La réalisation du téléphérique pour relier le Vieux-Port à Notre Dame de la Garde, cher au maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, semble moins certaine. Depuis quelques semaines, des voix de sa propre majorité (LR) s’opposent au projet, dont Martine Vassal aujourd’hui. En tant que présidente de la Métropole, elle devrait avoir le dernier mot.
C’était l’une des promesses de Jean-Claude Gaudin lors de la dernière campagne aux municipales 2014. Le téléphérique pour relier Notre Dame de la Garde avait depuis fait l’objet d’un vote au conseil municipal et des études sont toujours en cours. Mais au sein même de la majorité municipale Les Républicains, les avis divergent depuis le début de l’année.
Début janvier, la maire (LR) des 1er et 7ème arrondissements de Marseille, Sabine Bernasconi, s’était prononcé en défaveur de ce projet « pharaonique et coûteux » dans les colonnes de La Provence, ce qu’elle nous confirmait quelques jours plus tard, lors de ses vœux le 8 janvier : « les études ont l’air de démontrer que le passage par la corderie paraît impossible à insérer dans paysage […] si le coût à payer c’est de défigurer Saint-Victor, ce n’est pas envisageable pour moi ». L’élue semblait pencher pour le développement de navettes électriques pour désenclaver et désengorger l’accès à la Bonne Mère.
Elle tranchait ainsi avec l’avis de Gérard Chenoz, adjoint (LR) au maire de Marseille en charge des grands projets, qui nous confiait avoir « fini les Assistances de maîtrise d’ouvrage (AMO) et transmis le dossier à la métropole. Le travail continue », évoquant même l’idée de développer le projet ailleurs dans la ville « Plusieurs endroits sont évoqués : le Jarret, l’Hôpital Nord, le Port, L’Estaque, il y en a même qui parlent d’aller aux Goudes en transport par câble ». Il expliquait dans la foulée sur France Bleu Provence que « le rapport sera rendu au mois de juin […] il devrait conclure que le projet est faisable ».
Le maire de Marseille rebondissait, confiant, lors de ses vœux à la presse du 21 janvier : « Nous suivrons de plus près les études pour le téléphérique que je souhaite voir mis en place vers Notre Dame de la Garde ».
Martine Vassal : « c’est la Métropole qui tranchera, donc, pour l’instant, moi »
La présidente (LR) de la Métropole Aix-Marseille Provence, Martine Vassal, qui présentera ce mercredi 6 janvier une série de mesures pour le développement des transports sur le territoire, nous a pourtant exprimé des réticences quant au projet de téléphérique ce matin : « Je ne veux pas défigurer Marseille, on ne m’a pas présenté de projet satisfaisant pour l’instant. C’est vrai qu’il faut trouver une solution sur l’accessibilité à Notre Dame de la Garde… J’ai demandé aux services de regarder d’un peu plus près par rapport au fort d’Entracasteaux ce que l’on pourrait faire, mais on n’a aussi le problème financier qui se pose. D’accord, le téléphérique est beaucoup moins cher que le reste au kilomètre que d’autres transports, mais attention à ne pas défigurer Notre Dame de la Garde. Et puis, la Métropole se lance dans une série de projets indispensables pour la mobilité, le téléphérique l’est moins. Un parking de délestage, oui, ça c’est une priorité ».
“On va concerter, on va regarder, le projet est important mais pas indispensable, il faut qu’on nous fasse des propositions techniques qui nous permettront d’être d’efficaces” poursuit la présidente.
La Métropole aurait également travaillé sur la question du désengorgement de la basilique. La création d’un parking conséquent aux abords de Notre-Dame de la Garde pourrait coïncider avec le projet de réseau de navettes électriques évoqué par Sabine Bernasconi pour le quartier.
Si le projet est porté par Jean-Claude Gaudin, la compétence pour les transports est métropolitaine. La décision finale pour le téléphérique reviendrait donc au président de l’intercommunalité. Ce que confirme Martine Vassal : « au final, c’est la Métropole qui tranchera, donc, pour l’instant, moi ».
Le projet expliqué dans notre article de mars 2018
Qui pour réaliser le projet de téléphérique ?
Systra a remporté l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) du téléphérique de Marseille entre le Vieux port et la Basilique Notre-Dame de la Garde. La société est ainsi mandataire d’un groupement composé de l’ingénierie Tim, spécialiste du transport par câble, de Transitec Ingénieurs Conseils, spécialiste en étude de trafic, et du cabinet d’avocats MCL. Le groupement assurera les études et supervisera les travaux, avec pour objectif une mise en service en 2021.
Après Brest, mis en service fin 2016, les projets de transports par câble en milieu urbain se multiplient en France. En 2017, SYSTRA a remporté les deux marchés de conception réalisation lancés à Toulouse et à Orléans.
Quel projet pour ce téléphérique urbain ?
Attaché à la “carte postale du Vieux-Port” comme il nous le confiait récemment, Jean-Claude Gaudin ne souhaite pas que le téléphérique traverse le Vieux Port. C’est pourquoi il a demandé à le faire partir au pied du Fort Entrecasteaux pour ensuite lui faire rejoindre Notre-Dame de la Garde.
À la fois moyen de transport et attraction touristique, ce projet a pour but de faciliter les déplacements des Marseillais et touristes qui souhaitent monter à la Bonne Mère, notamment pendant la saison estivale. “Entre juillet et août, Notre-Dame de la Garde reçoit 400 000 personnes et en tout il y a 2 millions de visiteurs à Marseille. L’été, il n’est plus possible d’aller à Notre-Dame de la Garde, c’est devenu inaccessible, donc il faut que l’on arrive à trouver quelque chose”, mettait en avant Jean-Claude Gaudin il y a quelques mois.
Ce projet évoqué depuis 2014 par les élus, pourrait être lancé avant la fin du mandat de Jean-Claude Gaudin en 2020, nous annonçait Gérard Chenoz, adjoint au maire et vice président de la métropole, que nous avons interviewé en décembre 2016 (voir ci-dessous).
Ce projet, dont le coût final n’est pas encore connu pourrait osciller entre 5 et 15 millions d’euros pour 1 km de câble, selon Gérard Chenoz. Un chiffre un peu différent lorsque l’on regarde le coût de revient du téléphérique de Londres (56 millions d’euros pour 1,1 km).
Le vote du Conseil municipal en décembre 2016
Le 5 décembre 2016 lors du Conseil municipal, une délibération portait sur le lancement d’une étude d’un million d’euros pour connaitre la faisabilité d’un tel projet. À gauche, les élus s’étaient dit favorables à un tel projet, mais s’inquiétaient des modalités de réalisation d’une infrastructure comme celle là. À l’extrême droite, l’inquiétude concernait un téléphérique trop court qui ne va pas jusqu’au J4 et ne franchit pas le Vieux-Port.
Eugène Caselli (groupe socialiste) nous confiait “Notre groupe n’est pas opposé à cette étude qui permet d’aménager un projet écologique, économique et qui va désengorger le très saturé secteur de Notre Dame de la Garde. Nous nous questionnons sur la dégradation paysagère que va entrainer cette construction et sur les modalités techniques. Qui sera le maitre d’ouvrage de ce projet ? Se posera aussi le problème de la desserte en cars de touristes au plus près de la station du téléphérique du côté du Vieux-Port ?”
Le Front National s’était abstenu de voter un projet jugé insuffisant. Selon Elisabeth Philippe (Marseille d’abord) “Il aurait été préférable que le téléphérique aille de Notre Dame de la Garde au J4 en enjambant le MuCEM, pour que la pente soit plus douce et pour que l’accès soit plus aisé pour les cars et touristes.”
De son côté Jean-Claude Gaudin a réaffirmé sa position sur un ouvrage franchissant du Vieux-Port qu’il voit d’un mauvais oeil “Je ne veux pas que l’on aille du J4 à Notre Dame de la Garde et je ne veux pas que l’on gâche la carte postale du Vieux-Port avec une passerelle ou un téléphérique. Il faut trouver un moyen de pouvoir accéder du Vieux-Port à Notre Dame de la Garde sans encombrer la ville.”
Pourquoi un téléphérique ?
Les avantages d’un téléphérique urbain dans une ville au relief très marqué
- le franchissement d’obstacles est plus facile
- la faible emprise au sol
- les impacts sonores du déplacement des cabines sur la ligne sont aussi très faibles
- la fiabilité du service concernant les horaires
- un cout 3 fois moins cher que le tramway et 10 fois moins que le métro
- une pollution nettement plus faible que les autres moyens de transports
Les difficultés d’un téléphérique urbain
- la négociation avec les habitants qui se retrouveront sous le tracé choisi
- le cout de revient et la complexité d’aménager des stations – gares dans des espaces assez contraints
- l’acceptation des Marseillais face à un projet qui va transformer le paysage
- la complexité de faire fonctionner ce moyen de transport les jours de fort Mistral (les vitesses de vent maximales admissibles par les transports par câble varient de 70 à 110 km/h suivant les systèmes)
L’interview de Gérard Chenoz fin 2016
Pourquoi dévoilez-vous le projet maintenant, alors qu’il est dans les cartons depuis 2014 ?
Dans les grands projets d’attractivité dont j’ai la charge, il figure un téléphérique, hors jusqu’en novembre l’année dernière, on avait une réglementation assez stricte sur le survol des habitations, qui a été levée par un décret d’application à la Cop21, avec la loi de transition énergétique, ce qui veut dire que c’est devenu un peu plus facile qu’avant pour mettre en place le projet. Aujourd’hui, beaucoup de villes reconsidèrent le transport par câble en milieu urbain… On le voit à Brest ou à Lyon pour ne citer qu’elles.
Quel est le principal objectif de ce projet ?
Il faut surtout désengorger l’accès à Notre Dame de la Garde, qui accueille 2 millions de visiteurs chaque année. Cela crée de gros problèmes de trafic avec les cars et les voitures dans le quartier. Donc, on pense que le premier téléphérique de Marseille devra desservir Notre Dame de la Garde. Et, on réfléchit actuellement à la manière de combiner l’enjeu touristique et l’usage régulier des habitants, même si l’objectif est clairement plus touristique que quotidien, surtout avec seulement deux stations.
Je voudrais d’ailleurs préciser que les emplacements des stations présentés sur la carte, ne sont pas définitifs. Nous réfléchissons aujourd’hui à la station du Vieux-Port, qui est pour l’instant localisée sur le Fort Saint-Nicolas, mais en fait la réflexion se porte sur tout ce secteur.
Des images de l’ascenseur de Notre Dame de la Garde
Combien couterait un projet de téléphérique aux contribuables ?
Pour l’instant, même si l’on n’a pas une idée exacte du coût, on sait que c’est un moyen de transport peu cher, c’est d’ailleurs le transport urbain le moins cher. Puisque selon le terrain, le prix évolue de 5 à 8 millions d’euros le kilomètre (Ndlr : trois fois moins cher qu’un tramway et dix fois moins qu’un métro). En plus, techniquement il ne devrait y avoir aucun problème, car on voit tous les jours des téléphériques circuler dans des conditions extrêmes, dans les stations de ski par exemple.
Quand est ce que le projet pourrait être véritablement lancé ?
On peut imaginer avant 2020. Aujourd’hui, le projet est bien dans les tuyaux, les services travaillent et étudient les faisabilités techniques et les scenarii possibles pour savoir où doit passer exactement le téléphérique et où positionner les gares de départ et d’arrivée. Nous réalisons les premières études d’impact en interne. On pourra vous annoncer quelque chose de plus précis dans quelques mois. Mais, il faut quand même bien comprendre que même si les conditions géographiques sont favorables, faire passer un câble au dessus des habitations demande beaucoup de travail et de réflexion.
Combien coutera le ticket ?
On ne peut pas encore vous dire. Le modèle économique est à l’étude.
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