À Marseille, en marge du Congrès Mondial des Océans de Nice (UNOC), le projet Oxseagen veut accélérer la transition des bateaux de plaisance. Si leur pollution est non négligeable, des solutions pourraient permettre de verdir rapidement cette flotte.
Nous sommes sur les quais de l’anse de la Réserve, à l’entrée du Vieux-Port de Marseille. Des centaines de bateaux de plaisance sont amarrés, comme le voilier Le Boulegan. Son moteur diesel ronronne au ralenti et un technicien de l’agence régionale de surveillance de la qualité de l’air (Atmosud) tend une perche vers l’échappement.
« On est à 7 000 microgrammes de dioxyde d’azote par mètre cube. La réglementation fixe le seuil à 200, par heure, dans l’air ambiant », explique Grégory Gille, responsable du pôle mesures d’Atmosud. Certes, la sortie d’échappement ne représente pas la qualité de l’air alentour. Mais ces niveaux alertent.

Encore plus juste à côté. Un bateau pneumatique équipé d’un moteur essence de 150 chevaux est « le grand gagnant de la pollution », poursuit l’expert. Il monte jusqu’à « 1 200 particules de monoxyde de carbone par milliard ».
Ces chiffres et les noms de molécules peuvent paraître abstraits. Alors, pour illustrer, le directeur d’Atmosud, Dominique Robin, estime qu’un navire de plaisance pollue « de 3 à 37 fois plus qu’une voiture Crit’Air 1 ».
La plaisance reste sous les radars des mesures environnementales
Voilà quelques temps que l’agence de la qualité de l’air s’est mise à « sniffer » les pots d’échappement des bateaux de plaisance, sous l’invitation de l’association Neede, qui œuvre pour sauver la Méditerranée. Ce vendredi 6 juin, ils ont voulu alerter sur ce sujet avec la première édition de « Sea the futur X Oxseagen ».
La veille du Congrès Mondial des Océans de Nice (UNOC) qui débute ce lundi. Pourtant, malgré quelques espoirs, « il ne devrait pas y avoir d’annonces autour de la pollution de la plaisance », lors de ce sommet, regrette Cyprien Fonvielle, directeur de Neede Méditerranée.
Car, aujourd’hui, ce secteur de la navigation reste hors des radars des politiques et réglementations environnementales. Contrairement au transport maritime dont les émissions polluantes sont encadrées par les conventions internationales MARPOL, sous l’égide de l’OMI, ou encore l’automobile et l’industrie.
Une flotte vieillissante
Pourtant, l’impact de la plaisance semble loin d’être neutre et sa transition apparait nécessaire. C’est le président de la Fédération des sociétés nautiques des Bouches-du-Rhône, Michel Lamberti, qui le dit lui-même : « j’ai été choqué de découvrir le niveau de pollution atmosphérique et sonore de la plaisance. D’autant plus que ces bateaux naviguent majoritairement dans la zone des 300 mètres côtiers, là où la biodiversité marine est la plus concentrée ».
Il poursuit avec des données parlantes : le littoral français compte 428 000 bateaux de plaisance, dont 80% à moteur et 20% de voiliers (motorisés pour les manœuvres). « 90% de cette flotte est vieillissante, avec une moyenne de 23 ans », précise Michel Lamberti.
Le verdissement rapide de la plaisance « n’est pas une utopie »
Tous les acteurs présents sont d’accord sur un point : la plaisance doit aussi entamer sa transition. Alors, après la présentation des problèmes, place aux solutions. Car ici, le petit port de l’anse de la réserve a fait office de centre de recherche et développement, avec des expérimentations.
Comme cette barquette traditionnelle marseillaise datant de 1913, baptisée Mercedes. Ce patrimoine marseillais du nautisme, restauré par l’association Boud’mer, a fait un bond dans le futur il y a quatre ans en s’équipant d’un moteur électrique et de panneaux solaires. Un « retrofit », comme on dit, qui lui permet de naviguer aujourd’hui sans émettre de pollution, en se déplaçant en silence.
Cette solution est portée par la société locale Ozo, basée à Éguilles, devenue l’un des leaders français de l’électrification de la mobilité. « On a commencé avec les vélos, puis les scooters, et maintenant les bateaux », retrace le fondateur Jean-Pascal Plumier. Pour lui, l’électrification rapide de la flotte de plaisance « n’est pas une utopie ».
Un moteur pour l’économie bleue ?
Qu’il s’agisse d’un passage à l’électrique total, avec panneaux solaires pour l’alimentation, ou de moteurs hybrides pour plus d’autonomie, « le retrofit prend une journée, et coûte entre 3 000 et 12 000 euros ». Largement dans la fourchette des prix des moteurs. « D’autant qu’il n’y a pas de maintenance, à part des changements de batteries tous les 15 ans, dont le prix a été divisé par deux en trois ans ».
Sa société lance d’ailleurs une unité de production locale de batteries lithium à Aix. De quoi rappeler que la transition de la plaisance peut aussi représenter un moteur économique pour la région.