Si le fuseau de moindre impact (aire du tracé) de la future ligne très haute tension vers Fos-sur-Mer est validé, le Préfet fait un pas vers les contestataires. Il demande l’ouverture d’un débat public global, et des études plus poussées.
Le rendez-vous est donné à 10h30 le 27 septembre devant le Grand bar Pierre, face à l’imposante Préfecture des Bouches-du-Rhône. Le collectif Stop THT 13/30, composé d’une trentaine d’associations de riverains, de défenseurs de l’environnement et de syndicats agricoles, brandit ses pancartes : « Non au projet de ligne THT ! » ou « Décarboner oui, saccager non ! ».
Un café à la main, les contestataires ne sont pas virulents et tentent plutôt d’être constructifs. Ils ne nient pas la vocation même de cet ouvrage électrique de 400 000 volts sur 65 kilomètres entre Jonquières-Saint-Vincent (30) et Fos-sur-Mer (13). Puisque cette ligne doit répondre à la hausse de la consommation de la région d’ici 2030, pour un coût estimé à 300 millions d’euros.
Tout ça en prévision, du côté de Fos-sur-Mer, de la décarbonation industrielle et de l’accueil des giga-factory. Des datacenters et de l’électrification des navires à quais sur Marseille. Ou encore du changement des usages domestiques comme la voiture électrique ou la climatisation.
Eux, fustigent la nature aérienne de la ligne, montée sur 180 pylônes de 65 mètres. Le collectif a fait bûcher un collège d’ingénieurs sur un projet alternatif d’enfouissement. « Mais l’État a jugé cette proposition non recevable », regrette Michel Peronnet, ancien ingénieur du Grand port maritime de Marseille-Fos. Qui en a encore sous le coude.
« Manque de concertation »
Les opposants relèvent aussi le « manque de concertation publique » autour du projet. Patrick de Carolis, maire d’Arles, défenseur de l’attraction touristique de la Camargue, veut engager un nouveau débat public. Mais plus large où « tous les maires concernés seraient mis autour de la table ».
En ce sens, Isabelle Gex, vice-présidente des riverains d’Arles et de la plaine de la Crau, très active sur ce dossier, demande l’ouverture « d’un vrai plan pour l’aménagement du territoire, comme l’a fait la mission Racine ». Dans les années 60, cette mission a défini les grands axes stratégiques de développement entre l’Occitanie et les Bouches-du-Rhône : l’un voué au tourisme, et l’autre à l’industrie.
Pour monter d’un cran, les citoyens espèrent rallier à leur cause le Premier ministre, Michel Barnier : « Il a créé la loi Environnement, il s’est battu contre la ligne Haute-Savoie-Italie pour préserver les paysages de la vallée de la Maurienne. Il a réussi à faire enterrer la ligne après la Déclaration d’utilité publique », déroule pétrie d’espoirs Isabelle Gex. Mais c’était il y a des années. « Les hommes politiques peuvent changer… », murmure la militante.
Première étape du projet de ligne RTE validée
À quelques mètres, dans son bureau, le préfet Christophe Mirmand, prépare sa prise de parole. Ce dernier doit faire état de la fin de la concertation publique préalable aux côtés de Christophe Berassen, directeur du développement de RTE. À midi, les journalistes les attendent patiemment au sein d’une petite salle rose feutrée.
Dans une ambiance solennelle, les deux hommes rappellent la tenue de la « concertation fontaine » dans le cadre d’un tel projet (voir détails) : une aire d’étude validée en novembre 2023, avant de plancher sur le fuseau de moindre impact (FMI), une zone rétrécie pour envisager le passage définitif de la ligne électrique.
Deux hypothèses étaient en jeu. L’une à l’Ouest, en passant par Arles pour finir le long du Rhône. L’autre à l’Est, allant de Tarascon, Saint-Martin-de-Crau pour suivre la N568 jusqu’à Fos-sur-Mer. Le préfet a, ce 27 septembre, validé un tracé à la croisée de ces deux propositions : partant à l’ouest jusqu’à Arles pour déboucher le long de la Nationale jusqu’à Fos.
Un débat public global
« Mais j’ai assorti trois demandes supplémentaires », note le haut fonctionnaire. Christophe Mirmand demande formellement à RTE, d’organiser la tenue d’un débat plus global d’aménagement sur l’ensemble des projets. Ces échanges devront être encadrés par la Commission nationale du débat public (CNDP) dont « je saisirai le président dans les prochains jours », s’engage le préfet.
Le représentant de l’État évoque deux autres conditions avant la déclaration d’utilité publique (DUP) du projet. « Une contre-expertise indépendante et contradictoire », dans les trois mois, sur la question de l’enfouissement total ou partiel de l’ouvrage. Ce sujet étant effectivement revenu sans cesse dans les débats. Pour demander, en dernier lieu, la réévaluation des besoins de raccordements électriques.
Selon RTE, ces dispositions ne devraient toutefois pas repousser le début de la phase de travaux, toujours prévue en 2027, pour une mise ne route en 2028.
Mi-septembre, la Mission régionale d’autorité environnementale a rendu un premier avis sur le projet Carbon. Il recommande au port d’étudier sérieusement « les effets cumulés » de l’arrivée des futurs giga-projets de Fos-sur-Mer (Carbon, H2V, Neocarb, Gavithy, Deos, Jupiter 1000) sur son foncier : soit les besoins en énergie et la ressource en eau, et son impact sur la biodiversité terrestre et marine. « La route est encore longue », admet le préfet.