Après l’effondrement d’un immeuble rue de Tivoli (5e) à Marseille dans la nuit de samedi 8 à dimanche 9 avril, Marseille est sous le choc.

L’odeur de feu est persistante. Vanessa N’Guyen est assise sur l’une des marches de l’entrée d’un immeuble boulevard Eugène-Pierre, à l’angle de la rue Tivoli. « Vava », comme certains la surnomment dans ce quartier du Camas dans le 5e arrondissement de Marseille, est bouleversée et peine à retenir ses larmes.

Dans la nuit du samedi 8 au dimanche 9 avril, cette Marseillaise a entendu « une énorme explosion. On pensait que c’était un cocktail Molotov. J’ai même cru un moment que le plancher de l’appartement du dessus s’était effondré chez nous », confie-t-elle, avec une grande émotion. « Après, tout à volé en éclats, les volets, les fenêtres…». Littéralement soufflé !

Cela fait 6 ans qu’elle vit au 26 rue de Tivoli. Alors qu’elle cherchait à comprendre ce qui avait causé cette violente déflagration, en une fraction de seconde, un drame s’est noué juste devant ses yeux au n°17. « J’ai vu l’immeuble dégringoler, dégringoler, et un gros nuage de fumée », décrit-elle, avant de craquer.

C’est vers minuit 00h46 que cet immeuble d’habitation de quatre étages s’est effondré, entraînant dans son sillage une grande partie du 15 voisin en début de matinée et endommageant le numéro 19.

Marseille, Marseille sous le choc mais solidaire après l’effondrement d’un immeuble rue de Tivoli, Made in Marseille

« 10 minutes pour évacuer toute une vie »

Aux premières heures, l’urgence était à la sécurisation du périmètre et à la recherche d’éventuelles victimes. Vanessa a rapidement accueilli chez elle, au rez-de-chaussée, quelques habitants qui ont fui leur habitation, en pyjama, déboussolés, « en pleurs, pieds nus, dans la nuit et dans cette épaisse fumée », livre un autre témoin. « Compte tenu de la situation, on avait peur que mon immeuble s’écroule aussi, on a été évacués par les secours. On est d’abord allé se mettre à l’abri rue Jaubert », poursuit Vanessa, qui elle a été transportée vers l’hôpital Nord en raison d’un malaise, lorsqu’une partie du n°15 a été emportée.

199 personnes au total ont été contraintes de quitter leur domicile, le plus souvent sans rien ou avec quelques effets personnels, dans un périmètre de 4 rues, soit une trentaine d’immeubles. « 10 minutes pour évacuer toute une vie », confient certains encore sous le choc.

Assis sur sa chaise, ce jeune Marseillais a du mal à réaliser. Il veut rester là, face à la rue Tivoli, dans l’éventualité où il pourrait aller récupérer du matériel dans son studio photo. Mais plus encore parce qu’il connaît les habitants du n°15, surtout ce couple qui tape à la porte du local pour faire un coucou à chaque fois qu’il passe dans la rue. « Dans cet immeuble, tout le monde est sympa, généreux », livre le jeune homme, qui tente d’obtenir des infos et des nouvelles de ses voisins, téléphone à la main.

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Le périmètre de sécurité s’étend jusqu’au boulevard Eugène-Pierre

La solidarité s’organise

« Je suis catastrophée » lâche Samatha, qui travaille dans une supérette à deux pas du sinistre. En sortant du travail, elle vient proposer son aide naturellement. Cafés, nourriture, vêtements, hébergement… des Marseillais(es) se présentent spontanément les bras chargés.

La solidarité s’organise comme toujours lorsque Marseille est touchée en plein coeur. Quelques commerces habituellement fermés le dimanche laissent le rideau ouvert pour offrir des espaces de discussions et tenter de trouver des solutions, pour la suite.

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Vanessa et son compagnon, évacués dans la nuit.

« Quand on voit ça, on ne peut que penser à un autre drame », confie Emmanuelle, attristée. Cette catastrophe ravive le douloureux souvenir de la tragédie de la rue d’Aubagne, survenue 5 ans plus tôt, faisant 8 morts et soulevant du vague d’indignation contre le mal-logement.

Si à ce stade, les causes de la catastrophe ne sont pas identifiées, « cet immeuble n’était pas connu des services de l’État, il ne connaissait aucun péril », précisait hier matin, sur place, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. La trentaine d’immeubles à proximité immédiate des lieux n’a également fait l’objet d’aucun signalement.

Des opérations de secours extrêmement complexes

Dès l’arrivée des marins-pompiers, 5 minutes après la puissante explosion, c’est une course contre la montre qui s’est engagée pour rechercher les éventuels survivants, dans des conditions de difficultés extrêmes rendant les opérations complexes.

Le feu couve toujours sous les décombres et empêche les pompiers de progresser, freinant également le travail de la brigade cynophile. « Nous sommes face à un phénomène rarissime de feu persistant depuis plusieurs heures à des températures très élevées. Les chiens sont dans l’incapacité de regarder, de voir, de sentir ce qui se passe», avait déclaré le maire de Marseille, Benoît Payan, dans la matinée, présent sur les lieux du sinistre depuis 1 heure du matin, pour répondre à l’urgence.

« Les chiens ont pu intervenir à plusieurs reprises, mais que dès qu’ils déblaient l’incendie resurgit », confirmait plus tard dans la soirée la procureure de la République, lors d’une conférence de presse.

Une grue a été dépêchée quelques heures après l’explosion. « Nous avons plusieurs actions concomitantes, avec des équipes qui fouillent chaque partie de gravats, et quand nous avons la certitude qu’il n’y a personne à l’intérieur, ils sont enlevés par une grue, et évacués par des bennes », explique le commandant Guy, chef des opérations. L’ensemble de la zone est sous surveillance accrue, « on n’est pas à l’abri des mouvements de structures des bâtiments mitoyens quand même instables, donc on a une vigilance très particulière sur la sécurité de nos personnels », explique le commandant.

Plus d’une centaine de marins-pompiers sont engagés sur cette opération au long cours. Les secours sont à pied d’œuvre depuis plus de 24 heures désormais et se relaient toutes les deux heures pour détecter le moindre signe de vie.

« Huit personnes ne répondent pas aux appels »

La nuit dernière, les pompiers ont annoncé avoir découvert deux corps sans vie dans les décombres. « Compte tenu des difficultés particulières d’intervention, l’extraction prendra du temps », précisaient-ils dans un bref communiqué. Ce n’est que trois heures plus tard qu’ils ont été excavés. « Cette nuit, la peine et la douleur sont grandes » a réagi le maire de Marseille, tandis que les recherches pour tenter de retrouver les disparus ensevelis se poursuivent.

Lors d’une conférence de presse, organisée dimanche en de journée, la procureur de la République de Marseille, Dominique Laurens, indiquait que « huit personnes ne répondent pas aux appels ». Toutes demeurent au 17 de la rue de Tivoli et une personne au niveau d’un « rez-de-jardin, à la jonction entre le 15 et le 17 ».

Une neuvième personne est également recherchée. « Une information qui n’est pas confirmée, mais une dame est sans nouvelles de son ex-conjoint qui résidait au niveau du 19 », précise la procureure de la République. Cinq personnes sont blessées, en urgence relative, dont trois qui se trouvaient directement au niveau des immeubles de la rue touchée par l’effondrement et deux de l’autre côté de la rue.

Origine du drame

« À cette heure, il est impossible d’expliquer les causes de cet effondrement. L’expert judiciaire n’a pas encore pu accéder au lieu compte tenu du risque puisque la situation n’est pas stabilisée », a-t-elle expliqué. Toutefois, une explosion due au gaz « fait partie des pistes, mais en l’état, nous ne pouvons pas l’affirmer ». Yannick Ohanessian, adjoint chargé de la sécurité à la mairie de Marseille, a confirmé que plusieurs témoins avaient évoqué des « odeurs suspectes de gaz ». Une enquête pour blessures involontaires a été ouverte.

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Les secours s’organisent rue Abbé de l’Epée

Le ministre du Logement à Marseille ce lundi

En plus des marins-pompiers, la direction de la protection de la population et de la gestion des risques (DPPGR) et une cinquantaine de policiers municipaux ont travaillé à sécuriser les lieux, à secourir et accompagner les personnes évacuées. Si certaines ont trouvé refuge dans la famille, une cinquante de personnes ont été prises en charge et hébergées dans les hôtels réquisitionnés par la Ville de Marseille.

Une cellule d’aide psychologique ainsi qu’une ligne téléphonique d’urgence ont été mises en place par la municipalité. Le centre d’accueil des familles a, quant à lui, fermé ses portes hier soir pour rouvrir ce matin à 7h30 et accueillir les proches en attente.

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Cellule de crise pour l’accueil de famille.

Le ministre du Logement Olivier Klein, est attendu à Marseille ce lundi, en fin de matinée. Emmanuel Macron a, quant à lui, tweeté : « Je pense aux personnes touchées et à leurs proches (…) Merci aux pompiers et aux secours mobilisés ».

Une semaine marquée par la catastrophe

> Antonietta, Marion, Mickaël, Jacques, Anne-Marie, Nicole, Jacky, Anna… 8 personnes ont perdu la vie dans les effondrements de la rue de Tivoli à Marseille. L’enquête se poursuit pour déterminer les circonstances de ce drame. A lire.

> Les drapeaux de l’Hôtel de Ville et des mairies de secteur sont en berne depuis lundi 10 avril. Des recueils de condoléances sont à la disposition des habitants depuis mardi 11 à l’Hôtel de Ville, quai du Port, ainsi que dans la mairie des 4e et 5e arrondissements, 13 square Sidi Brahim.

> La Ville de Marseille a ouvert une collecte dans toutes les mairies de secteur au bénéfice des personnes évacuées. Des initiatives citoyennes et associatives se sont spontanément mises en place. Lire ici.

> Vendredi 14 avril, en ouverture du conseil municipal, écourté, compte tenu des circonstances, les élus ont observé une minute de silence en mémoire aux huit habitants disparus du n°17, rue de Tivoli. Benoît Payan, le maire de Marseille, leur a rendu hommage ainsi qu’aux secours, saluant l’élan de solidarité des Marseillais. A lire 

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