Avant de devenir une place piétonne où bars et restaurants installent leur terrasse aux beaux jours, le Cours Estienne d’Orves était un canal. Baptisé « Canal de la Douane », il était apprécié par de nombreux habitants pour son côté bucolique qui donnait au Vieux-Port des airs de Venise, Bruges ou encore Amsterdam.
L’histoire du Canal de la Douane remonte au 17e siècle, à l’époque où le Vieux-Port était occupé par l’Arsenal des Galères, lieu de construction, d’entretien et d’armement de navires de guerre, aujourd’hui disparu. Un premier arsenal existait déjà au temps des romains, et d’autres l’ont remplacés au fil des siècles. Le dernier arsenal, commandé par le roi Louis XIV et édifié par Colbert à la fin des années 1600, est celui qui a fait naître le Canal de la Douane.
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À cette époque, il ne s’agit d’ailleurs pas encore d’un vrai canal, mais juste d’une darse en forme de « L » reliée au port. Le Canal n’est construit que bien après, en 1782. Le déclin des galères entraîne la fin de l’Arsenal des Galères dont les terrains sont vendus par la ville. Il est alors décidé de prolonger la darse de sorte à créer une deuxième liaison vers le Vieux-Port : le canal de la Douane était né.
Un canal et six ponts en bois
Le Canal de la Douane entoure à cette époque l’îlot Thiars. De nos jours, il longerait les cours Jean Ballard et Estienne d’Orves et la place aux Huiles. La largeur des quais était de 12 mètres côté terre et huit mètres du côté de l’îlot. Les deux rives étaient reliées l’une à l’autre grâce à six ponts : deux ponts tournants de quatre mètres de longs sur l’actuel quai de Rive Neuve, deux ponts basculants également de quatre mètres sur l’actuelle rue Saint-Saëns et deux ponts levis de deux mètres sur l’actuel cours Estienne d’Orves. Des ponts mobiles en bois qui, pour fonctionner, devaient se manœuvrer à la force de l’homme.
Le canal et ses ponts étaient très appréciés par les Marseillais. Edmond Jaloux, écrivain marseillais, est même allé jusqu’à écrire qu’en se promenant le long du Canal de la Douane, il avait « sous les yeux Venise, Bruges, Amsterdam ».
Le comblement voté par mesure d’hygiène
À partir de 1840, c’est le déclin de ce petit canal en raison de l’extension des ports à la Joliette. Le caractère pittoresque du Canal de la Douane est supplanté par les inconvénients qu’il présente : d’une part des mauvaises odeurs liées au fait que l’eau du canal n’est pas renouvelée et, d’autre part, les difficultés de liaisons entre les deux rives puisque les ponts se manœuvrent à bras.
L’avenir du Canal de la Douane donne lieu à de nombreux débats dans la presse dès les années 1910. La Première Guerre mondiale donna au canal quelques années supplémentaires mais, en mai 1926, le maire de Marseille, Siméon Flaissières demande à l’État de déclasser le canal de sorte à pouvoir le combler. C’est chose faite et, à partir d’octobre 1927, des milliers de mètres cubes de gravats sont entassés dans le canal. La nouvelle place ainsi créée sera ensuite pavée en 1929.
D’un canal bucolique à un parking aérien géant
L’histoire n’est pas totalement terminée. Car le Cours Estienne d’Orves qui a pris place sur une partie de l’ancien canal n’est pas tout de suite devenu cette grande et belle esplanade qu’on lui connaît aujourd’hui. Au début des années 1960, face au développement de l’automobile en ville, le maire de l’époque, Gaston Deferre, décide de créer un parking aérien de 375 places sur le cours qui sera édifié en 1965. Si, au départ, l’avis général à propos du parking est positif, le positionnement des Marseillais change très rapidement, dès les années 1970.
Un comité est créé, qui élabore plusieurs propositions pour donner une seconde vie au parking, loin du cours Estienne d’Orves. La solution est trouvée : découper la structure de béton pour aller la placer ailleurs. Le projet est accepté par la mairie et le parking disparaît du centre-ville en 1987, remplacé par le parking souterrain actuel. Un géant que l’on retrouve aujourd’hui dans le 13e arrondissement puisque, hormis les deux rampes d’accès, la structure a été remontée en parking-relais de la RTM de la station La Rose (ligne 1).
Le cours Estienne d’Orves tel qu’il est de nos jours a été inauguré par la suite, en 1989. Il est l’œuvre de l’architecte urbaniste Charles Bové qui a voulu en faire un espace vivant. Objectif réussi puisque le cours est pris d’assaut, dès les beaux jours, par les terrasses des bars et des restaurants où locaux et touristes viennent y prendre du bon temps.
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Par Agathe Perrier
Merci,
Très intéressant ! Je ne voyais pas Marseille, les » pieds dans l’eau » .
Comme quoi, on peut être un Régional, et ignorer le passé relativement récent, de la Capitale Méditerranéenne .
Encore merci, et bon vent à vos Equipes de recherches .
Pierre RIVIERE ( La Seyne sur Mer 83500 ) .