Le grand chantier tant attendu pour traiter la pollution chimique du littoral sud de Marseille débute. Alors que des habitants souhaitent plus de sécurité contre d’éventuelles contaminations, les pouvoirs publics jouent la carte de la transparence pour les rassurer.

Un chantier à haut risque ? Forcément. Il s’attaque à plus de 200 ans de pollution d’industries chimiques. Là où des usines de plomb, soufre, acide chloridrique poussaient en enfilade jusque dans les calanques. Aujourd’hui, le littoral sud de Marseille, ses vallons et ses plages, ont des airs d’espaces naturels et de bâtiments pittoresques.

Un décor, en cœur de parc national, qui masque mal les « scories », « crassiers » et autres dépôts pollués aux métaux lourds, plomb, arsenic, mercure, cadmium, antimoine… « Il y en a en continu tout le long du littoral », de Saména à Callelongue, explique Mélody Gros, cheffe de projets sites et sols pollués à l’Ademe (agence de la transition écologique). « Aujourd’hui, une grande partie est confinée sous la route, ou sous la végétation ».

Mais d’autres dépôts débordent, dans la mer et à l’air libre, dans des endroits prisés du grand public. Comme à la calanque de Samena, dont l’interdiction d’accès n’empêche pas de nombreux badauds de profiter de son sable contaminé. Quand la pêche aux moules et aux oursins est interdite à plusieurs endroits car ils « bioaccumulent les polluants ». Ce que des études ont confirmé, mais que le grand public ne sait pas forcément.

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Au premier plan, des scories du côté de Callelongue.

Opération transparence ?

Le leg d’une industrie passée, d’une approche environnementale révolue, mais que les autorités actuelles auront mis beaucoup de temps à prendre en compte. Notamment sous la pression de la justice, condamnant l’État à traiter des zones sensibles avant 2028.

L’opération démarre enfin pour 14 millions d’euros, sous la coupe de l’Ademe, afin de traiter 20 sites en deux phases d’ici 2027. Ceux jugés les plus sensibles pour « leur concentration importante de polluants, les risques de dispersion, leur instabilité et leur accessibilité au public », explique Mélody Gros.

Mais, à l’heure du début tant attendu de ces travaux, tous les regards et toutes les inquiétudes se tournent vers un chantier dont on craint qu’il diffuse la pollution, ou qu’il la traite mal. Alors, dans une volonté de rassurer les riverains, les associations et le grand public, l’Ademe, l’État et les entreprises de maîtrise d’oeuvre jouaient la carte « transparence » ce jeudi 11 septembre, en invitant la presse.

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Jérémy Durand, du groupe Antea.

2 500 tonnes de matières polluées à extraire

Rendez-vous sur le parking Napoléon, au-dessus des Goudes, reconverti en « base de vie du chantier », alors que les visiteurs sont désormais invités à se garer sur un parking temporaire créé au-dessus. Ici prendra place une tente de confinement de 250 moù les camions venus des divers sites viendront « dépoter » (décharger) leur cargaison contaminée.

Il s’agira « d’une mise en sécurité des sites, et non d’une dépollution », précise la représentante de l’État, Louise Walther, de la direction de la citoyenneté, de la légalité et de l’environnement des Bouches-du-Rhône. À savoir, le retrait de matières polluées, estimées « à 2 500 tonnes », selon Jérémy Durand, du groupe Antea, sélectionné pour la maîtrise d’œuvre. Ou le confinement étanche de certaines zones quand l’extraction est trop complexe.

Reste que les opérations de terrassement de l’entreprise Forézienne (Eiffage) entraîneront des soulèvements de poussière potentiellement dangereuses pour les riverains. « Nous avons conçu le chantier pour limiter au maximum les risques », veut rassurer la cheffe de projet de l’Ademe, Mélody Gros. Brumisation pour retenir la poussière au sol, des aspiratrices « à filtres haute performance » pour éviter les rejets de particules. Ou la tente de confinement pour la manipulation des terres polluées.

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À Samena, le chantier se met en place.

Des capteurs pour surveiller les envols de poussière

Pour « vérifier l’efficacité de ce qu’on met en place », elle décrit un dispositif de surveillance de la qualité de l’air avec des capteurs de divers polluants (en particulier les particules fines PM 2,5 et PM 10) installés sur toute la zone concernée.

Une surveillance « inédite » selon elle. Avec des seuils de vigilance, ou d’alerte, pouvant mettre à l’arrêt le chantier. Le contrat avec les entreprises prévoit ce type de coupures.

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À Callelongue, les terres polluées bien visibles.

Des riverains se battent pour un suivi sanitaire des habitants

Mais ce n’est pas assez pour certains riverains. Notamment ceux qui animent l’association Santé littoral sud (ASLS). Ils se disent « contents que la pollution soit enfin traitée », mais demandent « une véritable veille sanitaire pour la population », explique un membre actif, Roland Dadena. « Comme ils ont fait pour l’incendie de Notre-Dame de Paris. Avec des médecins et experts, qui se concentrent sur des indicateurs réels pour la santé des habitants ».

Pour lui, « les capteurs installés pourront alerter sur des envols de poussière polluée, mais pas directement sur l’impact sur la santé ». L’association annonce « poursuivre le combat pour que la Préfecture mette en place un plan de prévention, de veille et de suivi sanitaire pendant tout la durée du chantier. Comme prévu par le code de la santé publique ».

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