Une dizaine de houblonnières bio sont en cours d’installation en Provence-Alpes-Côté d’Azur. Alpha Houblon, située dans les Alpes-de-Haute-Provence, en fait partie. Sa première récolte, prévue pour 2023, intéresse déjà les brasseurs marseillais désireux de favoriser les circuits-courts.
La bière artisanale coule à flots. Un peu partout à Marseille, dans la région et en France, des brasseries artisanales poussent comme les fleurs au printemps. De même qu’une plante a besoin d’eau pour vivre, une brasserie dépend du houblon pour produire sa bière. Aujourd’hui, ces producteurs n’ont pas d’autre choix que d’importer cette marchandise, majoritairement en provenance des États-Unis. En 2019, selon une étude, la France comptait 500 hectares dédiés à la production de houblon, dont 450 situés en Alsace et seulement 50 en production biologique.
En partant de ces constats : l’augmentation du nombre de brasseurs artisanaux en Provence et le manque de production locale, Florian Mongin s’est engouffré dans la brèche et a créé Alpha Houblon en 2021. Tout part d’une prise de conscience, agir pour l’environnement, et d’une quête de sens. « Je voulais me reconvertir. J’étais commercial et ça ne me plaisait plus. Je voulais une reconversion proche de la terre », explique Florian. Déterminé à changer son mode de vie et celui de sa famille, ils partent s’installer à Reillanne, dans la campagne des Alpes-de-Haute-Provence, à quelques kilomètres de Manosque. L’idée du houblon, « l’or vert » comme cet ancien commercial l’appelle, lui est soufflée par des amis en 2017.
« Il faut entre 3 et 5 ans à la plante pour atteindre son rendement maximum »
S’en suit alors un long chemin semé d’embûches, encore aujourd’hui. Entre les différentes formations agricoles sur le houblon et l’élaboration du projet, la recherche et l’achat de parcelles de terre, mais aussi les travaux d’aménagement, il s’est écoulé 6 ans. « Ce n’est vraiment pas facile. Je n’ai plus de rentrée d’argent depuis l’été dernier. Ma femme assure les dépenses. Heureusement qu’elle est là pour me soutenir », souligne Florian Mongin.
Avec ses 2 hectares de terrain agricole, le producteur pourra cultiver 5 000 plans de houblon pour une récolte de 1,35 tonne la première année. « Il faut entre 3 et 5 ans à la plante pour atteindre son rendement maximum, à peu près pareil pour créer un produit de terroir. Ensuite, la plante est installée pour 15 à 20 ans », rappelle le fondateur d’Alpha Houblon. La production ne fera donc qu’augmenter une fois la houblonnière mise sur les bons rails.
Mais pour cela, il faut d’abord installer du matériel. En pleine année de travaux, le fondateur d’Alpha Houblon a subi un contretemps non-négligeable qui repousse sa première production et donc sa première récolte, à 2023. « J’ai reçu les poteaux de plantation avec 13 mois de retard », dénonce Florian Mougin, sans pour autant se décourager. « Il faut prendre son mal en patience, mais mon projet est cohérent, innovant et le secteur est prometteur. Donc ça va le faire ».
Du soutien et déjà des futurs clients
C’est en tout cas ce que croit dur comme fer la Brasserie de La Plaine. Aujourd’hui, les brasseries françaises se tournent vers les États-Unis pour se fournir en houblon bio. Une page que Salem Hagi, co-fondateur de la Brasserie de La Plaine, veut tourner au plus vite. « On veut du bio, du local et du petit producteur. Florian coche ces trois cases donc dès que sa houblonnière sera en ordre de bataille, on sera parmi ses premiers clients. On est à la recherche d’un terroir en tant que brasseur ».
Grande nation de production de houblon avant la première guerre mondiale, la France a vu, en à peine plus d’un siècle, l’espace dédié à la culture de cet or vert divisé par 10 sur son sol. Mais depuis quelques années, le nombre de micro-brasseries n’a fait qu’augmenter. Il a plus que triplé entre 2012 et 2018. Rien que dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les associations Agribio 04 et Bière de Provence en recensent 130.
Alors forcément, avec cette hausse, la demande, entre autres, de houblon a suivi la même courbe. Surtout celui issue de l’agriculture biologique. Dans le même temps, la popularité des filières locales auprès des consommateurs et des acteurs de la filière s’est envolée. « Le problème de Florian à l’avenir, ça ne sera pas de faire pousser son houblon, mais plutôt de satisfaire la demande », conclut Salem Hagi.
Un secteur qui se développe
Actuellement, seules neuf houblonnières sont installées dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour un total de 6 hectares. « L’année dernière, sur ces 9 parcelles, 4 seulement ont produit du houblon, dont une qui représente plus de la moitié des 400 kilos récoltés. On escompte 650 kilos sur 2022 », détaille Thomas Narcy, de l’association La Bière de Provence. Le potentiel avoisine les 7 tonnes de production en 2025. Pour atteindre un tel volume, neuf autres exploitations sont en cours d’installation, dont Alpha Houblon.
Pour se financer, Alpha Houblon a recours à plusieurs moyens. Si la Brasserie de La Plaine a déjà prévu d’acquérir une partie de la future production, la brasserie La Serpentine à Céreste dans le Luberon va, elle, faire un chèque à Alpha Houblon. En contrepartie, Florian Mougin viendra brasser dans les locaux de l’établissement. Le néo-producteur a également lancé une collecte de fonds. Entre mars et mai, il a récolté environ 4 000 euros.