant d’avoir fait deux mandats de trop ? Alors que la distanciation sociale reste la règle, la crise sanitaire a eu pour effet de rapprocher les deux hommes.
Renaud Muselier a écrit à Jean-Claude Gaudin pour proposer que la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur co-finance des investissements en faveur de Marseille, à hauteur de 40 millions d’euros, dans le cadre du plan climat régional « la Cop d’avance » [30% du budget soit 500 millions par an, ndlr]. « Nos relations ne sont pas faciles, mais nous avançons. La main est tendue et c’est Marseille qui prime. Quand je tends la main à Gaudin, il est plutôt surpris de moi, que moi de le faire », sourit le président des Régions de France. Certes, leur lourd passif politique ne fera « sans doute jamais » d’eux « des amis », mais ils signeront prochainement cet accord pour la cité phocéenne.
Révolu aussi le temps, où il voyait d’un mauvais œil la candidature de la présidente du Département des Bouches-du-Rhône à la Mairie de Marseille. « Mon souhait était une alliance la plus large possible, justifie-t-il. J’ai soutenu Martine, même si Bruno est mon grand ami. Mais ma famille politique s’est retrouvée divisée dans la candidature. Aujourd’hui, le bon sens doit primer, en tenant compte de la carte politique. Si on veut que Marseille ait un avenir, je ne me trompe pas de camp, assume-t-il. La raison doit l’emporter pour toutes les têtes de liste, que ce soit Bruno Gilles, Yvon Berland (LREM) et aussi des têtes de liste par secteur qui ne sont pas forcément les amis de Monsieur Mélenchon. On porte l’étendard sans aucun état âme ».
Entre Gilles et Vassal : à quand le calumet de paix ?
Une prise de position appréciée par la tête de liste LR, qui n’a pas manqué de saluer ce soutien plein et entier. « Cela ne m’étonne pas lui, car cela a toujours été dans sa nature d’être logique avec lui-même », exprime-t-elle, estimant que le « pacte de raison est une très bonne initiative ». Même si elle ne s’est pas exprimée immédiatement sur le sujet, la candidate dit y avoir adhéré « tout de suite ».
Sa première annonce a été d’appeler à voter pour Bruno Gilles dans le 4-5e arrondissement, « sans réciprocité », pour battre la candidate du Printemps Marseillais, Michèle Rubirola (37,38%), qui a mis en difficulté le sénateur dans son propre fief (22,11%). Une réponse à l’appel du candidat sans étiquette, dont il a pris acte, tout en continuant pour le moment à maintenir le rapport de force (lire par ailleurs).
Dans le 2-3e, va-t-on vers un remake de 2014 ? Pour battre l’élu socialiste Benoît Payan (PM) arrivé en première position (25,99%), et où là encore Bruno Gilles attendait une prise de position, Renaud Muselier souhaite une fusion de sa liste, menée par Lisette Narducci (16,71%), avec celle Martine Vassal, menée par Solange Biaggi (16,46%); séparées par une vingtaine de voix seulement. Sauf que les deux femmes « ne sont pas les meilleures amies du monde ».
Par ailleurs, la maire actuelle de secteur (PRG) qui avait rallié Jean-Claude Gaudin, lors des dernières élections municipales, est plus disposée à discuter avec la candidate de La République en marche, qu’avec celle d’ «Une volonté pour Marseille ». « Si elle [la fusion] n’est pas réalisable », Renaud Muselier « souhaite que l’esprit du pacte de raison soit appliquée : celui qui arrive second se retire ».
Et d’appeler Bruno Gilles « à rejoindre, dès aujourd’hui, ce pacte et revenir dans le bon sens. Il faut trouver une solution. On a jusqu’à mardi pour avancer si la raison l’emporte ». Là encore, Bruno Gilles « prend acte », sans s’étendre.
Il faut sauver les soldats Bernasconi et Galtier
Dans le 1er secteur, où Sophie Camard, candidate LFI du Printemps Marseillais, s’est largement imposée (39,03%), mettant en échec Sabine Bernasconi (21,22%) et où le match semble plié pour la droite ; et dans le 13-14e resté aux mains du frontiste Stéphane Ravier (33,49%), Renaud Muselier estime que Bruno Gilles, même en capacité de fusionner, doit « retirer sa candidature » et doit appeler à voter « sans hésiter », pour les candidats de Martine, à savoir Sabine Bernasconi, actuelle maire du 1er secteur et David Galtier. « Pour ma part, dans ce secteur où le danger d’une victoire de la gauche est toujours réel, j’appelle à faire barrage à la liste emmenée par la suppléante de Jean-Luc Mélenchon, Sophie Camard », répond le sénateur des Bouches-du-Rhône, sans plus de précisions.
Dans le 9-10, aussi, « une fusion est souhaitable » et « la raison doit aussi l’emporter dans le 11-12 pour une large fusion des listes », pour éviter une quadrangulaire. Dans 15-16, « le risque Rassemblement National étant très important, un appel au barrage a déjà été réalisé », détaille Renaud Muselier.
Dans le 6-8e, Martine Vassal récupère le jeune Ludovic Perney, qui s’est battu au premier tour sous les couleurs d’Ensemble pour Marseille, dans ce secteur, où contre toute attente la candidate LR ( 27, 17%) est talonnée par la novice Olivia Fortin, du Printemps Marseillais (24,41%). « Là aussi, cette décision responsable montre le réel engagement de Martine Vassal dans le pacte de raison que j’appelle de mes veux, reprend Renaud Muselier. Ses gestes sont puissants, forts et généreux, merci Martine de montrer le chemin de la raison qui peut et doit nous conduire à la victoire ».
Vassal-Rubirola : prêtes pour la passe d’armes ?
Reste que dans ce bastion historique de la droite, Martine Vassal n’a pas suscité l’adhésion le 15 mars dernier, comparativement à Jean-Claude Gaudin, en 2014, élu dès le premier tour. Elle reste néanmoins « optimiste », jugeant que son score est le résultat du « cafouillage » autour de la crise du Covid-19.
Un climat sanitaire inquiétant qui n’a pas mobilisé les électeurs. « Et aussi le fait d’avoir été annoncée dans tous les médias comme faisant la course en tête, ils se sont dit qu’il n’y aurait pas de souci dans mon secteur, alors que les électeurs de gauche et d’ultra-gauche étaient déterminés à aller voter. J’ai une grosse réserve de voix, et je pense que les habitants n’adhèrent absolument pas au programme de Michèle Rubirola », explique-t-elle.
Et Martine Vassal se dit prête à débattre avec sa rivale « si elle le souhaite ». Elle qui avait balayé d’un revers de main les invitations de premiers tours « car c’était un brouhaha énorme », précise qu’elle n’a « jamais dit » qu’elle ne ferait pas de débat de second tour. « Je suis seulement surprise que ce soit contre madame Rubirola ».
Un face-à-face 100% féminin, et non un débat à quatre « car, avec tout le respect que je peux avoir pour les autres candidats, ils ne sont pas en capacité de gagner. Nous ne sommes pas sur des supputations. Il ne faut pas brouiller les cartes vis-à-vis des électeurs », déclare la candidate, rejetant aussi le fait qu’elle ne craint pas de débattre avec Stéphane Ravier (RN). Au contraire, « ça me rapporterait plutôt des points ».
Quant au troisième tour ? La candidate dit vouloir déjà passer le 28 juin « et après on verra ». À ce titre, elle évoque les élections départementales en 2015, pour lesquelles « on m’avait prédit que j’aurais une majorité relative et j’ai eu une majorité complète. On ne peut pas tirer des plans sur la comète. Il faut raisonner par étape et le choix est très clair, c’est où Michèle Rubirola, où Martine Vassal. Le déclin ou l’avenir ».