Depuis 15 ans, le tourisme de croisière est en progression constante à Marseille. De 1 million de passagers en 2013, le nombre de voyageurs devrait dépasser les 1,8 million en 2016. De quoi faire rêver les professionnels du tourisme, mais pas les ardents défenseurs de l’environnement qui dénoncent la pollution des bateaux qui passent leur journée à quai. 

En effet, si l’avenir prévoit une augmentation constante des bateaux de croisière, ces derniers devront toutefois s’accorder avec de nouvelles législations qui tendent à limiter la pollution de ces navires.

La croisière : un business très porteur pour Marseille et la Provence

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Dominique Vlasto

Avec 1,5 million de croisiéristes en 2015, Marseille était déjà en bonne voie de parvenir à son objectif des 2 millions de passagers à l’horizon 2018. Une tendance qui devrait seconfirmer encore cette année d’après Dominique Vlasto, l’adjointe au maire de Marseille déléguée au Tourisme et présidente de l’Office du Tourisme « S’il n’y a pas de problème d’ici là, on devrait atteindre 1,8 million de passagers et plus de 150 millions d’euros de retombées économiques pour 2016 ».

De grosses retombées économiques qui peuvent paraître élevées mais qui s’expliquent par le fait que sont prises en compte les dépenses des touristes de croisières (restauration, hôtellerie, shopping…) mais pas seulement. Les taxes portuaires et une partie de l’avitaillement pour les bateaux qui sont en tête de ligne à Marseille entrent aussi dans le calcul.

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En 2016, 1,8 million de croisiéristes devraient avoir été de passage à Marseille

Marseille, un port qui attire de plus en plus

Si le secteur du tourisme a été impacté au deuxième trimestre 2016 au niveau de la région Paca, notamment en raison des attentats et des jours de grève, les croisières elles ne se portent pas si mal. « Les Alpes-Maritimes ont été beaucoup plus touchées au niveau de la région. Nous aussi à Marseille, mais plus dans le domaine de l’hôtellerie que dans la croisière. Le contexte n’empêche pas les gens de faire des croisières comme on l’a déjà vu en 2012 après le naufrage du Costa Concordia », met en avant Dominique Vlasto.

L’augmentation constante du nombre de croisiéristes à Marseille ces dernières années devrait aller toujours en s’améliorant. D’un côté, car la belle saison est de plus en plus longue chaque été avec le changement climatique. D’autre part, car les travaux du port lui permettent d’accueillir de très gros bateaux comme par exemple l’Harmony of the Seas, le plus grand paquebot du monde. Et avec l’ouverture normalement prochaine de la « Forme 10 » où les bateaux pourront être réparés et entretenus, la Ville de Marseille espère bien attirer davantage de compagnies.

Le problème de la pollution à régler

Pour faire fonctionner les paquebots, il faut évidemment du carburant qui entraîne indéniablement de la pollution. « La majeure partie de la pollution de l’air par les navires de croisière vient de la teneur en soufre des carburants. Ils en contiennent jusqu’à 3 500 fois plus que le diesel que nous mettons dans nos autos », souligne une étude réalisée par France Nature Environnement, la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement, et l’ONG allemande NABU en juillet 2015 à proximité du Port de Marseille. « Une fois brûlé, ce type de carburant rejette du dioxyde de soufre, un polluant réglementé connu pour son impact sanitaire (maladies respiratoires, bronchites, irritations de la gorge) et environnemental (pluies acides) important », ajoute le rapport.

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Benoit Payan

Face à ce constat, Benoît Payan, président du Groupe Socialiste de la ville de Marseille et Josette Sportiello, présidente du Groupe Socialiste et Ecologiste au conseil départemental, ont envoyé au début du mois de septembre un courrier à Ségolène Royal, la ministre de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, pour l’interpeller sur la pollution de l’air à Marseille. Ils lui demandent de mener au plus vite une enquête indépendante sur l’impact sanitaire et environnemental de la pollution des bateaux et de mettre en œuvre des dispositions en lien avec les résultats de cette future étude.

« Si les pouvoirs publics considèrent qu’ils vont crouler sous le nombre de croisiéristes, il faut prévoir, en accompagnement de cette explosion, les moyens qui vont avec. Il faut donc permettre à ces gros bateaux de se brancher à quai, les faire équiper de scrubbers, l’équivalent de nos filtres à particules sur les voitures, et demander aux compagnies d’utiliser des fuels moins polluants », explique Benoît Payan.

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Le carburant utilisé par les bateaux de croisière contient 3 500 fois plus de soufre que le diesel des voitures, entraînant une très forte pollution

Que dit la loi sur la pollution des navires ?

Actuellement, les initiatives règlementaires sont très faibles sur le sujet de la pollution des navires. La réglementation appliquée est internationale avec la Convention MARPOL et sa transposition européenne, la directive dite « Soufre ». Ce texte prévoit une limitation du taux de soufre dégagé par les navires depuis 2015 dans des zones spécifiques et à partir de 2020 pour le reste du monde, dont la Méditerranée.

Pour permettre cet abaissement, les paquebots devront s’équiper de scrubber (des épurateurs d’air) ou faire le choix de fuels moins polluants. Mais d’ici à 2020, rien ne les oblige à baisser leurs émissions de soufre en Méditerranée. « Les armateurs de bateaux de croisière sont en train de mettre en place cette directive. Ils n’ont pas tous fini mais c’est en cours. Il faut laisser le temps aux sociétés de se mettre aux normes », souligne Dominique Vlasto. La déléguée au Tourisme rappelle d’ailleurs que le port de Marseille fourni déjà actuellement des biocarburants et du GPL, un mélange d’hydrocarbures légers, aux navires.

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La limitation du taux de soufre n’entrera en vigueur qu’à partir de 2020 pour l’ensemble des mers du monde

Des mesures moins polluantes se mettent en place doucement

Pour autant, certaines mesures ont déjà été mises en place. Le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) a par exemple été le premier port de France et de Méditerranée à permettre à certains navires le branchement à quai. Car même lorsqu’ils sont dans le port, les bateaux continuent de faire tourner certains de leurs alternateurs pour avoir de l’électricité, entraînant pollution et nuisance sonore pour les habitants proches. Ainsi depuis mars 2015, les navires de la compagnie « La Méridionale » peuvent utiliser l’électricité du port et couper leurs moteurs lorsqu’ils sont à l’arrêt. Une mesure qui, à termes, pourrait être étendue aussi aux autres compagnies.

« En fonction d’un renforcement de la réglementation aux horizons 2025-2030 et dans le cas d’une demande de raccordement des armateurs au réseau électrique national, si cette technologie leur paraissait adaptée pour remplir leurs obligations réglementaires, le Grand Port Maritime de Marseille s’engagera dans la même démarche de service aux navires aux côtés des acteurs de la filière pour promouvoir et mettre en œuvre à cette échéance les solutions adaptées », a déclaré le GPMM.

Cette question de l’équipement électrique à quai a depuis été intégrée dans une loi, celle de la transition énergétique adoptée à l’été 2015. L’article 14 stipule que « l’État favorise, notamment en soutenant des opérations pilotes, l’installation de systèmes de distribution de gaz naturel liquéfié et d’alimentation électrique à quai dans les ports pour les navires et les bateaux ». Un premier pas peut-être vers une réglementation plus importante et qui permettra à termes de lutter efficacement contre la pollution de la Méditerranée et de ses habitants.


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Par Agathe Perrier

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