Malgré leur situation idéale en bordure des plages du Prado, les places Amiral Muselier et de l’Honnêteté font figure de verrues dans le quartier. À un an des Jeux olympiques, qui devraient générer un afflux de visiteurs, la Ville esquisse un projet de réhabilitation.
« Nous avons ici un concentré de tout ce qui n’aurait jamais dû être fait dans un espace public ». Guillaume Jousset ne mâche pas ses mots quand il parle de l’état de la place Amiral Muselier, face aux plages du Prado, et de la seconde place qui la surplombe, celle de l’Honnêteté. Le directeur Infrastructures de la société d’aménagement publique de la Métropole (Soleam) porte un regard sévère sur ce site qui n’a cessé de se dégrader au fil des années.
La Ville de Marseille souhaite aujourd’hui redonner un second souffle à ce morceau de ville en souffrance, à quelques encablures seulement de la base nautique qui accueillera les épreuves de voile olympiques l’année prochaine. La mairie des 6e et 8e arrondissements a convié les habitants le 6 juillet dernier pour leur présenter une première esquisse de projet, dans le cadre d’un « laboratoire citoyen ».
Fermeture de l’aquarium du Prado en 1994
« Vous vivez dans un endroit magnifique, un balcon sur la mer… mais, depuis 1994, cet espace s’est dégradé et il faut qu’on reprenne aujourd’hui notre destin en main », lance Olivia Fortin, la maire de secteur, dès sa prise de micro, face aux riverains.
1994, c’est la date à laquelle a fermé l’Aquaforum, un aquarium inauguré en 1988 sous la place Amiral Muselier. Les Marseillais s’y pressaient pour contempler dans un décor exotique 8000 poissons, de 350 espèces différentes, venus du monde entier. Ce projet privé, imaginé par Charles Deloste – un Marseillais passionné par l’univers sous-marin – a pris fin subitement 6 années plus tard quand une vitre de l’aquarium principal s’est brisée.
Embourbé dans un long procès à l’encontre des fournisseurs, « l’aquarium du Prado » n’a finalement jamais rouvert ses portes. Et la place située au-dessus, qui porte les stigmates de cet abandon, est progressivement tombée en désuétude, au gré des projets de reprise qui se sont succédé, sans jamais aboutir.
Mise en demeure d’Aquaforum
Les deux trous laissés béants, au milieu des places Amiral Muselier et de l’Honnêteté, dont le réaménagement avait été confié en 2012 à la Soleam, sont aujourd’hui des balafres difficiles à dissimuler. « Aquaforum n’a pas fini de réaliser les travaux qu’il devait faire dans le cadre de son contrat avec la Ville, dénonce Olivia Fortin. Nous avons donc décidé de mettre le propriétaire en demeure. On demande une remise en état du local souterrain ».
Après plusieurs années de flottement, la municipalité espère débloquer la situation pour que les lieux puissent afficher un visage présentable au moment des JO de 2024. Une « mise en sécurité » est notamment attendue, « pour éviter les intrusions », mais aussi un travail sur les finitions pour « améliorer l’esthétique » du site, en attendant une éventuelle occupation.
L’occupation du local, justement, n’est pas encore à l’ordre du jour. « Une école de commerce souhaitait s’y installer, nous confie la mairie des 6-8. Mais la vente n’a pas pu aller au bout en raison d’un problème d’étanchéité. Une procédure d’expertise est en cours pour définir qui est responsable de régler ce problème ». À terme, la Ville souhaiterait voir s’installer « un porteur de projet qui apporte une plus-value » au quartier. Si elle peut jouer le rôle de facilitateur, elle n’a néanmoins pas la main sur ce dossier d’ordre privé.
Une continuité de promenade avec le jardin Valbelle
Pour redonner un second souffle à ce « balcon sur la mer », la Ville veut travailler sur trois axes : le cadre de vie, la place des enfants et celle des commerces. Face à la trentaine de riverains venus s’exprimer ce 6 juillet, Anne Meilhac, adjointe d’arrondissements à la transformation de l’espace public, et Eliott Perenchio, adjoint délégué au quartier Prado Plage, dévoilent, plan à l’appui (voir ci-dessus), un pré-projet de réfection de la place de l’Honnêteté, pour un budget de 762 000 euros et une livraison avant les JO.
Opsia Méditerranée, mandaté aux côtés de la Soleam pour sa réalisation, en esquisse les contours. « On va désimperméabiliser 30% de la place, annonce Arnaud Franqueville. Nous allons créer deux petites forêts urbaines avec des bancs et des jeux, ainsi qu’une grande pergola afin de créer un espace de convivialité ». L’architecte-paysagiste propose également d’installer des jardinières pour empêcher le stationnement anarchique régulièrement dénoncé par les habitants de la place.
« À travers le renforcement de la végétalisation, on souhaite réduire l’îlot de chaleur et créer une continuité de promenade avec le jardin Valbelle, qui a débuté sa rénovation cet hiver », précise la mairie de secteur. En revanche, la renaturation de la place Amiral Muselier semble plus compliquée. « On est torturé par la présence du bâtiment en souterrain, on a une faible marge de manœuvre, y compris pour la mise en accessibilité », regrette Guillaume Jousset. L’installation de plantes et de bancs autour de la fosse n’est cependant pas exclue, « pour essayer de transformer cette verrue en quelque chose de plus agréable ».
Lancer une nouvelle dynamique commerciale
La mairie de secteur espère aussi mettre fin à la vacance commerciale sur les deux places. Pour cela, elle compte sur l’appui de Rebecca Bernardi, adjointe au maire de Marseille en charge du commerce, pour lancer une nouvelle dynamique, trouver « un bon équilibre » et donner vie à « un petit noyau villageois ».
« On peut faciliter l’implantation d’établissements », confirme l’élue. Si les commerces et services de proximité seront privilégiés sur la partie haute, bordée de résidences, la partie basse pourrait en revanche accueillir quelques terrasses supplémentaires « pour profiter de la vue mer », glisse la mairie de secteur, qui aimerait aussi faire venir un petit marché de producteurs.
« Je propose qu’à partir de 18h on ne puisse plus venir sur la place », lance alors une habitante. Une proposition classée sans suite mais qui révèle l’équilibre délicat qu’il conviendra de trouver entre animation et tranquillité. Présence de la police, renforcement de l’éclairage, couvre-feu… le laboratoire citoyen a ce soir-là été pris d’assaut par les questions de sécurité.
Le projet de revitalisation des places Amiral Muselier et de l’Honnêteté vient s’ajouter à d’autres mutations en cours sur les plages du Prado, avec la livraison à venir de la nouvelle base nautique du Roucas Blanc et la poursuite à l’automne, par la Métropole Aix-Marseille-Provence, de la requalification de la promenade Pompidou jusqu’à l’embouchure de l’Huveaune. Un sprint qui aura pour « finish line » les Jeux olympiques.