Autour du Plan de déplacements urbains (PDU), les visions diffèrent entre la Ville et la Métropole sur le développement du vélo à Marseille. Les associations de cyclistes espèrent qu’elles s’accorderont pour passer à la vitesse supérieure dans les aménagements cyclables.
Nous sommes loin de certaines images que l’on a pu voir, à Paris par exemple, où les cyclistes semblent parfois plus nombreux que les automobilistes. Mais, la pratique du vélo à Marseille s’est indéniablement accentuée depuis la crise sanitaire. On peut le constater quotidiennement, ou s’appuyer sur les chiffres de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam) : en juin 2020, à la sortie du confinement, la pratique du vélo était 30 % supérieure à l’année précédente.
Les « coronapistes » : à Paris aussi, de nouvelles pistes cyclables ont vu le jour pendant la pandémie.
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— Patrice Roy (@PatriceRoyTJ) September 21, 2020
Prise de conscience environnementale, meilleure distanciation sociale dans le contexte sanitaire, pratique sportive régulière, ou tout simplement parce qu’il s’agit d’un moyen de transport efficace (le plus rapide en ville pour les distances de moins de 5 kilomètres selon les associations)… Les raisons ne manquent pas aux cyclistes pour préférer le vélo à d’autres moyens de transports.
Cette croissance de la pratique de la bicyclette ces derniers mois s’appuie également sur une politique publique. Une communication importante, des aides financières aux cyclistes, et la mise en place des fameuses « coronapistes » au sortir du confinement.
Reste que si les Marseillais « s’y mettent », comme s’en réjouit Cyril Pimentel, coordinateur du collectif Vélos en ville, « si il y avait des aménagements adéquats, ils s’y mettraient beaucoup plus ».
85 kilomètres de pistes d’ici 2024
Car le territoire a du mal à se défaire de sa réputation concernant les aménagements cyclables. Dans son baromètre des villes cyclables de France, l’association Parlons Vélo place Marseille à la dernière place des 42 plus grandes villes de France. Un palmarès qui se répète à chaque nouveau classement.
Face à cette réalité, la Métropole Aix-Marseille-Provence, en charge de la mobilité, lance en 2019 son grand Plan vélo. Il vise l’aménagement de 85 kilomètres de pistes cyclables dans la ville à l’horizon 2024. Sur la Corniche, deux kilomètres de voies sécurisées dédiées aux deux-roues ont été inaugurées en 2019. La collectivité annonçait poursuivre le déploiement en 2020, « sur la Canebière ou le boulevard Charles Livon… ». C’est également le cas pour les chantiers de requalification du centre-ville comme sur le Jarret ou le Cours Lieutaud. Une voie cyclable continue devrait notamment relier le nord au sud de la ville par le littoral d’ici 2024.
🚲 D’autres outils pour favoriser la pratique du vélo
En parallèle, la Métropole propose une gamme d’outils et de services aux cyclistes. Comme l’aide à l’achat de vélo électrique pouvant atteindre 400 €, le lancement « en octobre 2020 du nouveau service de stationnement sécurisé « l’abrivélo » » au niveau des pôles d’échanges métropolitains, le service de location longue durée de vélos électriques.
La Ville souhaite « accélérer et renforcer » le Plan vélo métropolitain
Ces aménagements s’inscrivent notamment dans le Plan de déplacements urbains (PDU) adopté par la Métropole fin 2019, qui planifie, organise et règlemente la mobilité à horizon 2030. Ce lundi 5 octobre, en conseil municipal, la Ville de Marseille a émis un « avis réservé » à son sujet. Si la nouvelle municipalité se réjouit que le PDU ambitionne « d’augmenter la part modale dans le centre-ville à 10 % (voire 15 % dans l’hypercentre) », soit au dessus des ambitions nationales moyennes (9 %), elle considère que les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions, et qu’il faut « renforcer et accélérer la mise en œuvre du Plan Vélo ».
Les élus de la majorité ont pointé un manque de visibilité sur les financements et la programmation de ces aménagements, et souhaite que la municipalité soit associée plus directement aux prises de décisions sur la mobilité.
Il y a « piste cyclable » et « piste cyclable »
La Ville souhaite également que soit mise en place et appliquée une « Charte vélo » concernant les nouveaux aménagements. Ils devront, notamment, comporter :
- une séparation nette avec la circulation motorisée et les trottoirs
- des séparateurs empêchant tout franchissement de véhicules motorisés
- des marquages au sol et revêtements unifiés pour une identification simple par tous les autres usagers de la voirie
- une signalisation routière dédiée aux cyclistes distincte de celle des véhicules motorisés.
À la municipalité de « supprimer des centaines voire des milliers de places de stationnement »
Laure-Agnès Caradec, élue LR d’opposition dans l’hémicycle municipal, et conseillère dans la majorité à la Métropole, s’est chargée de défendre la place du vélo dans le PDU. D’abord en rappelant les diverses actions entreprises par la collectivité (évoquées avant).
Ensuite en renvoyant la Ville à ses responsabilités, car un « meilleur partage de l’espace en faveur du vélo et des piétons se fait au détriment des voitures et de la voirie. C’est à la Ville de dire où elle veut supprimer des centaines voire des milliers de places de stationnement ».
Les mairies de secteur font leurs propositions
Une responsabilité dont ne semblent pas vouloir se soustraire les élus de la nouvelle municipalité. Pour Sophie Camard, maire LFI des 1er et 7e arrondissements, « ce ping-pong entre la Ville et la Métropole agace les concitoyens. Nous sommes dans la proposition », affirme-t-elle. Deux scénarios techniques pour une piste cyclable sécurisée ralliant le Vieux-Port jusqu’aux Catalans sont proposés par sa mairie de secteur.
Même démarche dans les 2e et 3e arrondissements, où la nouvelle équipe municipale planche sur un vaste plan de déploiement de pistes cyclables pour 2021. « Avec un accent mis sur le 3e arrondissement », précise Anthéa Miglietta, adjointe de secteur à la transformation de l’espace public. « Dans les quartiers de la Belle de Mai et Saint-Mauront notamment, où nous souhaitons développer le vélo en libre service et des actions de sensibilisation ».
La crise sanitaire pour donner un élan
Stratégie différente pour les 6-8, où l’on privilégie un développement d’urgence de « coronapistes ». « Nous préférons le terme « piste cyclable d’urgence » qui évoque une voie dédiée et sécurisée, et non pas de la peinture au sol », explique l’adjointe du secteur en charge des mobilités, Anne Meilhac. Une douzaine seront bientôt soumises à l’avis de la population et proposées à la Métropole. « Un minimum pour ce vaste territoire sans métro ni tramway, où les embouteillages sont légion et où les bus sont bondés chaque matin et refusent parfois des voyageurs ». Des aménagements d’urgence à caractère éphémère, donc ? « La crise sanitaire rend les pistes plus urgentes que jamais. Elle nous impose d’agir pour déclencher la construction des pistes prévues dans le Plan vélo, dont le déploiement se fait encore attendre », explique Anne Meilhac.
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Les élus gardent dans l’idée de sanctuariser ensuite les pistes d’urgence, comme c’est le cas pour la « coronapiste » de la Canebière. Ce que confirme Vincent Kornprobst, adjoint aux mobilités dans les 4-5 : « On utilise le vecteur sanitaire, mais le but, c’est de pérenniser ensuite ». Dans ce secteur, le maire Didier Jau (Printemps marseillais) a présenté un plan pour la création de plus d’une quinzaine de pistes d’urgence.
« Il faut qu’ils apprennent à travailler ensemble »
Tous ces projets portés par les mairies de secteurs, ainsi que les ambitions de la Ville de Marseille concernant le développement du vélo, seront présentés à la Métropole par l’adjointe aux mobilités, Audrey Gatian « courant octobre », nous confie-t-elle. Une réunion de travail entre les deux collectivités « et des associations de cyclistes », précise la Métropole.
Il s’agirait de Vélos en ville, et son coordinateur, Cyril Pimentel, serait ravi d’y participer « pour mettre un peu d’huile dans les rouages. La pression monte entre la Ville et la Métropole. Il ne faudrait pas que le vélo se retrouve pris en étau et cristallise ces tensions. Il faut qu’ils apprennent à travailler ensemble ».
Un point sur lequel Audrey Gatian est confiante : « je ne suis pas sûre que le vélo soit le plus gros sujet de divergence entre les deux collectivités ». Les cyclistes Marseillais seront ravis que l’avenir lui donne raison.