Venu à Marseille remobiliser les troupes pour les législatives de juin, Christian Jacob, patron des Républicains, croit en un rebond de la droite républicaine au niveau local grâce à l’ancrage territorial des candidats.
« Bonjour, on vous a entendus à la radio ce matin, vous étiez très bien ». Devant sa permanence de campagne, Didier Réault, costume-cravate, serre des mains, reçoit les chaleureux encouragements des habitants du secteur, soutiens de la première heure.
Le candidat Les Républicains aux élections législatives des 12 et 19 juin prochains, dans la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône a débuté son travail de terrain il y a plusieurs semaines déjà. Quelques milliers de tracts ont été imprimés avec la mention en lettres bleues détourées « Engagé pour vous ». Didier Réault compte bien sûr sur son ancrage territorial de longue date pour décrocher son ticket à l’Assemblée nationale.
La force des élus locaux
C’est bien cette légitimité locale qu’est venu réaffirmer le patron des Républicains, mardi soir, à Marseille, mais aussi la ligne politique de « clarté » actée en bureau politique, puis en conseil national. « Nous sommes sur une ligne indépendante. On y va sur nos couleurs », déclare Christian Jacob. « Aujourd’hui, on détient 60 % des collectivités territoriales en France. C’est le choix des élus de terrain qu’il faut porter aux élections législatives, avec des candidats qui sont imprégnés de la réalité », dit-il, confiant dans le résultat de ce scrutin.
Après la cinglante défaite de Valérie Pécresse à la présidentielle, le président du parti croit en un rebond de la droite républicaine avec la « réélection des candidats sortants, et ceux qui sont en conquête en face de députés En marche, parce que notre différence se fait par notre capacité à s’adresser à toutes les catégories de Français et il y a besoin de proximité avec les Français », dit-il, en opposition au « mépris » d’Emmanuel Macron à l’égard de ces derniers. Et, au détour, taxe de « balivernes », l’idée selon laquelle Jean-Luc Mélenchon peut être Premier ministre.
Du passage de flambeau au combat fratricide
104 députés LR siègent au Palais Bourbon, dont 5 bucco-rhodaniens. L’objectif est naturellement de faire mieux, dans les 16 circonscriptions, sans trahir ses convictions. « L’enjeu est de refléter tous les territoires de France », poursuit celui qui passera la main après cette élection.
Il n’est pas le seul à tourner une page de sa vie politique. Christian Jacob a répondu sans hésitation à l’invitation de Guy Teissier, son « vieux complice, pas par l’âge, mais par l’expérience », avec lequel il a « siégé dans le même groupe » et « mené les mêmes combats ». Le député LR sortant des Bouches-du-Rhône passe, en effet, le flambeau à Didier Réault. « C’est 30 ans de travail avec Guy Teissier, d’amitié, de chemins parcourus, d’idées partagées qui font qu’aujourd’hui on est dans cette configuration », confie son dauphin.
Quand les rats quittent le navire…
Grâce à un pliage bien étudié, le tract de campagne met d’ailleurs en lumière cette passation entre deux générations d’hommes politiques dans ce bastion de la droite marseillaise. Guy Teissier y a régné en tant que maire entre 1995 et 2014, avant de laisser la main à Lionel Royer-Perreaut.
L’actuel maire des 9-10e arrondissements, réélu en juin 2020, a depuis quitté la grande famille LR, pour se rallier à la majorité présidentielle. C’est d’ailleurs sous les couleurs de Renaissance [LReM rebaptisé, ndlr] que l’ex-LR affrontera dans la 6e circonscription, Didier Réault qui lui « n’a jamais changé de maison ».
« Vous connaissez l’expression, c’est dans les gros temps, que l’on reconnaît les bons capitaines ? », interroge Guy Teissier, pour saluer le travail mené par Christian Jacob, dans les temps houleux de ces derniers mois, « contrairement à ceux qui quittent le navire, les rats en général, eh bien lui, est resté à la barre, ce n’était pas facile ».
La « politique du zigzag »
Malgré les amitiés d’antan, le combat fratricide est bien lancé, dans ce secteur, d’autant que l’adversaire clairement identifié n’est autre que le parti du président de la République. « La période que nous traversons est une période difficile, mais en même temps de renaissance, n’hésite pas à plaider Guy Teissier, jouant avec les mots. Ce pays ne pourra pas tenir dans la situation dans laquelle il se trouve, avec cette espèce de bloc central. Il n’a de centre que le nom d’ailleurs, face à deux grands blocs d’opposition : l’un qui a bien servi au président de la République qui nous a fait le coup de la peste brune et maintenant il se dresse contre la peste rouge ».
Une sorte de « tripolarisation de la vie politique » qui pour le député sera « intenable, parce qu’après le « en même temps »», d’Emmanuel Macron « il y aura la politique du zigzag ». Pour remporter l’élection du mois prochain, il mise sur l’incarnation d’une droite libérale, populaire, d’une droite sociale non pas au sens « socialiste » du terme, nuance-t-il, mais « celle voulue à l’origine par le Général de Gaulle, pervertie au fil du temps, une droite qui s’occupe du peuple, avec un souci de justice et d’égalité ».
« Notre famille politique est toujours debout »
Nul doute pour Christian Jacob que « la voix » de Guy Teissier « va nous manquer », regrette-t-il, un brin nostalgique, devant des compagnons de route, des sympathisants et militants et quelques candidats rassemblés sur le parking devant la permanence.
Des élus locaux sont également présents. Des nouveaux, comme des anciens qui ont subi il y a 5 ans la vague macroniste. Mais « notre famille politique est toujours debout. Nous avons des parlementaires qui ne sont pas hors-sol. Tous ont une expérience d’élus », martèle Stéphane Le Rudulier, qui a pris la tête de la fédération LR des Bouches-du-Rhône, « avec engagement et implication », souligne Christian Jacob.
Le soutien de Martine Vassal
Le maire de Rognac a pris les rênes après que Martine Vassal a apporté son soutien à Emmanuel Macron, pour la présidentielle. Une décision qui lui a coûté ses fonctions de secrétaire générale de la fédération LR du 13.
Pour les législatives, selon les dires des Républicains locaux, elle serait « derrière les candidats qu’elle a aidé à investir ». « Aujourd’hui, je n’ai pas de contre-ordre. Comme c’est une femme de parole, je pense qu’elle ira jusqu’au bout de cette démarche », ajoute même Stéphane Le Rudulier.
« À titre personnel », Didier Réault dit avoir son soutien : « elle est sur la ligne qu’elle a évoquée ». Lui, comme les 16 autres candidats suivront quoi qu’il arrive la ligne fixée par le parti, portant des messages autour du pouvoir d’achat, des retraites, de la sécurité…. Sans oublier, la préservation de l’environnement, thème majeur pour Didier Réault, réélu président du Parc national des Calanques jusqu’en 2025.
« On va aller chercher les voix avec les dents »
Face à ce qu’il appelle « l’éco-techno » d’Elisabeth Borne, nommée il y a deux jours Première Ministre, lui prône, entre autres, une meilleure gestion des espaces naturels, citant au passage les puits de carbone naturels que sont les herbiers de posidonie.
Si comme disait Aristote « la nature a horreur du vide », les Républicains entendent donc bien occuper le terrain et « aller chercher les voix avec les dents », assure Christian Jacob, empruntant ces quelques mots à Jacques Chirac.
Devant la permanence inaugurée, la seule LR à Marseille – pour l’instant – comme un symbole d’une refondation du parti, tous espèrent que le débat « confisqué » lors de l’élection présidentielle pourra avoir lieu, dans la perspective de ce nouveau scrutin, où l’abstention devrait jouer une fois de plus les trouble-fêtes, mais dans laquelle LR n’a pas dit son dernier mot.
Interview