Une société publique locale pour la Métropole et le Département, une Société d’économie mixte pour la Ville de Marseille… Les institutions trouveront-elles une formule commune pour développer les énergies renouvelables du territoire ?
C’est fait. Ce jeudi 18 avril, le conseil de la Métropole Aix-Marseille-Provence a validé la création de la société publique locale (SPL) Énergies de Provence. Un capital de départ de 3,5 millions d’euros, détenu à parts égales avec le Département des Bouches-du-Rhône. Elle a vocation à développer la production d’énergies renouvelables sur les bâtiments et équipements publics.
« C’est une première pour le territoire, se réjouit Laurent Simon, vice-président (LR) de la Métropole délégué à la transition énergétique. Pour lui, cette société permettra « une maîtrise publique dans la production des énergies décarbonées. La transition est un enjeu primordial, de société, qu’on ne peut pas laisser seulement au privé ».
Il fait le constat que « la Provence représente un gisement gigantesque d’énergies renouvelables, à commencer par le solaire. Mais il est encore sous-exploité ». En effet, le territoire ne produirait que 4 à 6% de sa consommation en énergies renouvelables. Bien loin de l’objectif de 100% à atteindre dans les deux prochaines décennies, fixé par le Plan climat-air-énergie métropolitain.
La SPL Énergies de Provence vise donc à « augmenter chaque année la production d’énergies renouvelables de 6 mégawatt-crête ». Les institutions misent en premier lieu sur la couverture de leurs bâtiments en panneaux solaires. Comme les toitures des collèges du Département ou des ombrières photovoltaïques sur les parkings de la Métropole.
Booster le développement de l’énergie verte
Des dizaines de sites sont déjà identifiés et les premiers chantiers pourraient débuter « courant 2025, avance Laurent Simon. Cette société publique nous est apparue comme le meilleur vecteur pour accélérer la production d’énergie verte », insiste l’élu. En effet, cette structure juridique permet aux collectivités de s’affranchir des lentes et complexes procédures de marchés publics et de mises en concurrence.
De quoi éviter de reproduire l’échec récent du projet d’autoconsommation de la cité de Frais-Vallon à Marseille (13e). « Il visait à solariser le collège, l’école et les toits des logements sociaux. Mais il a capoté car l’opérateur retenu dans l’appel à manifestation d’intérêt n’avait pas la certitude de pouvoir exploiter les installations ensuite. Parce que nous aurions dû relancer une appel à concurrence pour l’exploitation… ».
Avec la SPL, « nous pouvons réaliser directement nos projets en ‘quasi-régie’ ». En maîtrisant la réalisation de ces futures centrales solaires, comme leur exploitation, la société publique espère atteindre l’équilibre financier « très rapidement. D’ici cinq à six ans, estime le vice-président métropolitain. D’après nos hypothèses, nous deviendrons bénéficiaires d’ici 10 ans ».
Aider les communes à lancer leurs projets
De quoi se projeter sur une croissance rapide des investissements publics dans les énergies renouvelables locales. Et développer, dans un second temps, des projets de thalassothermie, de méthanisation, de récupération de chaleur fatale… « Pour viser le mix énergétique du territoire ».
Si la Métropole et le Département sont pour l’heure les seuls actionnaires, « cet outil financier est ouvert à toutes les communes, insiste Laurent Simon. Beaucoup de petites municipalités n’ont pas les capacités financières ou l’ingénierie nécessaire pour développer des projets photovoltaïques. Alors qu’elles ont des gisements intéressants sur leur patrimoine ».
Les écologistes marseillais portent une seconde société
S’il siège dans l’opposition, le conseiller métropolitain marseillais écologiste Sébastien Barles a toutefois voté pour la création de cette SPL. Ajoutant au passage « qu’il s’agit aussi d’un outil social, car il permet une maîtrise publique des prix de l’énergie qui fluctuent, voire explosent, sous contrôle du privé ».
Mais l’adjoint au maire de Marseille délégué à la transition écologique note que la SPL « n’est qu’un point de départ, pas encore assez ambitieux ». Il pointe les limites de cette structure juridique « qui permet de développer des projets uniquement sur le patrimoine public ».
Depuis 2021, il travaille à la création d’un autre outil : une société d’économie mixte (SEM), qu’il espère présenter d’ici l’été. Dans cette formule, les actionnaires publics restent majoritaires et décisionnaires, mais des acteurs privés peuvent participer, « en décuplant ainsi la puissance financière et opérationnelle ».
Surtout, cette société « permet de porter des projets hors du patrimoine public. Comme la récupération de la chaleur fatale des data centers, des centrales photovoltaïques sur des sites privés… Les bénéfices dégagés pourront être réinvestis dans des projets d’avenir et de rénovation thermique lourde ».
Vers une convergence des énergies ?
Pour lui, « la SPL et la SEM sont complémentaires, il faut développer les deux. Et même créer au-dessus un groupement d’intérêt économique (GIE) pour les lier. Toutes les institutions publiques locales doivent porter ensemble ces structures », plaide l’adjoint marseillais à la transition. Son homologue à la Métropole, Laurent Simon, confie être sur la même ligne.
Mais cela semble moins évident à la tête de la Ville et de la Métropole, où les velléités politiques semblent encore prendre le dessus. À ce jour, la mairie de Marseille n’a toujours pas acté sa volonté de participer à la SPL Énergies de Provence. De l’autre côté, le projet de SEM énergies porté par Sébastien Barles a surtout suscité des boutades lors du conseil métropolitain du 18 avril.
Les écologistes ont publié une lettre ouverte à l’attention du maire de Marseille Benoît Payan (DVG) et de Martine Vassal (DVD), présidente de la Métropole et du Département. Le texte les invite à travailler en commun dans toutes ces structures publiques. L’énergie pour dépasser les chicayas ?