Le projet Coco Velten dans le quartier Belsunce (1er) touche à sa fin. Marseille Habitat, le nouveau propriétaire du bâtiment de 4 000 m2, assure s’inspirer de ce modèle de réussite porté par Yes We Camp, le groupe SOS et Plateau urbain, pour écrire une nouvelle histoire.

« Coco Velten tel qu’on le connaît tire sa révérence », introduit Nicolas Détrie, le directeur de Yes we camp, une structure spécialisée dans l’occupation temporaire qui a porté le projet pendant 5 ans. Si son aventure s’achève le 22 décembre, l’association ne veut pas en rester là. Elle a organisé une grande restitution le 29 novembre pour partager ses enseignements et marquer la mémoire du quartier.

« Avec le temps tout s’en va », chantait Léo Ferré. C’est aussi avec le temps qu’on cuisine les meilleurs plats. La recette « Coco » a infusé comme ça, lentement, à feu doux, en mélangeant les publics qui n’avaient pas vocation à se croiser, ni dans la vie ni dans la ville. De ses premiers balbutiements à aujourd’hui, nous avons suivi le projet.

Favoriser l’innovation des usages

« Quand j’étais petit, j’allais aux cours de karaté en face. On croyait que c’était le bâtiment des services secrets de la DGSE car on ne voyait jamais personne rentrer », se remémore Karim Boussalem. En grandissant, il s’est engagé dans le comité d’intérêt de quartier (CIQ) de Belsunce. Pour lui, « ce lieu était nécessaire pour apporter de l’innovation dans les usages ».

À Marseille, le projet Coco Velten mijote depuis 2017 avec pour ambition d’atteindre le zéro sans-abrisme en 10 ans. L’Etat a accepté que Yes We Camp récupère l’îlot Velten pour monter son projet de tiers-lieu innovant en mai 2018.

Le bâtiment de 4 000 m2 s’est ainsi transformé en un lieu unique accueillant un centre d’hébergement d’urgence de 80 sans-abri (groupe SOS) et un espace collaboratif de 42 entreprises (Plateau urbain). Son cœur battant s’est accéléré un an plus tard avec la pérennisation de la cantine solidaire.

Coco Velten, Comment Coco Velten veut laisser son héritage à Marseille, Made in Marseille
La cantine solidaire de Coco Velten © O.C.

Un modèle hybride « qui a fait ses preuves »

Si l’équipe pensait rester entre 12 et 18 mois, le modèle s’est aiguisé cinq ans plus tard, démontrant des résultats.

Sur les 186 résidents de Coco Velten, 115 ont pu être orientés vers une solution de logement pérenne. À noter que le séjour des familles a duré en moyenne 380 jours. « Coco Velten n’est pas un projet temporaire. C’est un projet d’émergence », martèle Nicolas Détrie au gré de la restitution.

Pour Yes We Camp, la réussite tient à la mixité des publics fondée sur la colocation entre les travailleurs sociaux, les habitants et les sans-abri. Les résidents proviennent aussi de divers environnements : 44% issus de bidonvilles, 33% de femmes victimes de violences, 9% en grande précarité, 7% de jeunes isolés et 7% sortants de prison.

Le soin porté à l’esthétisme est un autre facteur de succès mis en avant. « Le beau appelle le bien », souligne Yann Renaud, le directeur régional du groupe SOS. Les murs délabrés se sont habillés de mots tendres. Des chantiers participatifs entre les habitants et les résidents ont donné vie à des fresques murales hautes en couleurs.

Coco Velten, Comment Coco Velten veut laisser son héritage à Marseille, Made in Marseille
Un sans-abris vend des petits livres et affiches dans la cantine © Ma.G

Quelques ajustements

« Mais ils ont mis du temps à se mettre en place », pointe néanmoins le coordinateur du projet JUST, Jean-Régis Rooijackers. L’expert des questions de sans-abrisme, relève « une logique de silos restée forte du côté de l’hébergement » avec « une barrière visuelle quand tu passais la porte ».

Le modèle économique de la structure a aussi mis du temps à émerger. La cantine n’a trouvé son équilibre financier que deux ans après son lancement. Les porteurs du projet ont finalement réussi à financer les 650 000 euros de frais de fonctionnement, avec 60% d’autofinancement et 40% de subventions publiques.

Pendant un temps, les associations envisageaient même un rachat citoyen de l’immeuble, mais cette hypothèse a finalement été écartée par l’État. Le bailleur social Marseille Habitat est in fine devenu propriétaire en mars dernier.

Ce n’est qu’un au revoir ?

À en croire l’ambiance nostalgique de la soirée, les accolades amicales, et le mot « triste » qui se perd dans chaque conversation, le projet Coco Velten fait ses adieux à Marseille.

Or, comme nous l’évoquions dans un précédent article, le bailleur social de la Ville conserve la cantine et le centre d’hébergement social dans son plan de rénovation. Selon nos informations, les acolytes Yes We Camp et le groupe SOS, auraient déjà candidaté à l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) de Marseille Habitat.

Si la fin de Coco Velten semble heureuse, une réalité est plus triste à constater : l’objectif du « zéro SDF » à Marseille en 2027 est devenue une utopie du passé. Selon les derniers chiffres de la fondation Abbé Pierre, la région a connu une hausse de 35 % des demandes de logement d’urgence entre 2020 et 2022.

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