Alors que la trêve hivernale vient de débuter et que le nombre d’expulsions de locataires ne cesse d’augmenter en France, la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre) défend l’encadrement des loyers, notamment à Marseille.
Début novembre, la Préfecture des Bouches-du-Rhône a activé son plan hiver 2025 jusqu’au 31 mars 2026 afin de renforcer la protection des personnes sans-abri ou en très grande précarité en prévision des fortes baisses de températures.
Pour les loger temporairement, 6 726 places d’hébergement d’urgence sont déjà disponibles dans les Bouches-du-Rhône, dont 5 500 à Marseille, à la fois dans des structures pérennes, comme la Grande Maison qui propose 58 places à la Belle de Mai, mais aussi dans des hôtels conventionnés.
Mais des places manquent toujours à l’appel, face à la hausse de 30% des personnes expulsées depuis 2023. « En deux ans, 25 000 personnes supplémentaires ont été expulsées de leur logement dans le pays », alerte Francis Vernède, directeur régional de la Fondation pour le logement des défavorisés. À Marseille, 1051 locataires ont été expulsés en 2024.
Une progression plus rapide
Selon le spécialiste, ce chiffre a nettement augmenté depuis le passage de la loi Kasbarian Berger qui réprime le squat et sécurise les revenus des propriétaires. « Comme les démarches d’expulsion vont plus vite, les ménages ont moins de temps pour solder leur dette », analyse le sociologue de formation. Cette loi aurait « déshabillé la prévention d’expulsion », qui permettait aux ménages de se faire accompagner par des structures sociales.
Pour des ménages en emploi, l’expulsion peut être une double peine. « Nous avons conduit une étude qui révèle qu’un tiers des personnes en emploi vont le perdre si elles sont expulsées », assure-t-il. L’hébergement à l’hôtel, parfois géographiquement loin du travail, couplé à l’impact psychologique de perdre son appartement et ses meubles, pourraient entraîner une dégringolade.
Encourager l’encadrement des loyers ?
Le directeur de la fondation suggère donc à l’État de donner plus de temps aux ménages en difficulté financière. Ce dernier milite, en parallèle, pour avancer sur l’encadrement des loyers, notamment à Marseille. « Sinon les locataires ne vont pas arriver à payer », estime Francis Vernède.
Le 5e baromètre de l’encadrement des loyers de la fondation constate des améliorations dans certaines villes ayant expérimenté le dispositif impulsé par la loi ELAN en 2018. À Lille, le non-respect de l’encadrement est passé de 43% en 2022 à 31% entre 2024 et 2025 et à Montpellier, le taux d’annonces non-conformes est passé de 37% à 12%.
En prévision de la fin de l’expérimentation en novembre 2026, deux députés, Inaki Echaniz (PS) et Annaïg Le Meur (Ensemble), ont réalisé une mission flash. Le document montre que « l’encadrement des loyers produit des effets positifs » et que « contrairement à certaines idées reçues, il n’est pas la cause de la baisse générale de l’offre locative qui affecte aussi les villes sans encadrement des loyers ».
En réponse aux parlementaires, le président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), Loïc Cantin, affirme pourtant que cette mesure est « inefficace, punitive et contre-productive » dans un communiqué. Le représentant estime que « les données disponibles montrent que les loyers évoluent de manière comparable dans les villes où le dispositif s’applique ».
Vers un chemin de consensus à Marseille
De son côté, l’observatoire local des loyers dans le parc privé de l’Adil 13 pointe que Marseille a connu « une hausse quasi-continue des prix à la location » de l’ordre de +11% entre 2014 et 2024. Pour limiter cette inflation locative, la municipalité avait souhaité rejoindre fin 2022 l’expérimentation nationale.
Le feu vert lui avait donné par la Métropole Aix-Marseille-Provence qui avait accepté de porter sa candidature, sans pour autant y être favorable. Mais le projet est resté dans les cartons, la faute aux changements successifs de gouvernement. « Les ministres n’ont jamais signé le décret », regrette Patrick Amico (PM), adjoint au logement à la Ville de Marseille.
Début octobre, Marseille a intégré une alliance sur l’encadrement des loyers pour appuyer la pérennisation du dispositif. Avant toute mise en œuvre, la Métropole, dont la présidente Martine Vassal (DVD) est candidate à la mairie de Marseille, souligne la nécessité de disposer « d’un observatoire des loyers et d’un cadre » qui pourraient, comme elle le suggère, passer par le Plan Local de l’Habitat (PLH).
En attendant une issue, cette question éminemment politique devrait rapidement se faire une place dans le débat des élections municipales de mars 2026.