Alors que la bataille pour les élections municipales de 2026 est déjà lancée à Marseille, les personnalités politiques se défendent de vouloir instrumentaliser la prochaine visite présidentielle en ce sens. À cela près que chacun semble vouloir tirer bénéfice du plan Marseille en grand, devenu un enjeu électoral.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces dernières 48 heures, « chicayas » est le terme à la mode. À quelques jours de la visite d’Emmanuel Macron à Marseille, les présidents d’institutions (Renaissance et divers droite) comme le maire (DVG) de Marseille se défendent d’être dans les « chicayas politiques locaux » et prennent de la hauteur.
Tous ont encore en mémoire le discours du président de la République, depuis les jardins du Pharo en 2021 déroulant le plan Marseille en grand, dans lequel il conditionne l’arrivée de milliards sur le territoire au fait de mettre les querelles de chapelles de côté pour travailler dans l’intérêt commun. En ligne de mire, à l’époque, les relations tendues entre la majorité de droite à la Métropole Aix-Marseille Provence et la municipalité Printemps marseillais, alliance des forces de gauche.
Depuis, entre deux “je t’aime moi non plus”, se sont invitées les élections municipales qui n’auront lieu que dans trois ans. Une échéance à laquelle s’ajoute de récents épisodes venus alimenter les polémiques sur les réseaux sociaux, à l’instar de la démission de l’adjointe à l’urbanisme Mathilde Chaboche de la majorité municipale, du changement de délégataire du château de la Buzine ou encore le refus d’accès à un gymnase municipal à La Busserine à une équipe venue préparer la visite du chef de l’État, sur fond de perte de clés.
« Quand le président de la République vient ici, il ne pense pas aux municipales »Renaud Muselier, président (Renaissance) Région Sud
Sans compter un récent sondage Ifop* pour la Tribune et Public Sénat, qui assoit le leadership de Benoît Payan à mi-mandat et confirme comme challengers pour les prochaines élections, Martine Vassal, présidente (DVD) de deux institutions (Métropole et Département) et Renaud Muselier, président (ex-LR passé à Renaissance) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
La « méthode Muselier »
Malgré le contexte, les partisans du chef de l’État réfutent vouloir instrumentaliser la visite présidentielle en vue des élections de 2026. « Quand le président de la République vient ici, il ne pense pas aux municipales, confiait à la presse Renaud Muselier à la veille de la plénière de la Région. Celui qui pense aux municipales, c’est le maire qui n’a pas été élu et qui veut être élu [Benoît Payan a été élu maire en décembre 2020 après la démission de Michèle Rubirola, ndlr]. Lui il y pense, moi pas. Il est obnubilé par ça, et il élimine tout ce qu’il y a autour de lui et qui le gêne », poursuit le patron régional.
S’il réitère ne pas être candidat à la mairie de Marseille, le président de la Région Sud entend toutefois peser dans le match. Peu en phase avec le cap impulsé par l’édile marseillais, avec lequel par ailleurs, il n’a « aucun problème », Renaud Muselier avait réuni, fin mars, les élus marseillais de sa majorité régionale pour leur demander s’ils étaient en accord avec la politique menée par Benoît Payan : « Ils m’ont tous répondu non. Je leur ai dit qu’il fallait qu’ils s’expriment ».
Il s’emploie depuis à construire une large coalition de droite pour ravir les clés de la ville à Benoît Payan en 2026, grâce à la “méthode Muselier”. « La droite seule ne pourra pas gagner cette ville. Il faut faire comme j’ai fait à la Région. Additionner tous les gens raisonnables qui, quelque part, ne se retrouvent pas dans les extrêmes ».
Première illustration en mai dernier, avec l’organisation d’une grande réunion avec Martine Vassal, candidate (LR à l’époque) malheureuse en 2020, aux côtés de nombreux élus et parlementaires issus des rangs de Renaissance, Horizon, LR. « Quand il voit la photo de famille sur laquelle on est tous réunis, ça lui complique la tâche, poursuit Renaud Muselier. Payan n’est pas le seul à aimer sa ville, on est 800 000 Marseillais qui adorent Marseille ».
Métropole-Ville, retour vers le futur ?
Pour l’autre supporter de Marseille, la venue d’Emmanuel Macron n’a pas non plus vocation à nourrir une bataille électorale débutée plus de mille jours avant le rendez-vous aux urnes. « Je trouve dommage que celles et ceux qui sont censés le soutenir ne souhaitent finalement que l’échec de la venue du Président de la République. Objectivement, avec des amis comme ça, il n’a pas besoin d’ennemis, commente le maire, à l’occasion d’une rencontre avec la presse, mercredi 21 juin. Je souhaite que la visite se passe dans les meilleures conditions et elle doit se passer dans les meilleures conditions. Ils devraient éviter de s’enfermer dans des guerres picrocholines, ils risquent de s’épuiser. Les Marseillais voient bien quand on défend leurs intérêts ou des intérêts particuliers ou électoraux ».
« Un élu est en campagne du 1er janvier au 31 décembre, dès le lendemain de son élection ».Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille Provence
Dans ce même sondage Ifop publié début juin, les Marseillais (53%) accordent leur confiance au maire de la deuxième ville de France. Plus de 60% d’entre eux le jugent « compétent », efficace pour « défendre les intérêts de Marseille » et « honnête ». Pour autant, les écoles et la gestion financière qui sont de compétence municipale, et les transports, le logement, la propreté, de compétence métropolitaine, demeurent inlassablement des points noirs.
Le travail avec l’intercommunalité se poursuit néanmoins sur les enjeux clés, notamment sur les principaux dossiers du plan Marseille en grand, comme les transports. « On continue. On est à disposition du maire de Marseille comme on l’a toujours été », affirme Martine Vassal, présidente de la Métropole, alors qu’elle vient d’achever une tournée bilan de mi-mandat et fait des annonces sur les transports.
Le sujet de la propreté prendra, quant à lui, plus de temps. « Je travaille de manière très fine sur cette question-là », ajoute le maire, qui appelle Martine Vassal à « ne pas tomber dans le piège que lui tend Renaud Muselier, qui essaie de la faire passer pour tiède parce qu’elle travaillerait pour l’intérêt général. Je souhaiterais qu’elle soit insensible à ça ». Pour lui, dire vouloir travailler pour l’intérêt des Marseillais et engager une bataille électorale trois ans avant, « c’est schizophrénique et contradictoire. On ne peut pas travailler avec quelqu’un dont le seul objectif est de vous détraquer pour les élections municipales ».
« Assez grande » pour se « défendre toute seule », la principale concernée remercie pour ses conseils, « mais qu’il s’occupe d’abord de l’identité du territoire, avant de me donner des leçons ». Ce qui importe à la présidente de la Métropole, « c’est le résultat. Les propos qui sont tenus sur les chicayas-chicayas, ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est de faire avancer les projets ». Quant aux reproches sur le départ anticipé de la campagne municipale, pour elle, « un élu est en campagne du 1er janvier au 31 décembre, dès le lendemain de son élection ».
Quelle incarnation politique de Marseille en grand ?
C’est autour du plan Marseille en grand que se cristallisent les rivalités. Malgré les 5 milliards investis pour Marseille, le sondage révèle que 36% des habitants ne voient aucun effet visible pour l’heure, quand 19% n’ont pas même entendu parler de ce « plan Marshall » pour la deuxième ville de France. « À partir du moment où il n’y a pas d’incarnation de Marseille en grand, c’est compliqué », observe Renaud Muselier, qui dit avoir évoqué le sujet avec le Président de la République.
Il estime que « ce n’est pas au maire de le porter de toute façon, parce que le maire a peur de tout le monde. Il veut récupérer les sous, mais ne rien porter. Quand vous regardez son projet de ville, qu’est-ce qu’il présente ? Quand vous discutez avec Estrosi [maire de Nice, ex-LR qui a rejoint Horizons, le parti d’Edouard Philippe, ndlr], vous savez où il veut aller. Marseille, vous vous posez la question… »
« Marseille en Grand, ça s’appelle Marseille en grand, pas la Région en grand ou la Métropole en grand »Benoît Payan, maire de Marseille
« Marseille en Grand, ça s’appelle Marseille en grand, pas la Région en grand ou la Métropole en grand, exprime Benoît Payan. Tout le monde doit essayer de se concentrer au bénéfice des Marseillais(es) et chacun doit apporter sa pierre. J’accueillerai avec plaisir la présidente de la Métropole et le président de Région sur les séquences. Chacun peut prendre sa place, inutile d’avoir de l’amertume. Je préfère avoir du zèle dans la douceur que dans l’amertume ».
Le maire dit avoir trouvé dans le chef de l’État « un partenaire fiable et qui aime cette ville ». « Si je fais Marseille en grand avec quelqu’un qui n’est pas de ma sensibilité politique, c’est qu’on décide de dépasser l’objet politique. C’est ce que je dis d’ailleurs à mes collègues présidents d’institutions : dépasser nos chapelles politiques, arrêter de voir ce que vous y gagnez et ce que j’y gagne ».
Même s’il ne partage pas les mêmes idées politiques sur le plan national que le chef de l’État, il lui reconnaît un travail hors norme pour Marseille. L’édile dit « assumer » leurs désaccords, y compris sur l’avenir de la ville. « Je ne me priverai pas de le dire. Mon rôle, c’est de me battre pour les Marseillais(es), même ceux qui ont voté pour Martine Vassal et Renaud Muselier. Je défendrai les intérêts de la ville jusqu’au bout ».
*L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 805 personnes, représentatif de la population marseillaise, et les questions posées par téléphone entre le 26 mai et le 3 juin derniers.