Alors que la bastide du Jas de Bouffan est en train d’être entièrement restaurée en vue de l’année « Cézanne 2025 » à Aix-en-Provence, les fragments d’une grande fresque peinte par le Père du modernisme ont été mis au jour.
La bastide du Jas de Bouffan n’a pas fini de dévoiler ses mystères. Lieux de vie et de création du peintre Paul Cézanne de 1859 à 1899, la demeure et son jardin font actuellement l’objet d’un grand chantier de restauration en vue de l’année « Cézanne 2025 » à Aix-en-Provence. Récemment, des vestiges inédits ont été mis au jour, dissimulés sous les couches de plâtre d’un pan de mur au sud-est du « Grand salon ».
Tout a débuté à partir d’« une trace très ancienne de pinceau », dépeint Antoinette Sinigaglia, de Sinopia, société spécialisée dans la conservation de peintures murales qui est intervenue sur le site. Un travail quasiment archéologique, fruit des sondages minutieux réalisés sur les murs de la pièce.
« Quand on a commencé le dégagement, on s’est dirigés tout de suite vers ce mur-là, sachant qu’il y avait quelque chose, et voilà le résultat : un énorme fragment de décor, poursuit-elle. Nous voulions tout d’abord être sûrs que c’était bien du Cézanne ». Depuis sa découverte en août 2023, cet ensemble de fragments de 5 à 6 m² a pu être formellement authentifié par la Société Paul Cézanne, association d’éminents spécialistes de l’œuvre du peintre.
Comme le décrit son président, Denis Coutagne, ce panneau affiche « un paysage qui représente une entrée de port, avec une perspective, une ouverture sur la mer et un coucher de soleil qui s’ouvre sur un horizon lointain. On retrouve la même chose dans des décors de Joseph Vernet, fin XVIIIe, avec des oriflammes qui représentent le haut de bateaux, et sur chaque côté, des éléments architecturaux. C’est un panneau d’influence latine, romaine, méditerranéenne ».
Un « Grand salon » prolifique
Pour les spécialistes du Père de l’art moderne, cette découverte est d’une importance majeure, car elle est le dernier témoignage in situ du travail de l’artiste dans sa bastide. De plus, elle semble remettre en cause l’ordre chronologique de création de tous les panneaux connus qui figuraient sur les murs du « Grand salon », que Cézanne avait ornés, entre 1859 et 1869, de neuf peintures aux thèmes variés et que l’on croyait toutes inventoriées.
« On n’imaginait pas qu’il restait encore de la peinture de la main de Cézanne dans le Grand Salon, se réjouit Bruno Ély, historien d’art et conservateur du musée Granet d’Aix-en-Provence. On savait qu’il avait peint beaucoup d’œuvres, […] mais on n’avait pas du tout l’idée qu’il y avait une « Entrée de port », qui est réapparue sous le scalpel, des restaurateurs et qui complétait sans doute les autres paysages que Cézanne avait peints, qui malheureusement, au fur et à mesure des années, de 1912 à 1960, ont été enlevés de ces murs ».
Parmi ces œuvres : « Les Quatre Saisons » (conservé au musée du Petit Palais, à Paris) dans l’alcôve du salon, avec un portrait du père de Cézanne de l’artiste en son centre, « Le Baigneur au rocher » (conservé au Chrysler Museum of Art aux États-Unis), « Entrée de château » (conservé au Japon), « Paysage romantique aux pêcheurs »... qui ont toutes été, une à une, « déposées », ou arrachées des murs, à des fins mercantiles par les nouveaux propriétaires des lieux.
2025, une année placée sous le signe de Cézanne
Néanmoins, certaines de ces toiles seront visibles lors d’une grande exposition au musée Granet dans le cadre de l’année Cézanne à Aix en 2025. Cette année sera également celle de la réouverture de la bastide du Jas de Bouffan au public, avec la mise en valeur du « Grand salon » via un dispositif numérique, un parcours pédagogique dédié à la découverte virtuelle de la vie et de l’œuvre du peintre, des salles d’exposition temporaires, la transformation d’un hangar en auditorium et de l’orangerie en point de restauration.
La Ville prépare également un parcours « Sur les pas de Cézanne », qui permettra de poursuivre la visite de l’exposition dans d’autres lieux emblématiques, dont l’atelier des Lauves, construit en 1901 d’après des plans qu’il a lui-même dessinés, ainsi que de nouveaux sentiers dans les Carrières de Bibémus, avec ses points de vue imprenables sur la montagne Sainte-Victoire et la nature environnante.