L’agence de surveillance de la qualité de l’air Atmosud va analyser la documentation de tous les navires entrant dans le port de Marseille. Objectif : estimer précisément la pollution du secteur maritime et mesurer ses efforts en termes de transition.
La pollution maritime à Marseille. Le sujet a occupé la scène durant un été 2022 marqué par des pics de pollution. Le maire de Marseille a lancé une pétition pour interdire les navires les plus polluants. Puis annoncé la participation de la Ville à hauteur de 10 millions d’euros dans le plan Escales zéro fumée, pour accélérer l’électrification des quais permettant aux navires de couper leurs moteurs à l’arrêt.
Les acteurs maritimes et économiques n’avaient pas manqué de réagir, rappelant « tous les efforts, engagements et investissements déployés par les acteurs portuaires de Marseille en faveur de la protection de l’air et de la mer » : passage au gaz naturel liquéfié, installation de filtres sur les cheminées, électrification du port…
Mais comment mesurer les bénéfices concrets de ces efforts pour la qualité de l’air des Marseillais ? Comme nous vous l’annoncions, l’agence locale de surveillance de la qualité de l’air Atmosud, va se pencher sérieusement sur la question. Un travail qui sera présenté officiellement d’ici quelques semaines, avec le Grand port maritime de Marseille (Gpmm), l’Union Maritime et Fluviale de Marseille Fos et les armateurs impliqués.
Exercice de transparence pour le secteur maritime
Car aujourd’hui, il n’y a pas de données précises sur l’impact du port dans la pollution atmosphérique du territoire. Mais « il n’est pas complètement négligeable », rappelle le directeur d’Atmosud, Dominique Robin. Par exemple, « les émissions d’azote des navires sont équivalentes à celles des voitures ».
Ces estimations se basent sur des données anonymisées des navires qui font escale à Marseille. C’est sur ce point que l’agence de surveillance de la qualité de l’air va bientôt pouvoir travailler. Les acteurs maritimes vont lui fournir les documents présentant les caractéristiques techniques de chaque navire entrant dans le port.
« On connaîtra le moteur, son âge, le fuel utilisé, le système de traitement des fumées… » explique Dominique Robin. Tous ces éléments permettront aux spécialistes d’Atmosud de déduire plus précisément les rejets de polluants maritimes à Marseille.
Évaluer les efforts des armateurs en termes de pollution
Dominique Robin insiste sur la fin de l’anonymisation de ces données : « Nous pourrons quantifier les rejets de chaque navire de façon individualisée ». Un détail qui a son importance. D’abord pour l’objectif premier de ce dispositif, qui vise à mesurer l’amélioration des émissions du secteur maritime. « Nous allons pouvoir évaluer le progrès de chaque armateur ».
Il rappelle par exemple le nouveau filtre à particules installé par La Méridionale sur son navire amiral Le Piana. « Ce sont des champions sur ce projet, il faut le dire ». Ou encore le nouveau « fonds spécial Énergies » de la CMA CGM doté de 1,5 milliard d’euros en vue de décarboner ses activités.
« Même si la réglementation est aujourd’hui très faible, les armateurs sont proactifs dans la transition ». Ce qu’Atmosud pourra bientôt vérifier plus sérieusement. « Ils anticipent aussi un durcissement des règles, aujourd’hui très légères pour le secteur maritime ».
Un outil pour vérifier le respect des nouvelles règles
Car ces règles devraient évoluer avec la mise en place de la zone de contrôle des émissions (zone Eca) de soufre en Méditerranée, attendue en 2025. Le travail d’Atmosud permettra de mieux s’assurer du respect de cette nouvelle contrainte et d’en mesurer l’impact sur la qualité de l’air.
« Quantifier les rejets de chaque navire de façon individualisée, avec les documents, ça peut aussi préparer à la question du choix des navires qui viennent au port », lance Dominique Robin.
Il évoque ici la possibilité d’interdire les navires les plus polluants de s’amarrer à Marseille. Ce souhait du maire de la Ville pourrait se concrétiser dans les prochaines années.
Des nouveaux drones analysent les fumées des navires
Toutefois, pour l’heure, « l’installation de capteurs dans le port n’est pas sur la table », précise le directeur d’Atmosud, qui ne pourra donc pas mesurer directement les rejets des navires.
Mais la Direction interrégionale de la mer Méditerranée (Dirm Med) semble, elle, se pencher sur ce point. Elle vient de lancer un programme expérimental, soutenu par l’Europe, pour analyser les panaches de fumée à la sortie des cheminées.
C’est un drone équipé de nombreux capteurs qui permettra de vérifier directement les émissions des navires. Un dispositif qui pourrait changer la donne et apporter des données précises sur l’impact du secteur maritime sur la pollution de l’air, et les progrès accomplis. On vous explique ça en détail, très bientôt, sur Made in Marseille.