L’Adepape 13, association qui suit les adolescents sortants de l’aide sociale à l’enfance (ASE), a inauguré ses nouveaux locaux rue du Canada, en présence de la ministre Catherine Vautrin.
Les adolescents esquissent un franc sourire ce 5 juin au matin. Ils accueillent Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, de la Solidarité et des Familles, en visite à Marseille, Isabelle Epaillard, préfète à l’égalité des chances, et Martine Vassal, présidente du Département, dans le local flambant neuf de l’Adepape 13, au 23 rue du Canada (10e).
L’association d’entraide par et pour les sortants de l’aide sociale à l’enfance s’y est installée depuis trois semaines. Ce grand local, plus accessible en transport que celui de la Corniche, bénéficie d’un grand espace jeune doté d’une multitude de services : laverie, salle informatique, salle de bain, cuisine, salon avec télévision et canapés.
Sept jeunes placés en familles d’accueil, en foyer ou tout juste sortis de l’aide sociale à l’enfance (ASE), assis face à ces trois femmes qui en imposent, racontent leurs parcours poignants. Yacine, la vingtaine, termine sa première année à Sciences Po Aix. C’est le deuxième étudiant sortant de l’aide sociale à l’enfance à intégrer la prestigieuse école depuis 1958.
Mais il ne veut pas faire de la politique. « J’aimerais servir comme officier dans l’armée », affirme avec aplomb le jeune ambitieux. En face de lui, Thim, 13 ans, placé depuis l’âge de deux ans, envisage aussi de s’engager dans les forces militaires ou chez les Marins Pompiers de Marseille.

Le décrochage pendant l’adolescence
Pour sa part, Khadija, 17 ans, entend faire des études de droit. Mais il faudra d’abord décrocher le bac dans quelques jours. Et attendre de remonter dans la liste d’attente de ses vœux sur Parcours sup. Si elle espère obtenir la mention très bien, son changement de famille d’accueil en seconde n’a pas facilité sa vie d’adolescente.
Elle aimait encore vivre avec sa « mamie » qui l’a élevée depuis son enfance. Mais à 67 ans, sa grand-mère d’accueil a dû la confier à une autre famille comme la loi l’exige. « Il faut changer ça ! », lance Catherine Vautrin qui prépare un projet de loi pour « augmenter le nombre de familles d’accueil » et assouplir les règles fixées par l’État.
Parfois, les liens avec la famille d’accueil se déchirent « surtout lors de l’adolescence », explique Hamza Bensatem, président de l’Adepape 13. Le cas de Léo, 16 ans, est parlant. Le jeune a quitté sa famille d’accueil à 13 ans pour un foyer car il n’arrivait plus à composer. Il a laissé tomber le collège et n’a pas passé son brevet. Cet abandon le freine aujourd’hui dans sa poursuite d’études.
Les manques de l’aide sociale à l’enfance
Devant des oreilles attentives, les jeunes en profitent pour partager des pistes d’améliorations. « Il y a des manques à l’ASE (…) comme quand on commence des études. On a du mal à obtenir un ordinateur ou à être aidés pour les trajets », souligne Yacine.
C’est l’Adepape 13 qui l’a aidé à s’en procurer un, grâce aux dons des entreprises partenaires : la fondation Vinci, CMA CGM, EDF ou le Crédit Mutuel. L’association aide également les jeunes à préparer le permis de conduire. « Une grande préoccupation chez eux », souligne Hamza Bensatem qui annonce la future installation d’un simulateur de conduite dans le local.
Outre le matériel, les éducateurs aident les minots à faire leurs démarches administratives, trouver un logement, des formations et même à trouver leur voie. Yacine, 13 ans, confié depuis ses huit mois, veut « aider les gens » dans son futur métier. « Quand on donne du bonheur aux gens, on est encore plus heureux soi-même », confie-t-il du bout des lèvres. Un silence plane, laissant une salle troublée par cette jeune leçon d’humanité.