Avec la victoire du Printemps Marseillais, la nouvelle équipe municipale compte de nombreux écologistes. Une partie d’entre eux a milité contre le boulevard Urbain Sud et entend bien modifier en profondeur le projet, voire y mettre un coup d’arrêt. Ils devront composer avec la Métropole qui, sauf surprise de taille, devrait rester à droite.

Le Boulevard Urbain Sud (BUS), rocade de 8,5 kilomètres, en partie sur 4 voies, doit relier la Pointe Rouge à l’échangeur Florian d’ici 2026. En chantier depuis deux ans, ce projet pensé par la Métropole Aix-Marseille Provence pour désengorger les quartiers Sud, a rencontré une vive et longue contestation quant à son impact environnemental. Cette dernière a été portée par plusieurs associations réuni es dans le Collectif anti nuisance Boulevard Urbain Sud (CanBUS). Le sujet s’est invité dans la campagne, à plusieurs reprises, avant que la première tranche, entre Saint-Loup et le Cabot, soit ouverte le 30 juin dernier au son des casseroles des militants environnementaux.

Dans le sillage de la victoire du Printemps Marseillais à Marseille, et de sa nouvelle maire écologiste Michèle Rubirola, une partie des militants de CanBUS est aujourd’hui aux commandes à la Ville. C’est le cas de Hervé Menchon (EELV), désormais adjoint au maire, et en attente de l’attribution de sa délégation : « Je me suis proposé, entre autres, pour « Nature en ville, parcs et jardins, trame verte, espère-t-il. Mais c’est à la maire de décider où je serai le plus utile ». En attendant l’officialisation de ses fonctions qui rendra son militantisme de terrain incompatible avec son mandat, il reste « un activiste prêt à s’enchaîner aux arbres », alors que le chantier menace trois parcelles de végétation urbaine, dont la pinède du Roy d’Espagne.

, Fraîchement élus, les Verts veulent mettre un coup d’arrêt au Boulevard Urbain Sud, Made in Marseille
Hervé Menchon lors d’un rassemblement politique et militant contre le BUS en octobre 2019

« Un véritable bras de fer » annoncé entre Marseille et la Métropole

Selon lui, la nouvelle municipalité entend mettre un coup d’arrêt au projet. Mais comment, si les compétences concernées (transports, développement urbain, voirie…) sont pour la plupart métropolitaines ? D’abord, en jouant sur les permis de construire explique l’élu : « nous allons pouvoir influer sur tous ceux qui ont un recours. On pourra déjà préserver le foncier, notamment agricole ».

Une première étape vers ce qu’il promet être « un véritable bras de fer. La deuxième ville de France a une maire qui va interpeller le Gouvernement et va fournir des éléments aux juges sur les recours ». Une bataille qui devrait vite s’inviter au nouveau conseil métropolitain (l’élection du président a lieu ce jeudi 9 juillet), dont la majorité et la présidence devraient – sauf surprise – rester à droite. Mais le Printemps Marseillais devrait y tenir « un groupe suffisamment puissant pour contester le BUS tel qu’il a été pensé, tout en répondant à la mobilité sur ce secteur, avec des moyens de transports rapides et non polluants […] On ne l’appellera plus « boulevard », mais « axe de mobilité » Urbain Sud ». Une nuance qui laisse entrevoir la difficulté de mettre un coup d’arrêt total à ce projet de 300 millions d’euros, déjà avancé. Un arrêt qui rencontrerait des obstacles autant politiques que procéduraux.

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En octobre 2019, de nombreux élus de gauche et écologistes, aujourd’hui au pouvoir, contestaient le BUS (Benoît Payan, Sébastien Barles, Jean-Marc Coppola, Hervé Menchon)

« On n’a jamais été aussi près d’arrêter le projet »

Par ailleurs, le rassemblement de la gauche marseillaise s’active en coulisses, comme le rapportent bon nombre de ses membres, qui promettent des alliances « surprises » pouvant faire basculer la Métropole. « Ce n’est pas impossible avec un bon candidat, rassembleur », affirme Cédric Jouve, qui s’est illustré dans le combat contre le BUS, avant d’être élu sur la liste d’Olivia Fortin dans les 6-8, devenant ainsi conseiller métropolitain.  Si la majorité métropolitaine passe à gauche, et alors que la première tranche est livrée, il espère sans détour un « arrêt des deuxième et troisième tranches. On n’a jamais été aussi près d’arrêter le projet », conclut-il dans un optimisme qui sera prochainement mis à l’épreuve de la politique.

Lionel Royer-Perreaut (LR) souhaite « un débat sain et dépollué des enjeux électoraux »

Car Lionel Royer-Perreaut, maire LR réélu dans les 9e et 10e arrondissements, et conseiller métropolitain, est un grand défenseur du projet. Il en a fait un argument phare de sa campagne : « J’ai été élu sur la continuité du BUS », affirme-t-il. Il faudra donc compter sur lui et sa famille politique pour poursuivre la réalisation de « ce boulevard nécessaire ». Il s’appuie notamment sur la majorité d’élus de droite attendue à la Métropole, « qui réélira très vraisemblablement Martine Vassal à la présidence, ou en tout cas, une personnalité de notre famille ».

Cependant, il espère « que la Ville et la Métropole ne se battent pas avec chacune leurs compétences, mais trouvent des points d’équilibre sur des projets structurants. Ça va dépendre de la capacité d’écoute des uns et des autres ». Une position politiquement pacifiste donc, ne souhaitant pas rentrer dans un bras de fer, mais dans une « co-construction, pragmatique et sans idéologie ». S’il n’envisage pas l’arrêt du projet, ni la modification du tracé, il explique « avoir toujours montré une volonté de trouver des améliorations. Un projet des années 1930 ne peut être pensé en 2020 sans aménagements ».

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Lionel Royer-Perreaut en discussion avec Martine Vassal.

Vers un projet remodelé ?

Une nouvelle étude d’impact a d’ailleurs été commandée l’année dernière par Martine Vassal sur la troisième tranche du boulevard, laissant entendre une volonté de modifier le projet. Lionel Royer-Perreaut relativise également l’avis de ses adversaires sur trois grands points de crispation : les espaces végétalisés impactés par le BUS. La pinède du Roy d’Espagne est, selon lui, « un sujet surexploité et sur-médiatisé ». Il estime que l’impact a été exagéré et des efforts ont été faits. Notamment « en passant de 2 x 2 voies à 2 x 1 voies, et gagnant six mètres de large au bénéfice des arbres. Tous les arbres ne vont pas disparaître ! ».

Concernant les jardins familiaux Joseph Aiguier, qui devraient également être amputés au profit du boulevard, il « souhaite une solution alternative, j’y ai d’ailleurs emmené Martine Vassal. En passant dessous, par exemple. Le sujet, c’est à quel coût ? ». Enfin, il relativise la disparition d’une partie du jardin de la Mathilde : « Sur 22 000 m2, on garde 13 000 m2 ». Une destruction de presque la moitié de l’espace vert, sur laquelle il admet pouvoir « réfléchir, dans l’esprit d’un débat sain et dépollué des enjeux électoraux ».

Alors que le rapport de force entre la nouvelle municipalité et l’intercommunalité sera précisé ce jeudi, avec l’élection du nouveau président métropolitain, le boulevard Urbain Sud devrait être un des grands sujets politiques des mois à venir.

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