Un tiers-lieu agroécologique et inclusif prend forme sur le domaine de la Bétheline, derrière Château-Gombert. Ses 22 hectares accueillent déjà 10 paysans. Mais d’ici début 2026, un laboratoire alimentaire avec une résidence de chefs, des halles de producteurs et un ÉSAT y pousseront. Reportage.

Il y a encore 30 ans, derrière le noyau villageois de Château-Gombert (13e), des agriculteurs cultivaient leurs terres avant de laisser place au technopôle et aux logements neufs. Mais, au 31 chemin de la Bétheline, sur un domaine de 22 hectares, un projet de tiers-lieu agroécologique inclusif veut réembrasser ce passé nourricier.

Une fois la barrière franchie, il faut traverser une allée de majestueux oliviers pour rejoindre le terrain. À l’entrée, un premier lot de bâtisses attendent d’être rénovées. Ces dernières devaient accueillir des activités de béguinage et une résidence seniors, mais elles ont finalement été vendues à la Chapelle de Fuveau.

À côté, deux corps de ferme conservés dans le projet, sont en plein travaux. Le premier deviendra une grange mutualisée pour les agriculteurs avec un atelier de transformation. L’autre sera transformé en une grande halle alimentaire. Ces activités emploieront notamment des personnes en situation de handicap (Ésat).

Un refuge pour Terre de Mars

Derrière ces vieux bâtiments, Maxime Diedat s’active. Le paysan charge et décharge des caisses sur son tracteur avant de retourner surveiller ses « poulettes » dans leur nouveau poulailler.

Son association Terre de Mars, bien connue à Marseille, a déménagé en octobre dernier, poussée à quitter son terrain d’origine pour des histoires de succession. Désormais, les producteurs urbains cultivent « deux fois plus de surfaces qu’à Sainte-Marthe », note Arnaud Castagnède, chef d’orchestre du tiers-lieu.

Ces maraîchers produisent, à la fois sous serre et à la lumière du soleil, des légumes de saison, tomates, aubergines, laitues, poivrons et melons, vendus en direct à la Bétheline le samedi matin et le mardi soir dans la brasserie Zoumaï (6e).

Bétheline, À Marseille, les agriculteurs cultivent le nouveau tiers-lieu de la Bétheline, Made in Marseille
Maraîchère de Terre de mars.

10 agriculteurs s’installent à la Bétheline

Un peu plus haut, Vincent s’est installé depuis six mois. Après une carrière d’ingénieur aéronautique chez Airbus Hélicopters, le trentenaire a épousé un autre avenir professionnel. « J’ai senti qu’il y avait un vrai besoin de production locale (…) On devrait avoir autant de maraîchers que de boulangers à Marseille », s’amuse le gérant de la ferme Lissada.

Sa nouvelle voisine cultive des Zinnias, Cosmos et Amarantes. Ces fleurs seront ensuite vendues sur les étagères de la boutique Ziggy, rue Fontange au Cours Julien (6e) et chez des fleuristes engagés du coin. « Ça commence à ressembler à quelque chose », sourit-elle, mains dans la terre et lunettes de soleil sur le nez.

Viendront s’ajouter un vigneron, un producteur d’huile d’olive grâce aux 300 oliviers du site, et une activité pastorale pour produire du fromage de Brousse. D’ici quelques mois, les chèvres gambaderont dans une garrigue de huit hectares sur la colline.

Arnaud Castagnède a sélectionné une dizaine d’agriculteurs « complémentaires » avec le réseau d’agriculture paysanne Adear 13, spécialiste de l’installation des paysans. Les amégaments permettant l’irrigation, connectés aux deux puits remis en état, permettent le démarrage de leurs activités.

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Cultivatrice de fleurs sur la Bétheline.

Un projet financé par la famille et la fondation Proman

« Mais il faut bien comprendre que la Bétheline ce n’est pas qu’une ferme. C’est un tiers-lieu à dimension inclusive », martèle Arnaud Castagnède devant Roland Gomez, fondateur du groupe Proman. Avec sa famille et la fondation Proman, il est l’unique investisseur à hauteur de cinq millions d’euros.

Le chef d’entreprise constate l’avancée des travaux sur la Villa Nazareth qui domine le parc, accompagné par le cabinet d’architectes Alcaraz, après le retrait de Matthieu Poitevin comme nous le mentionnait notre précédent article.

« Nous conservons le bâtiment dans son jus, très campagne provençale, en l’améliorant pour accueillir du public », précise Yann Alcaraz. Sa façade en pierres sera passée au peigne fin par le chantier d’insertion Acta Vista. C’est d’ailleurs Arnaud Castagnède qui a fondé l’association avant sa reprise par le groupe SOS.

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Arnaud Castagnède (Le Cloître) et Roland Gomez (Proman et Fondation Proman).

Préparer l’agriculture et l’alimentation de 2050

La bâtisse accueillera aussi début 2026 « l’atelier du goût » : une table d’hôtes pour expérimenter l’alimentation du futur. « Un lieu d’excellence » avec une résidence de chefs chapeautée par Valentin Small, actuellement aux manettes du restaurant bistronomique Les Jardins du Cloître.

Le rez-de-chaussée de la maison laissera bientôt place à une grande cuisine aménagée, à côté d’un showroom où les chefs pourront exposer leurs créations. Chaque résident aura même une chambre à l’étage pour travailler confortablement sur place.

En partenariat avec Agribio 13, une parcelle laboratoire de 5 000 m2 sera dédiée à l’innovation dans l’agriculture de 2050, adaptée au réchauffement climatique. « On travaillera sur l’économie d’eau, l’énergie, mais aussi les aliments de demain comme la figue de barbarie », explique Roland Gomez.

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Serre de Lissada.

Comment faire communauté ?

Ce projet doit également permettre de former des jeunes et des personnes en réinsertion pour faire circuler la connaissance. Mais aussi pour faire communauté. « Il faut réussir à faire cohabiter l’intérêt personnel à l’intérêt collectif ce qui n’est parfois pas simple », prévient Arnaud Castagnède, habitué des tiers-lieux en tant que fondateur du Cloître.

Les paysans eux-mêmes se sont engagés à former. Une partie de leurs récoltes sera également réversée à la Banque alimentaire. Ils pourront aussi organiser des évènements communs pour accueillir du public sur le site, notamment des scolaires, toujours dans un but de transmission.

Le 12 et 13 juillet, le tiers-lieu s’essaiera à la tâche pour la première fois en accueillant les dîners insolites dans le cadre de MPG 2025. La vue imprenable sur tout Marseille et ce projet porteur de sens pourraient en séduire quelques-uns.

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