Depuis la montée en puissance de la robotisation et de la numérisation, l’industrie du futur est un sujet qui revient souvent sur la table. Quels impacts pour l’industrie traditionnelle, pour les emplois, pour la formation ? Travailler en Provence a rencontré Thierry Chaumont, président de l’UIMM Alpes-Méditerranée, organisation patronale du domaine de l’industrie, pour en savoir plus.

« Industrie 4.0 » en Allemagne, « Advanced manufacturing partnership » aux États–Unis, « Made in China 2025 » en Chine, « Manufacturing innovation 3.0 » en Corée, « Fabbrica intelligente » en Italie, « Japan revitalization strategy » au Japon, « Made different – factories of the futur » en Belgique, « Catapult » au Royaume-Uni… Autant de termes pour parler d’un seul et même phénomène qui, en France, prend le nom d’« Industrie du futur ».

Cette usine du futur combine plusieurs évolutions techniques majeures parvenues à maturité comme la réalité augmentée, les machines communicantes, les robots collaboratifs ou encore les objets connectés et qui permettent de produire plus rapidement, plus proprement et en consommant moins d’énergie.

En d’autres termes, il s’agit de l’arrivée de la digitalisation, de la robotisation et du numérique dans l’industrie. Une « révolution » à nuancer toutefois. « C’est plus une évolution qu’une révolution à proprement parler car la robotisation, pour les grands groupes, était déjà présente il y a 30 ans. Par contre, il s’agit vraisemblablement d’une révolution et d’une transformation pour un certain nombre d’entreprises comme les petites et moyennes industries (PMI) », tient à préciser Thierry Chaumont.

, L’industrie du futur, la solution pour sauver l’industrie traditionnelle ?, Made in Marseille
Les grandes entreprises sont déjà passées à la numérisation et la robotisation depuis plusieurs dizaine d’années. Reste désormais les plus petites entreprises © UIMM

La solution face au déclin de l’industrie traditionnelle ?

Ces 30 dernières années, l’industrie traditionnelle a connu un véritable déclin. « Il y a pas mal d’industriels qui ont considéré, depuis une trentaine d’années, que la meilleure des solutions pour produire à bas coûts c’était finalement de faire en sorte que la Chine, usine du monde, commence à fabriquer. Donc beaucoup d’entre eux ont quitté la France pour aller s’installer là-bas », explique Thierry Chaumont.

Il y a 30 ans, l’emploi industriel correspondait à 20% de l’emploi total de France ; aujourd’hui il est de l’ordre de 12%. Autre chiffre éloquent : l’industrie manufacturière a perdu 820 000 emplois entre 2000 et 2015, soit près d’un quart de ses effectifs, et continue d’en perdre. De tous les pays développés, la France est, depuis une dizaine d’années, l’un de ceux où le mouvement de désindustrialisation est le plus fort.

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De tous les pays développés, la France est, depuis une dizaine d’années, l’un de ceux où le mouvement de désindustrialisation est le plus fort.

« La révolution industrielle est un axe important pour faire en sorte que l’industrie se redéveloppe en France, c’est absolument indéniable. La robotisation, l’intelligence artificielle et les investissements… Mais je suis convaincu que ce qu’il faut, c’est revaloriser l’industrie de façon générale », souligne Thierry Chaumont. Le président de l’UIMM Alpes-Méditerranée entend par-là que des décisions doivent être prises par les pouvoirs publics. Et notamment une refonte du droit du travail, comme c’est actuellement le cas, et rendre les coûts de production de nouveau attractif sur le territoire. En d’autres termes, faire en sorte que l’industrie redevienne compétitive en France.

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Cliquez pour agrandir © Travailler en Provence

Quels changements pour les entreprises ?

La région PACA compte de grands leaders dans le domaine industriel qui sont déjà à la pointe en ce qui concerne la numérisation, la robotisation ou les nouvelles technologies. Parmi eux, Airbus Hélicoptère, Dassault, DCN, Gémalto ou encore Arcelor Mittal. « Quand on parle d’Arcelor part exemple, on se dit qu’on est vraiment dans le dur de l’industrie, mais en réalité c’est une usine et en termes d’informatisation et de process, ils sont au top de ce qui peut se faire sur le plan numérique. Tout est réglé au micron près et ça depuis déjà pas mal de temps », met en avant Thierry Chaumont.

Qu’en est-il des plus petites industries ? Il s’avère que les entreprises en France, indépendamment des grands groupes, sont peu robotisées, notamment comparé à l’Allemagne. Il y a donc actuellement une « fenêtre de tir » à saisir et un double challenge pour les entreprises, en termes d’investissements de moyens de production et de R&D, d’une part, et en termes humains, d’autre part. « Ce n’est pas une question à se poser, c’est une absolue nécessité », met en garde le président.

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Passer à la numérisation et la robotisation est une « nécessité absolue » pour Thierry Chaumont, mais cette évolution doit se faire en fonction des besoins des entreprises.

Pour aider les entreprises, et notamment les PME, très nombreuses en PACA et en France, dans cette « révolution », l’UIMM a mis en place des outils et partenariat. Par exemple avec des organismes de caution pour réduire les freins des industriels à l’investissement ou encore des formations spécialement dédiées aux salariés des petites entreprises pour les mettre à jour avec le matériel actuel.

Un accompagnement spécialisé pour que chaque entreprise se lance dans la numérisation ou la robotisation en fonction de ses besoins. « Pour certains, la robotisation ne leur apportera rien. C’est pourquoi il faut réfléchir à ce qui est le mieux pour eux, et ne pas aller vers la robotisation ou la numérisation s’il n’y a pas de retombées positives derrière », précise Thierry Chaumont.

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L’interview

Trois questions à Thierry Chaumont sur l’impact de l’industrie du futur sur l’emploi et la formation dans le domaine de l’industrie

, L’industrie du futur, la solution pour sauver l’industrie traditionnelle ?, Made in Marseille Travailler en Provence – En termes d’emploi, est-ce qu’il faut s’attendre, comme beaucoup le disent, à ce que les robots remplacent les hommes et donc à des disparitions massives d’emplois dans le secteur industriel ?

Thierry Chaumont – Les robots, il faut les développer, les installer, les maintenir, en assurer le suivi, etc et c’est un marché énorme. Donc il y a une véritable branche qui est en train de se créer. Il y a évidemment certains métiers qui disparaîtront et d’autres qui surgiront et dont on ne parle pas encore aujourd’hui car on en les connaît pas. Et ces activités nouvelles qui naissent n’étaient pas autorisées par l’homme auparavant car impossibles à réaliser. Sans oublier qu’il y a une part des activités pénibles des salariés qui va être reprise par la robotisation.

Il faut donc prévoir de revoir et adapter les formations qui mènent aux métiers de l’industrie ?

C’est ce que l’on fait chaque année au sein des CFAI (Pôle Formation Des Industries Technologiques), dans celui d’Istres qui compte plus d’un millier d’apprentis et dans les autres de la région PACA. Nous ouvrons des sections pratiquement tous les ans, et parfois on en ferme quand on se rend compte que le secteur d’activités n’est plus vraiment pérenne ou qu’il y a eu des évolutions. Pour ce qui est de l’enseignement général, c’est à l’Éducation nationale de faire sa propre révolution pour redorer le blason de l’industrie et y faire revenir les jeunes.

Quelles sections vont être ouvertes prochainement pour coller à l’évolution liée à l’industrie du futur ?

On va ouvrir une section dans le domaine naval, qui s’est énormément développé et qui est très présent en Provence, parce qu’on a des besoins industriels. Une section sur les dirigeables aussi car ils seront vraisemblablement un moyen de transport important demain, une autre sur les drones. Surtout, l’UIMM est en train de créer un hall aéronautique dans le CFAI d’Istres avec des hélicoptères et des avions pour faire de la formation. On a beaucoup d’idées qui sont du très concret car on travaille en collaboration avec les entreprises industrielles pour créer des contenus de formation en adéquation avec leurs besoins. Les apprentis sont d’ailleurs généralement tous embauchés chez les industriels à la fin de leurs études.

Pour aller plus loin

Par Agathe Perrier

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