L’artisanat fait travailler 380 000 personnes, patrons et salariés, en Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est un secteur qui pèse dans l’économie régionale. Mais il fait face aujourd’hui à de nombreux défis, notamment celui de la formation.
Avec 217 000 entreprises en Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’artisanat représente 33% du tissu économique marchand et regroupe plus de 380 000 salariés et chefs d’entreprises. « C’est un secteur à préserver car il participe à l’attractivité et au bien vivre des territoires », défend Yannick Mazette, président depuis novembre 2021 de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat (CMAR) PACA.
Le maître artisan boulanger dévoile ce 12 septembre une nouvelle enquête sur la situation de l’artisanat dans la région. S’il se veut optimiste, il ne cache pas son inquiétude vis-à-vis des enjeux auxquels est confronté le secteur. Comme l’année dernière, le défi qu’il juge le plus important reste celui de la formation pour préparer la vague de transmissions qui se profile. Selon les prévisions, d’ici à 2030 dans la région, 54 000 artisans céderont leur activité en partant à la retraite.
L’inflation joue les trouble-fêtes
À première vue, le secteur de l’artisanat, qui pèse environ 17% du PIB régional, se porte bien. 30 000 entreprises ont été créées au cours de la dernière année. Mais l’activité reste fortement impactée par l’inflation, notamment la hausse du coût des matières premières et du carburant, qui entraîne aussi une augmentation des salaires que les patrons doivent financer.
« On est résilient mais la résilience a ses limites. On voit des entreprises qui baissent les bras », met en garde Yannick Mazette. Cependant, si 53% des entreprises estiment que leur activité est actuellement insuffisante, 25% seulement envisagent une baisse d’activité en 2023, contre 29% en 2022, et seules 17% envisagent une baisse d’effectif. « Ce n’est pas si mal au vu de l’actualité », note Alexis Kotenko, directeur régional de l’ingénierie de l’offre à la CMAR.
Plus inquiétant en revanche pour les 36% d’entreprises qui disent vouloir recruter, 75% d’entre elles affirment avoir du mal à le faire. « D’où l’importance de renforcer la formation », insiste le président de la CMAR qui rappelle que « l’inflation que les entreprises subissent, on la subit aussi sur les coûts de l’apprentissage ».
Baisse de la prise en charge des contrats d’apprentissage
Face à la crise économique, la CMAR PACA a justement interpelé l’an dernier la Région Sud et a obtenu en janvier 2023 une aide de 3 millions d’euros. Un fonds dont l’utilisation a déjà bénéficié à 250 entreprises et devrait s’échelonner jusqu’au premier trimestre 2024, période pendant laquelle la facture énergétique risque de grimper.
Mais c’est un décret du 6 septembre 2023, relatif à la fixation des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, qui met en émoi Yannick Mazette. « Aujourd’hui, France Compétence est déficitaire et ils veulent faire des économies, s’inquiète le maître boulanger. On va perdre 2,8 millions d’euros au niveau de la région. Cela va nous mettre en difficulté sur le financement des CAP coiffure, boulangerie, boucherie, électricité, maçonnerie… ». 15 formations au total seraient impactées.
« On souhaite monter en puissance sur le nombre d’apprentis, poursuit-il, mais il faut réaliser que créer un plateau technique, c’est 800 000 euros d’investissement pour une douzaine de jeunes formés en même temps. On ne met pas autant de monde que dans un amphi, ça a un coût. On risque de réaliser dans quelques années qu’on a plus de bouchers, de coiffeurs…».
Un pool financier régional pour la transmission
Pour préparer le défi de la transmission d’entreprises, Yannick Mazette évoque en contrepartie un projet qui serait, selon lui, « une première au niveau national » : la création d’un pool financier régional pour la transmission avec plusieurs banques coopératives. « C’est l’enjeu de cette mandature, on y met toute notre énergie », insiste-t-il.
Au-delà de la transmission, l’évolution de l’artisanat représente également un défi : « On parle aujourd’hui des métiers de la décarbonation comme le photovoltaïque, la voiture électrique. De l’intelligence artificielle aussi. Il faut qu’on forme sur ces nouveaux métiers qui vont répondre aux nouvelles attentes de demain. C’est une opportunité pour notre pays et notre région doit être un modèle ».
Autant d’opportunités et de perspectives pour « cette jeunesse un peu perdue qui s’est manifestée pendant les émeutes », conclut le président de la CMAR sur une note d’optimisme.