Journée d’hommages à Noailles, trois ans après l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne. Entre commémorations publiques et recueillement intime, beaucoup espèrent que la question de l’habitat indigne avance enfin dans le quartier.

Chérif, Niasse, Taher, Fabien, Simona, Julien, Marie-Emmanuelle, Ouloume. Ce vendredi 5 novembre au matin, c’est pour ces 8 personnes, disparues exactement 3 ans auparavant, que se sont réunies les familles, proches, habitants du quartier, ainsi que des élus et des militants contre l’habitat indigne.

Les flambeaux ont été allumés sur la place qui porte désormais le nom officiel de « 5-Novembre 2018 ». Dans un cortège silencieux, ils ont remonté la rue d’Aubagne jusqu’au site où se sont effondrés les immeubles. Après de longues minutes de recueillement, au son des cloches, les noms des 8 « martyrs » ont été scandés. Celui de Zineb Redouane également, considérée comme la neuvième victime, en perdant la vie le 2 décembre 2018, percutée chez elle par une grenade lacrymogène tirée par les forces de l’ordre en marge d’une manifestation mêlant Gilets Jaunes et militants contre l’habitat indigne.

Si la plupart des proches des victimes ont souhaité rester silencieux, quelques personnes ont exprimé publiquement un hommage aux disparus. Comme la sœur de Marie-Emmanuelle, ou une voisine directe des immeubles effondrés.

« J’étais absent ce jour-là. C’est comme ça »

Habib, quant à lui, a préféré rester distant de cette commémoration, affairé dans la laverie de son cousin qui donne sur la place du 5-Novembre 2018. D’abord, car l’émotion est trop vive pour celui qui nous confie avoir « échappé au drame. Je logeais au deuxième étage d’un des immeubles qui se sont effondrés. J’étais absent ce jour-là. C’est comme ça ».

Devant une télévision diffusant des chants spirituels, il se souvient des 8 disparus. Certains qu’il considérait comme ses amis. « Chérif, Pape (Niasse) ou Simona ». La voix est particulièrement grave en évoquant cette dernière, étudiante italienne de 30 ans : « C’était une brave fille, jeune, adorable. Elle était exceptionnelle. Elle parlait arabe, anglais et français », en plus de sa langue natale.

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Habib

S’il reste en retrait de la cérémonie, c’est aussi qu’il ne veut pas se mêler aux représentants des pouvoirs publics, considérant que leur action pour les délogés, l’habitat et le quartier ne justifie pas leur présence. « J’avais tout perdu, mes papiers, mes documents. Je n’ai reçu aucune aide. Ce sont les voisins et un propriétaire qui m’ont accompagné pour me reloger ».

Traumatisé, il s’est éloigné un an en Algérie avant de revenir « dans ce quartier où j’ai passé plus de 25 ans. La moitié de ma vie  ». Même si la majorité municipale a changé depuis le drame, sa « haine contre les élus » semble encore vivace.

En trois ans, « les choses n’ont pas beaucoup avancé »

Les militants contre l’habitat indigne ont également participé à l’hommage, qui prendra une tournure plus engagée demain, samedi 6 novembre, avec des débats publics. Le Collectif du 5 novembre s’est illustré dans l’aide aux personnes délogées lors de la vague d’arrêtés de péril qui a fait suite au drame dans le quartier. Sur la question de l’habitat indigne aussi.

Zohra Boukenouche estime que « trois ans après, les choses n’ont pas beaucoup avancé ». D’abord au niveau judiciaire, « les choses sont très lentes, mais les familles des victimes ont besoin de savoir ce qu’il en est ». Puis au niveau du « mal-logement, qui continue », rappelle-t-elle.

Les priorités pour les habitants de Noailles ? « Qu’on leur dise ce qu’il va se passer dans le quartier ». Zohra souhaite que les petits propriétaires en voie d’expropriation puissent comprendre pourquoi ils ne peuvent garder un bien qu’ils estiment sain. Que la lutte s’intensifie contre les marchands de sommeil. Elle attend surtout de voir enfin débuter « la réhabilitation, les travaux contre le mal-logement. Dans ce quartier il y a quand-même pas mal de logements insalubres. On aimerait que ça change ».


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