Apprendre le métier de couturier à des personnes éloignées de l’emploi et miser sur le réemploi des textiles : c’est la vocation de l’atelier La Ficelle installé à deux pas du Vieux-Port.
Le bruit des machines à coudre résonne dans l’atelier La Ficelle. Des sacs sont en confection. Il s’agit d’accessoires réalisés dans une matière un peu particulière. « Ils sont faits en voile de bateaux. La dernière nous vient de la Voilerie Phocéenne. La capitainerie, au Vieux-Port, nous en a aussi données », explique Yolande Lombardo, directrice de l’association, fondée par le groupe Arborescence.
L’idée d’utiliser des matériaux comme la bâche leur a été soufflée par un particulier. Il souhaitait recycler la voile de son embarcation. Ensuite, l’idée ne les a pas quittés. « On a fait des sacs en bâche pour les Terrasses du Port, des pochettes pour l’Université Aix-Marseille », glisse la modéliste de formation.
Derrière la démarche, se trouve donc une volonté écologique, mais aussi professionnelle. Ces tissus permettent d’apprendre de nouvelles techniques pour coudre. Un savoir-faire que les couturières en apprentissage à la fabrique peuvent faire valoir.
Plus qu’un simple atelier
Ce chantier d’insertion a ouvert en mai 2020. Pandémie oblige, les salariés ont commencé par la fabrication de masques et de blouses pour les hôpitaux. Ce n’est que plus tard que la fabrique a décidé de se tourner vers la sellerie marine. L’accompagnatrice socio-professionnelle affirme que « c‘est une niche. Beaucoup d’artisans sont à la recherche de personnel compétent en capacité de faire des protections, recouvre-siège pour les bateaux ».
La vocation de l’atelier La Ficelle reste d’aider des personnes éloignées de l’emploi à retrouver le chemin de la vie active. Elles sont mises en contact avec l’association par les accompagnateurs de la plateforme des métiers de l’inclusion du gouvernement. Si elles sont sélectionnées après l’entretien d’embauche, elles sont accueillies dans les locaux pour une durée allant de six mois à deux ans.
Mais les services de l’atelier ne se limitent pas à la formation en couture comme nous l’explique Yolande Lombardo. « Ils travaillent aussi sur les problématiques annexes, comme la recherche de logement. Tout ce qui peut freiner l’évolution pour trouver un boulot ». Parallèlement, des remises à niveau sont aussi dispensées en mathématiques, informatique et même en français.
Un apprentissage adapté
Un étrange tableau attire d’ailleurs l’œil dans l’une des pièces de la fabrique. Des mots comme « ciseaux », « canette » ou encore « couture » y sont inscrits avec leurs équivalents en anglais, russe et ukrainien.
Plusieurs des couturières sont arrivées à la suite de la guerre en Ukraine, hébergées un temps sur le ferry de la Corsica Linea mis à disposition par la préfecture des Bouches-du-Rhône. Elles sont venues compléter l’équipe, qui se compose de 17 personnes, en majorité des femmes, de tous âges.
Parmi elles, Leila Yossef. Elle n’a pas eu besoin d’explications sur les termes techniques. Assise derrière une machine à coudre, elle vient de finir « des ourlets pour des tabliers. J’ai aussi fait des biais et des cache-poches aujourd’hui », nous confie-t-elle.
« On se remet à produire localement »
Cette dame de 53 ans est arrivée à l’atelier, il y a un peu plus d’un an. Elle savait déjà se servir d’une machine à coudre, ayant été cheffe de chaîne dans un atelier à Sousse, en Tunisie. Elle y était entrée après un bac professionnel, sans équivalent en France. « Ici, je vois des machines différentes. J’apprends comment faire des sacs avec des bâches. C’est un peu lourd de travailler avec, mais c’est marrant », glisse-t-elle en souriant.
Elle avait arrêté ce métier qu’elle aimait en rejoignant son mari à Marseille, il y a 20 ans. Ils ont tenu tous les deux un restaurant, avant qu’elle ne se consacre à ses trois fils. La couturière a eu envie de reprendre son ancien métier, parce que ces derniers « sont grands maintenant. Je me suis dis que je ne pouvais pas rester sans rien faire. Je veux les aider pour leurs études ».
À la fin de son apprentissage, elle espère trouver un CDI à Marseille. Elle ne devrait pas rencontrer trop de difficultés, si on en croit les propos de Yolande Lombardo : « Si dans les années 90 les entreprises se sont délocalisées, depuis le Covid, ça a changé. On se remet à produire localement ». Les vents sont favorables.