À quelques jours du déplacement d’Emmanuel Macron à Marseille, le maire Benoît Payan revient sur les avancées du plan Marseille en grand et sur les attentes de cette nouvelle visite présidentielle de trois jours qui intervient dans un contexte politique local tendu.
Le président de la République sera en déplacement à Marseille du 26 au 28 juin. Trois jours pour évaluer les avancées du plan Marseille en grand, lancé en septembre 2021 depuis les jardins du Pharo. Un programme d’ampleur sans équivalent en France, engrangeant des milliards d’euros sur le territoire, pour rattraper le retard accumulé ces dernières décennies en matière de transports, de logements, d’écoles, d’infrastructures publiques… « Il faut constamment faire de la transparence et mesurer pour pouvoir corriger. Il ne faut pas avoir peur de regarder ce qui marche et ce qui ne marche pas dans ce que l’on fait. Je reviendrai dans quelques semaines faire le point sur Marseille en grand dans son intégralité. Et à ce moment-là, on verra ce qu’il faudra ajuster », avait indiqué le chef de l’État, en juin dernier.
Plusieurs fois repoussée en raison du contexte sociopolitique national éruptif, cette nouvelle visite présidentielle intervient toutefois dans un climat politique local sous tension. Depuis quelques semaines, la droite (LR et Renaissance) et la gauche locales (Printemps marseillais) se livrent déjà bataille sur fond d’élections municipales prévues… dans trois ans.
Accords et désaccords
Renforcé dans son leadership par un récent sondage (Ifop/Public Sénat pour La Tribune), et depuis qu’une délégation venue préparer la visite du chef de l’État à La Busserine s’est vue refuser l’accès à un gymnase municipal, Benoît Payan est notamment critiqué par ses détracteurs et partisans d’Emmanuel Macron, sur sa propension à vouloir tirer partie seul des bénéfices de Marseille en grand. Il assiste à « cela avec des yeux mi-amusés, mi-tristes pour les personnes qui essaient de faire ça, exprimait le maire de Marseille, mercredi 21 juin, devant la presse. Marseille en grand a été construit en se disant qu’on se tiendrait loin des argumentations de politique politicienne, des polémiques et des chicayas. Et on est d’accord avec le Président de la République ».
Même s’il ne partage pas les mêmes idées politiques que le chef de l’État, « c’est plutôt le contraire », l’édile dit « assumer » leurs désaccords, y compris sur l’avenir de la ville. « Je ne me priverais pas de le dire. J’ai assumé mes désaccords avec la Première ministre quand elle est venue, ce qui ne nous empêche pas de travailler ensemble, au contraire, c’est plus sain. Ce n’est pas parce que je suis opposé à Emmanuel Macron sur le plan national que je ne lui reconnais pas un travail hors norme sur Marseille », poursuit le maire.
Lui qui a trouvé dans le chef de l’État un « partenaire fiable et qui aime cette ville » attend de cette visite de nouvelles annonces, ou, « en tout cas, l’affirmation que Marseille reste une priorité pour le chef de l’État et que la réalité de Marseille en grand doit s’amplifier encore. Il y a des sujets sur lesquels il va falloir annoncer des moyens supplémentaires, il y a encore des choses à simplifier ».
Des moyens supplémentaires pour les écoles
Plusieurs séquences sont au programme avec un point d’étape du plan de rénovation des 470 écoles à 1,2 milliard d’euros. Malgré le contexte d’inflation et la difficulté d’approvisionnement en matériaux, le calendrier de rénovation/construction des écoles est tenu selon le maire. 28 chantiers sont en cours actuellement. « Ce qui au regard de la capacité d’une ville est du jamais vu », assure Benoît Payan. « On va probablement avoir besoin de moyens supplémentaires, car les coûts de la construction, des matériaux et de l’énergie ont augmenté dans des proportions très significatives, par rapport à septembre 2021 (jusqu’à 30%) ».
Le choix de l’école pour la visite de circonstances sera arrêté dans les prochains jours. « Après les annonces en 2021, c’est bien de voir une école pousser début 2023 ».
Accélérer sur le volet transports vers le Nord
Si sur ce sujet, pour lequel la municipalité a pleinement la main, les choses avancent, le grand dossier de la mobilité mérite, selon lui, un grand coup d’accélérateur. Pour l’édile, le choix de l’État de conditionner les crédits pour la création des transports vers le nord est le « bon ».
« Pour nous, c’est une vraie victoire. Pas parce qu’on est content d’avoir gagné un bras de fer avec la Métropole, car il ne s’agit pas de ça, mais de faire entendre raison à mon EPCI qui avait décidé de développer les transports à contre-courant de l’histoire. Si la Métropole veut obtenir ces crédits, il faut maintenant qu’elle accélère autour de la construction des transports en commun vers le nord, il ne s’agit pas d’abandonner le sud, bien au contraire. C’est engagé, j’aimerais que ça aille plus vite. Je tiens particulièrement à ce que l’on continue à mailler le territoire en transports en commun : il faut continuer à programmer du tramway et à réfléchir à la programmation de métro, et je souhaite qu’on fasse des annonces ».
Sécurité : reconnaissance des victimes et moyens significatifs
Autres temps forts de ces trois jours, une rencontre en toute intimité avec les familles des victimes de règlements de comptes à La Busserine. « Beaucoup de familles se sont senties abandonnées et ont des choses à lui dire. Quand on est une maman et qu’on perd son fils de 15 ans, on est coupable de quoi ? Ces familles doivent être traitées comme des victimes. Le Président a raison de leur accorder ce statut. On peut considérer que c’est de l’ordre du symbolique, or là le symbole a une force : il faut rendre de la dignité à ces victimes ».
S’il juge que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a « tenu parole » sur les renforts de la police nationale, pour autant, ces effectifs de sécurité publique ne sont pas requis pour lutter contre les problématiques de narcotrafic international. À ce titre, il souhaite des renforts « plus forts » en police judiciaire, police scientifique et financière, aux douanes, « un maillon essentiel de la chaîne », mais aussi plus de magistrats, greffiers, procureurs ou encore des moyens en cyber-sécurité… « Les têtes de réseaux sont ailleurs, elles ont des flux financiers très difficiles à identifier. C’est là qu’il faut aller taper, il faut aller taper dans les armes et dans l’argent ». Les quartiers Nord seront aussi l’occasion de faire un point sur les grands chantiers de rénovation urbaine.
La santé, un rattrapage des salaires à l’AP-HM
Côté santé, selon nos informations, une visite est prévue à l’hôpital militaire de Laveran, devenu pour beaucoup d’habitants des quartiers Nord un établissement de santé de proximité, dont les urgences sont bien plus accessibles que les sites de l’AP-HM à Notre-Dame-Limite ou à la Timone.
Les études préparatoires ont été lancées en début d’année pour la construction d’un futur hôpital d’instruction des armées doté de 300 lits qui doit être opérationnel en 2030. « Je ne souhaite pas déshabiller les quartiers d’un outil qui permet aux habitants des quartiers Nord de pouvoir aller à l’hôpital. Je souhaite que ça reste dans le 13-14e, ajoute Benoît Payan. C’est ce que j’ai indiqué au chef de l’État. On verra comment il conçoit les choses. Il est, je pense, assez sensible à ces arguments ».
Par ailleurs, il abordera la question du rattrapage des salaires à l’AP-HM. « Il n’y a pas de raison que les salaires de l’AP ne soient pas au niveau des hospices de Lyon et de l’AP-HP. Cela correspond à une prime logement. Il va falloir qu’il y ait aussi des engagements là-dessus. Je ne sais pas si on y arrivera dans les jours qui viennent, mais je n’en démordrai pas ».
L’influence de Marseille sur le Grand port maritime de Marseille
Autre sujet sur lequel Benoît Payan ne lâchera pas : le Port. « Ça ne peut pas rester un État dans l’État, tel qu’il est aujourd’hui. Le Port doit appartenir à ses travailleurs et aux Marseillais(es). Le Port est une chance pour la ville et je ferai tout pour que sur cette question-là il y ait une interface de plus en plus prégnante entre les Marseillais et le Port ».
Le maire considère que la Ville, qui détient un siège au sein de conseil de surveillance, ne « peut pas être absente des décisions stratégiques. Le strapontin qui est donné depuis des décennies à la Ville de Marseille ne me convient pas et mes prédécesseurs, quelles qu’eussent été leurs sensibilités politiques, se sont toujours plaint du fonctionnement de ce port et de la manière dont les dirigeants du Port ont regardé, traité la ville. Il y a un vrai travail législatif à faire et un travail intellectuel à mener sur le fonctionnement d’un port autonome aujourd’hui, quel sens lui donner, et ça correspond à ce que je souhaite qu’on inscrive avec le chef de l’État. Je veux qu’on prenne une décision politique de changer le cap sur le port ».